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Il y a des chiffres qui font froid dans le dos, ceux dont nous disposons grâce au réseau Rawsa sur les droits sexuels et reproductifs dans la région MENA laissent pantois : ainsi, à l’exception de la Tunisie, l’Interruption Volontaire de Grossesse y est illégale dans tous les pays.
De ce fait, les avortements clandestins auxquels les femmes ont recours, et dont le taux est plus élevé que dans le reste du monde, sont à l’origine chaque année d’environ 9700 décès. Ces données sont à mettre en relation avec un autre chiffre inquiétant : seulement 47 % des femmes de cette région accèdent à une méthode contraceptive, alors que ce pourcentage est de 57% au niveau mondial.
Ainsi, bien que le monde bouge et que les femmes soient de plus en plus nombreuses, du Moyen-Orient à l’Afrique du Nord, à revendiquer leurs droits, les lois -elles- restent inamovibles et l’avortement continue d’être interdit, complétement ou partiellement, dans la plupart des pays de la zone MENA : seuls 55% d’entre eux autorisent l’avortement lorsque la vie de la femme est menacée.
Les taux se réduisent ultérieurement puisque seulement 28% des avortements sont autorisés pour préserver la santé physique et/ou mentale des femmes.
Malheureusement le Covid-19 n’a fait qu’empirer la situation. Il y aurait 10% d’avortement non sécurisés en plus, l’accès à la contraception et à l’avortement sécurisé (qui a lieu le plus souvent à l’étranger) étant restreint depuis le début de la pandémie. Comme à l’accoutumée, ce sont les femmes et les filles les plus pauvres et les plus marginalisées qui pâtissent des effets de cette crise.
Afin de changer les juridictions sur l’avortement et contrer ce qui est encore un véritable tabou, le réseau RAWSA MENA - Afrique du Nord et Moyen Orient - a vu le jour en 2019. Il rassemble des organisations et des activistes féministes et pour les droits humains pour promouvoir un plaidoyer au niveau régional en faveur du droit à l’avortement sécurisé.
« Nous partageons la conviction que toute femme a le droit de disposer de son corps et d’avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive sans être poursuivie judiciairement et/ou emprisonnée. Lorsqu’il en va autrement, que les femmes sont dans l’impossibilité d’accéder aux services d’avortement nous sommes face à une atteinte à la liberté individuelle et à une cause de discrimination individuelle basée sur le genre » expliquent les organisatrices.
Le réseau Rawsa se déploie en points focaux couvrant plusieurs sous-régions : Algérie-Maroc, Egypte-Liban-Oman, Palestine-Jordanie, Liban, Irak-Syrie. L’équipe de coordination couvrant la Tunisie. Leurs représentant.e.s ont pour mission d’établir des contacts avec les autres membres du réseau, de sonder la spécificité du territoire sur lequel ils/elles opèrent et d’en rendre compte, de développer aussi l’échange et le partage d’expériences entre les défenseurs des droits sexuels et reproductifs.
Elargir son réseau, développer et diffuser son plaidoyer en sensibilisant les médias, les professionnel.le.s de santé et les décideur.euse.s politiques de la région, approfondir la recherche afin de recueillir des données précises et des témoignages démontant l’impact négatif des politiques restrictives en matière de droits sexuels et reproductifs ainsi que les répercussions dramatiques des avortements non sécurisés sur les femmes et leur santé, telles sont les actions prioritaires de Rawsa.
Ainsi, en juillet dernier, un webinar a été organisé par Rawsa à l’attention des journalistes qui recevaient, quelques semaines plus tard, un guide servant à traiter le sujet de l’avortement en employant les mots justes (1). Le réseau vient également de lancer un cycle de formation à destination des activistes, journalistes et professionnels de santé impliqué.e.s dans la défense du droit à l’avortement : « 20 participant.e.s des différents pays de la région seront formé.e.s par des expert.e.s régionaux et internationaux sur les questions de plaidoyer, de communication, sur la clarification des valeurs pour le changement d’attitudes (VCAT) en matière d’avortement et sur les moyens de sortir l’avortement de l’illégalité», peut-on lire dans l’appel à candidature. Ce cycle de formation, qui prévoit 4 sections, se déroulera pendant les mois d’octobre et de novembre 2021 (2).