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« Les routes menant aux maisons sont devenues des amas de décombres. Nous n’avons même plus de chemin pour atteindre nos foyers et nos lieux de travail », raconte une femme originaire de Nabatiyeh, dans le Sud, qui est revenue chez elle après la fin de la guerre pour découvrir un lieu méconnaissable. « Toutes les vitres étaient brisées, et n’ayant pas d’argent, je n’avais d’autre choix que de couvrir les fenêtres avec du nylon. La plupart des femmes de ma ville ont fait pareil. L’hiver commence, et nous ne pouvons attendre l’aide. Nos maisons seraient inondées par la pluie et glacées par le froid. »
« Nous avons nettoyé nos maisons, essayé de remettre en état ce qui était possible, mais la tâche est éprouvante. Les dégâts ont touché chaque pièce, chaque porte, chaque armoire, et certaines familles n’ont plus rien retrouvé chez elles. »
Quant à Rayan, une jeune femme de Tyr, elle confie avec une profonde tristesse : « Ma mère est encore brisée. Voir la maison détruite l’a anéantie de l’intérieur. Nous essayons de l’aider et de la réconforter, mais elle insiste pour vendre la maison, ou du moins ce qu’il en reste. » Rayan poursuit : « Cette maison représentait toute la vie de ma mère. Elle ne supporte pas de la voir dans cet état. Elle a tenté de déblayer les décombres, espérant que cela lui redonnerait un peu d’espoir. »
Après une guerre qui a ravagé le Liban, provoquant le déplacement de plus d’un million de personnes depuis le Sud, la Bekaa et Beyrouth, les familles sont revenues pour découvrir des maisons rasées ou gravement endommagées, réclamant des sommes colossales pour être réparées. Alors que la reconstruction progresse lentement, faute de financements, les femmes ont essayé de redonner vie à leurs foyers malgré les difficultés. Nombre d’entre elles ont déblayé les décombres en l’absence d’équipes de secours et d’équipements spécialisés, tandis que d’autres ont trouvé des solutions pour remédier aux dommages, comme remplacer les vitres par du nylon ou cuisiner sur des poêles à bois ou en plein air, car de nombreux cuisines ont été détruites.
Selon les chiffres officiels, la guerre au Liban a causé plus de 4 000 morts, dont 290 enfants, 790 femmes et 241 travailleurs et travailleuses du secteur sanitaire et des secours. Plus de 14 000 personnes ont été blessées et plus d’un million de personnes ont été contraintes de fuir leurs maisons en quelques heures. Selon les estimations de la Banque mondiale, le coût de la reconstruction s’élève à au moins 5 milliards de dollars, et il faudrait plus de quatre ans pour achever le processus, à condition que les fonds nécessaires soient disponibles.
Alors que l’impasse politique persiste autour de l’élection d’un président de la République, le dossier de la reconstruction demeure en suspens, tributaire de l’évolution des circonstances et des choix politiques. Dans cet intervalle, de nombreuses familles sont contraintes de patienter et de faire preuve d’ingéniosité pour réintégrer leurs maisons et y reconstruire une vie. Comme en temps de guerre, mais aussi en période de paix ou d’après-guerre, les femmes se retrouvent à porter un fardeau supplémentaire, confrontées à des défis souvent au-delà de leurs moyens : cuisiner sans gaz, vivre dans des maisons dépourvues de portes, éduquer les enfants sans table, ou encore braver le froid tout en soutenant enfants et personnes âgées, particulièrement en plein hiver et sous les assauts des tempêtes.
Le Hezbollah et ses comités spécialisés ont commencé à distribuer une partie des aides et à réaliser un recensement des dommages. Cependant, les données régionales et internationales montrent qu’ils ne peuvent couvrir tous les besoins, notamment avec 99 000 unités résidentielles partiellement ou totalement endommagées. Avec une dette publique atteignant 150 % du PIB et des institutions publiques proches de la faillite, les familles se retrouvent accablées d’insomnies, de fatigue et de frustration, car l’État est dans l’incapacité de financer les travaux de reconstruction. Le Liban n’a d’autre choix que de compter sur le soutien international des bailleurs de fonds, un soutien conditionné à des réformes politiques et organisationnelles difficiles à réaliser dans le contexte actuel de tensions politiques.
En temps de paix et de guerre : les femmes dans l’œil du cyclone
Un rapport des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité révèle que le pourcentage de femmes tuées dans les conflits à travers le monde a doublé l’année dernière, représentant désormais 40 % des victimes dans les zones de guerre. Au Liban, bien que le conflit affecte les civils des deux sexes, les femmes et les filles endurent une souffrance accrue en raison de leur statut différencié dans la société et des normes sociales discriminatoires, les exposant davantage aux violences sexuelles et celles basées sur le genre et alourdissant les charges domestiques et familiales non rémunérées.
Ce fardeau s’est intensifié avec les enfants déscolarisés ou suivant des cours à distance, et les tâches ménagères dans des centres d’hébergement dépourvus d’équipements appropriés pour l’assainissement et l’hygiène. À cela s’ajoute le rôle des femmes dans la gestion des traumatismes psychologiques qu’ont subis leurs enfants à la suite des bombardements. Selon le rapport des NU, les femmes représentent près de 52 % des personnes déplacées par la guerre. Aujourd’hui encore, elles continuent de porter les charges des soins et des responsabilités domestiques, même après la fin des combats et l’instauration d’une trêve confuse, tandis que la reconstruction semble un objectif lointain.
Beaucoup de familles interrogées ont préféré réparer leurs maisons avec les moyens du bord, plutôt que d’attendre une aide qui pourrait ne jamais arriver. D’autres ont dû louer des logements dans des zones épargnées.