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Juste avant d’être fauchée, Fatima avait tissé ce lien avec la cinéaste iranienne Sepideh Farsi. Une correspondance par vidéos, un échange qui a donné naissance à un film : Put your soul on your hand and walk (« Mets ton âme sur ta main et marche »). Ce film, sélectionné à Cannes, est aujourd’hui, malgré lui, un hommage, un acte de mémoire.
Fatima aurait pu être saluée comme l’une des grandes voix de l’image, une photojournaliste palestinienne, jeune, engagée, déterminée. Son histoire aurait pu être celle d’une femme derrière la caméra, éclairant la nuit, capturant la vérité.
Mais non.
Ce n’est pas le destin qui en a décidé autrement. Ce n’est pas une fatalité. C’est un crime. Un massacre organisé, assumé, planifié. Un génocide, ostentatoire, délibéré, sous le regard d’une communauté Internationale démissionnaire, spectatrice, complice et complaisante.
Fatima Hassouna, ce nom ne me disait rien.
Et pourtant, j’ai appris à posteriori, qu’on la surnommait « L’œil de Gaza ». Elle était là, au cœur des ruines, comme un remède à la fatalité. Elle documentait l’horreur au quotidien, la douleur et la vie qui résiste sous les décombres. Elle envoyait des éclats de vérité, des fragments de dignité, depuis l’enfer.
Fatima a été tuée. L’œil de Gaza s’est fermé.
Mais ce qu’on a voulu tuer, ce n’est pas seulement une femme. Une de plus. C’est une voix. Un regard. Une mémoire. Car au-delà des bombes, au-delà de la mort, c’est cela qu’on tente d’anéantir : le témoignage. Ce lien ténu mais vital, fragile mais puissant, entre Gaza et le reste du monde. Chaque journaliste assassiné, est une voix de plus réduite au silence, une victoire pour l’omerta.
Fatima a été tuée.
« Je veux une mort dont le monde entier entendra parler. »
Une sentence à la voix passive qui résonne comme un glas dans les médias de la condescendance. Un constat neutre qui efface l’assassin et dilue le crime. Comme si l’assassin était une providence inatteignable, indéfinissable, sacrée, innommable.
Erratum. Fatima a été tuée, bombardée avec dix membres de sa famille, dont une sœur enceinte, par l’Etat criminel, génocidaire d’Israël. En sa mémoire, ayons la décence et le courage de mettre des mots sur les maux.
Fatima avait 25 ans et était diplômée en multimédia du collège universitaire des sciences appliquées de Gaza. Ce qu’on a voulu détruire, c’est une femme. C’est une voix. Mais également une promesse d’avenir. C’est l’intelligentsia palestinienne qu’on assassine. Les artistes, les penseurs, les journalistes. Ceux qui éclairent. Ceux qui dérangent.
Fatima se préparait à un nouveau chapitre de sa vie. Elle devait se marier en août. Mais Israël a fait de gaza un cimetière à ciel ouvert, un enfer sur terre. Une fosse commune pour des milliers de vies fauchées, de rêves brisées, d’histoires interrompues sans préavis. Des histoires anonymes sous les décombres, pour que l’effacement des corps emporte aussi la mémoire.
« Je veux une mort dont le monde entier entendra parler. », avait-elle écrit.
Fatima Hassouna. Avant sa mort, son nom ne me disait rien.
Mea culpa.
Dans ce monde en déclin, je suis heureux qu’il existe des plateformes gratuites pour transmettre la voix de la vérité, dans un monde où les cris silencieux s’élèvent. Salutations à vous.