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Avec des mains crevassées par la rudesse des travaux agricoles et les difficultés de la vie, Mariam et ses amies cueillent les olives des vergers de leur village du Sud qui a eu la part du lion des bombardements israéliens ininterrompus depuis le mois d’octobre. « Nous aimons notre terre et en aucun cas nous n’accepterons de l’abandonner ». C’est ce que répond Mariam lorsqu’on lui demande pourquoi elle persiste à travailler dans les oliveraies malgré le danger que cela suppose, surtout que des milliers d’oliviers ont brûlé suite aux bombardements.
Les femmes du Sud représentent une grande partie des travailleurs du secteur des olives, qui comprend la cueillette, la pression et la fabrication, les soins et la taille des arbres.
Productrice à un niveau international
Rose Bechara, propriétaire d’une marque déposée pour la production d’olives et d’huile d’olive, déclare : « La guerre qui a lieu sur le front du Sud concerne les agriculteurs et les agricultrices qui en payent le prix fort parce qu’elle empêche l’accès aux terrains et aux oliviers pour y effectuer les travaux nécessaires. C’est un nouvel obstacle qui rend encore plus difficile de tirer profit de nos terres et d’y faire des investissements ».

Rose, née à Deir Mimess, district de Marj Ayoun, mariée à un Italien, rêvait de lancer à un niveau international sa propre huile d’olive, surtout que son village est célèbre pour sa fabrication. Bechara a passé 17 ans à faire des recherches sur l’huile d’olive, et en 2019, avant la crise, elle était prête pour le lancement de sa marque exclusive « Dar Mess de Deir Mimess ». Elle a réussi à faire en sorte que son produit arrive à l’international après avoir raflé 9 prix.
Bechara signale qu’elle a affronté des défis importants parce que son travail représente de gros efforts physiques, non seulement dans le processus de fabrication de l’huile d’olive mais aussi dans l’étape des soins apportés à la terre durant l’année.
Elle dit que les agriculteurs du village avec lesquels elle travaille actuellement n’ont pas pris au sérieux au début sa capacité en tant que femme à travailler la terre. Mais elle a démontré sa compétence par son travail rejoignant l’objectif qu’elle voulait atteindre : faire de l’huile d’olive de son village un produit international. C’est précisément ce qui l’a aidée à surmonter toutes les épreuves.
Elle évoque son expérience avec fierté et joie, puis elle s’attriste de ce qui est arrivé aux oliveraies du Sud cette année et des difficultés vécues par les agricultrices et les agriculteurs. En effet, un grand nombre des familles du Sud dépendent des oliviers pour vivre, grâce aux revenus générés par la vente de leur production d’olives, d’huile, de savons et autres produits de leur fabrication.
Depuis le 8 octobre, la frontière du Sud Liban est le théâtre d’un échange presque quotidien de bombardements entre d’une part les combattants du Hezbollah et des organisations palestiniennes, et d’autre part l’armée israélienne, en parallèle avec la guerre qui se poursuit à Gaza également.
Cette escalade militaire sur une frontière de près de 100 km a privé certains habitant.e.s, agriculteurs et agricultrices de l’accès aux oliveraies et aux vergers, d’autres ont même effectué la cueillette de cette saison malgré le danger qui plane sur les villages frontaliers.
Des tableaux de trading aux oliviers
« Je m’appelle Mariam Mouassi, j’ai 35 ans, je suis du village de Aïtaroun au Sud. Je travaille actuellement dans une société de trading financier, mais au moment des récoltes, j’aide ma famille pour la cueillette des olives et des agrumes, de même que pour la plantation et la récolte du tabac. »
Bien que la plupart des travaux manuels soient considérés en général comme le monopole des hommes, la plantation et la récolte du tabac en particulier nécessitent la contribution de la famille entière, des plus jeunes aux plus âgés. La récolte du tabac commence dès les premières heures du matin et le traitement du produit de la récolte ne s’arrête pas avant une heure avancée de l’après-midi.
Pour ce qui est de la guerre et des difficultés qu’elle impose, Mariam évoque certains défis qu’elle affronte dans son activité, surtout en ce qui concerne la coordination entre le travail de bureau et le travail agricole : « Avant la mi-journée, je suis une jeune femme complètement différente de la personne qui travaille dans les champs. Je manipule du papier, j’ai un travail de bureau, tandis que le travail agricole nécessite la manipulation du fumier, la cueillette des olives, et toutes sortes d’autres travaux. Au début, je ne réalisais pas du tout cette contradiction, et l’expression ‘le matin, c’est une fille, et l’après-midi, c’est Jâfar [un homme]’ me déplaisait fortement, mais avec le temps, j’ai dépassé ces inconvénients et j’ai accepté la réalité, surtout vu les circonstances difficiles et la crise économique ».

Les histoires des cueilleuses d’olives du Sud Liban sont nombreuses, comme celle de la « Hajja » Lamia, 80 ans, qui, à notre question sur son travail, a souri pendant que le soleil irradiait son visage, et nous a dit avec son accent du Sud : « Nous sommes encore sur notre terre et nous n’en partirons pas ».
L’olivier الزيتون est une des cultures fondamentales au Liban لبنان . Selon les chiffres officiels, il y a environ 13,5 millions d’arbres. Les oliveraies représentent 5,4% des 10 452 km2 de superficie totale du pays, et produisent entre 100 et 200 mille tonnes d’olives par an.
Environ 30% de ces produits de la cueillette sont utilisés comme olives de table. Quant aux 70% restants, ils sont destinés à l’extraction de l’huile : entre 15 000 et 25 000 tonnes d’huile d’olive sont ainsi produites par an, dont environ 5000 tonnes sont exportées, selon les chiffres officiels.

























