Le rapport annuel 2020 de l'ISTAT (Institut national des statistiques) montre que 4 personnes sur 10 âgées de 25 à 64 ans n'ont pas de diplôme et 4,6% des plus de 9 ans sont analphabètes. Le taux d'abandon scolaire est de 12,7 % et figure parmi les plus élevés d'Europe.
"Le peu de considération que notre classe politique, et en particulier la plus récente, réserve à l'éducation, à l'université et à la recherche est la conséquence du faible niveau culturel de la grande majorité des élus au Parlement", avait averti dans une interview Margherita Hack, la célèbre astrophysicienne italienne décédée le 29 juin 2013.
En effet, le délitement progressif des institutions politiques au cours des dernières décennies s'est accompagné d'un appauvrissement inexorable de la qualité de l'enseignement à tous les niveaux, avec des conséquences catastrophiques sur la préparation culturelle de la population.
Un pays divisé en deux
Les données publiées dans le rapport de l'ISTAT 2023 sont tout aussi inquiétantes : 23,1 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans n'étudient pas, ne travaillent pas et ne suivent aucun parcours éducatif. Ce phénomène connu sous le nom de Neet (Not in education, employment or training), touche principalement les femmes (20,5 %), surtout celles du sud.
En Sicile, en Campanie, en Calabre et dans les Pouilles, les personnes Neet sont plus nombreuses que celles qui ont un emploi. L'Italie figure également parmi les premiers pays de l'Union Européennes champions d’abandons scolaires, un problème très complexe englobant les parcours scolaires manqués, les sorties précoces du système éducatif, les redoublements, l'accumulation de lacunes et de retards dans l'acquisition des connaissances et l'absentéisme. En 2022, 83 000 élèves ont été recalés parce qu'ils n'avaient pas atteint le nombre minimum d'heures de présence requis pour valider l'année scolaire : 743.

Même ceux qui parviennent à terminer tous les cycles de la scolarité obligatoire atteignent souvent des niveaux de préparation insuffisants par rapport aux normes européennes. L'Institut national d'évaluation du système d'éducation et de formation (Invalsi) a indiqué pour 2022 que le pourcentage d'élèves qui ne pouvaient ni lire ni comprendre un texte était de 39 % (contre 34 % en 2018), tandis que 44 % avaient d'importantes difficultés de logique et de calcul (contre 39 % en 2018), certaines régions en particulier étant clairement désavantagées.
L'Association pour le développement de l'industrie dans le sud de l'Italie (Svimez) a récemment confirmé à quel point le destin scolaire d'une personne dépend en grande partie de sa région de naissance. Le taux national d'abandon scolaire en 2022, le plus élevé après la Roumanie et l'Espagne, concernait principalement le sud et les îles, alors qu'il était moindre dans le centre-nord. En Calabre, le taux d'analphabétisme fonctionnel atteint 7 %, en Basilicate 6,7 %, et dans les zones les plus reculées du Sud, les transports publics sont si mauvais que de nombreuses écoles sont inaccessibles.
Le contexte socioculturel particulièrement défavorable de certaines familles décourage aussi souvent les jeunes générations d'aspirer à une meilleure éducation. Dans certaines villes, il existe de véritables "ghettos éducatifs" où étudient presque exclusivement des personnes issues de milieux économiques extrêmement fragiles. Enfin, les services annexes, tels que l’étude, les cantines scolaires et les activités sportives et culturelles sont extrêmement rares, voire inexistants, ce qui contribue aussi à l'abandon scolaire.
Par ailleurs, la pandémie a aggravé la situation en accélérant le processus de paupérisation de l'éducation, ce qui contribue au phénomène d'abandon scolaire précoce, en particulier chez celles et ceux qui n'ont pas pu s'adapter à l'enseignement en ligne, accumulant des lacunes qui sont devenues peu à peu insurmontables.
Difficultés structurelles
Le rapport "Les Italiens et l'école" publié en 2021 (1) a analysé un échantillon national de mille élèves, enseignants et parents afin d'identifier les principales lacunes de l'éducation dans le pays. D'un point de vue éducatif, les programmes obsolètes et trop théoriques ont été signalés (52 %), la faible motivation (50 %) et la mauvaise préparation (35 %) du personnel enseignant, ainsi que le manque de soutien aux élèves handicapés et/ou ayant des difficultés d'apprentissage (23 %).
