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Nous sommes en 1946, dans un quartier populaire de Rome. Delia est mariée à Ivano, ils ont trois enfants. Celui-ci la bat et l'humilie quotidiennement. Outre les tâches ménagères qui lui incombent, Delia court dans tous les sens pour effectuer des petits boulots sous-payés : couturière, soignante à domicile, réparatrice de parapluies. Heureusement son amie Marisa est là pour lui remonter le moral...
Projeté à l’occasion du Festival international du film de Rome le 26 octobre 2023, « Il reste encore demain » a encaissé 36, 6 millions d’euros et vante 5 millions d’entrées. Mais au-delà de son succès commercial, le film de Paola Cortellesi, réalisatrice et actrice, a surtout touché de plein fouet la société italienne, secouée par l’assassinat de Giulia Cecchettin survenu 16 jours après sa sortie.
Dans un premier temps la jeune fille de 22 ans, une étudiante en ingénierie au visage poupon et souriant, avait été porté disparue. L’Italie avait retenu son souffle dans l’attente de la voir réapparaître. Mais la découverte du corps de Giulia, tuée à coups de couteau le 11 novembre par son ex petit-copain, a anéanti tout espoir, déclenchant dans le pays une mobilisation sans précédent. Un débat de fond sur les causes systémiques des féminicides engendrés par le patriarcat a déferlé sur la péninsule, encouragé par la famille de la victime. Un décompte funèbre indique que le meurtre de Giulia est le 106e sur les 120 meurtres de femme enregistrés en 2023.
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« Il y aura un avant et un après. L’Italie n’est plus la même depuis le féminicide de Giulia, » a déclaré au journal Le Monde Giorgia Serughetti, philosophe féministe. C’est précisément cet après que le film de Paola Cortellesi a accompagné. Durant les marches organisées dans tout le pays suite au féminicide de Giulia, plusieurs manifestantes ont repris sur leurs affiches des citations empruntées aux dialogues du film. Des campagnes de sensibilisation contre la violence sexiste ont eu lieu sur tout le territoire où de nombreux collèges et lycées ont organisé des projections. Le 22 novembre 2023, le film a été projeté simultanément, en public et en direct sur internet pour plus de 56 000 élèves de 365 lycées.
Dans son message adressé au Sénat où une séance spéciale s’est tenue, Paola Cortellesi écrit : « En tant que simple citoyenne, j'espère que, quelles que soient les tendances politiques que vous représentez, vous saurez avancer unis pour que les nouvelles générations reçoivent, tout au long de leur scolarité, une éducation adéquate à l'affectivité et au respect, pour qu'elles apprennent dès leur plus jeune âge que l'amour n'est pas synonyme de possession, et pour que la violence masculine à l'égard des femmes cesse d'être le phénomène social indigne qui affecte notre pays au quotidien. »
A la faculté de Langue d’Arezzo en Toscane, un groupe d’étudiant.e.s de seconde année - toutes des filles, à l’exception d’un garçon - a accepté de livrer ses impressions et ses pensées qui ramènent inexorablement vers Giulia Cecchettin.
Selon ces dernières et ce dernier, en mettant en image et en dialogue la violence de genre au lendemain de la seconde guerre mondiale, et en particulier celle vécue par Delia, « le film permet d’interroger l’histoire : la manière dont les femmes se sont peu à peu émancipées, mais aussi ce qui reste de cette violence dans la société italienne. »
Beaucoup de leurs interrogations concernent aussi sur les choix esthétiques de Paola Cortellesi : « Comment est née l’idée de ce film ? Pourquoi l’avoir réalisé en noir et blanc et avoir choisi le registre du tragicomique pour raconter l’oppression de Delia ? (En effet, les scènes de violence conjugale sont chorégraphiées et l’humour omniprésent). Enfin, pourquoi est-il important de voir « Il reste encore demain », quelle est sa visée ? »
A l’occasion de la sortie du film en France, Paola Cortellesi, l’acteur Valerio Mastandrea et l’actrice Emanuela Fanelli répondent à ces questions dans l’interview accordée à la rédaction de « L’Italie à Paris ».
En ce début du mois de juin, comment ne pas rendre hommage à ce film qui nous rappelle qu’il y a 78 ans les Italiennes votèrent pour la première fois -précisément le 2 juin 1946-, optant pour la république et l’abolition de la monarchie.
Après avoir étouffé sous la double décennie fasciste qui les avait enfermées dans leur foyer et reléguées à la fonction de procréation, les femmes participèrent en votant massivement à ce premier grand moment du féminisme : celui de « La liberté politique », comme le qualifie l’historienne Camille Froidevaux-Metterie qui en distingue deux autres à venir dans leur parcours d’émancipation : « La liberté civile » et « La liberté corporelle et intime ». En tout état de cause le combat continue...