Parmi les principaux facteurs critiques figure également la vétusté des bâtiments : la plupart d'entre eux ne sont en effet pas conformes à toutes les normes de sécurité requises. Les édifices scolaires sont souvent délabrés en raison d'un manque d'entretien, les classes sont surchargées, l'équipement technologique est inadéquat et des barrières architecturales limitent l'accès des personnes handicapées.
De plus, dans de nombreuses écoles, les radiateurs sont éteints ou cassés pendant les mois d'hiver, ce qui provoque de fréquentes grèves d'élèves. Une enquête menée en 2017 par Cittadinanzattiva, une organisation à but non lucratif qui promeut les droits dans le pays, a rapporté que de nombreuses écoles manquent même de papier toilette et de savon.
"L'Italie n'investit pas beaucoup dans l'éducation, au contraire : elle dépense beaucoup moins que les autres pays européens", a déclaré Adriana Bizzarri, coordinatrice scolaire de Cittadinanzattiva, lors d'une interview. Cette année, les dépenses du pays pour l'enseignement public se sont élevées à 7 000 euros par élève en maternelle et en primaire, et jusqu'à 9 000 euros par élève au lycée. Cette indigence pousse certaines écoles à demander aux parents des contributions financières ponctuelles, creusant ainsi le fossé déjà existant entre les écoles des quartiers aisés et des grandes villes et celles de la banlieue ou des villes de province.
Le traitement économique que notre pays réserve aux enseignants est un autre point particulièrement sensible. En effet, selon l'OCDE, les salaires perçus en Italie sont les plus bas de l'Union Européenne : ceux qui travaillent dans les écoles primaires et secondaires gagnent environ 36 800 euros par an, contre 72 869 euros aux Pays-Bas et 82 569 euros en Allemagne. Récemment, l'actuel ministre de l'éducation et du mérite, Giuseppe Valditara, a déclaré vouloir introduire des différences de rémunération en fonction de la région de résidence, ce qui a suscité de vives réactions de la part des syndicats et des associations professionnelles.

Des politiques d'inclusion sociale insuffisantes
L'association Save The Children a récemment publié une étude sur le pluralisme culturel dans les écoles italiennes. Il en ressort que plus de 800 000 mineur.e.s issu.e.s de l'immigration sont scolarisé.e.s dans les écoles maternelles, primaires et secondaires, soit 10,6 % de la population scolaire. Bien que ces élèves aient grandi dans le pays, ils n'ont pas la nationalité italienne et les conséquences de cette anomalie bureaucratique affectent également leur éducation.
L'insertion dans les crèches et les écoles maternelles est souvent problématique et, dans de nombreux cas, ces enfants sont placés dans des classes inférieures à celles correspondant à leur âge réel, ce qui ralentit considérablement leur processus d'apprentissage.
Les échecs dûs à un soutien insuffisant de la part des enseignants sont également très fréquents et les cas d'abandon précoce sont nombreux. Ces jeunes ont également plus de difficultés que les autres à participer à des voyages ou des séjours d'études à l'étranger, à des compétitions sportives ou à s'inscrire à des concours publics et à des tests d'entrée à l'université.
L'association a lancé une pétition pour demander au Parlement de leur permettre de régulariser leur situation administrative avant leur majorité. Elle demande également au gouvernement de soutenir l'inclusion des première et deuxième générations en améliorant l'offre pédagogique. Les services de médiation culturelle devraient être intensifiés et des parcours spéciaux visant à renforcer le pluralisme linguistique et culturel devraient également être créés.
"L'Italie attend depuis trop longtemps une réforme législative qui reconnaisse la pleine citoyenneté aux garçons et aux filles né.e.s ou arrivé.e.s enfants dans notre pays, renforçant ainsi leur sentiment d'appartenance à la communauté dans laquelle ils grandissent et stimulant leurs aspirations pour l'avenir. C'est une occasion que notre pays ne peut pas manquer", a déclaré Raffaela Milano, directrice des programmes pour l'Italie et l'Europe chez Save the Children.

























