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Crédit photo l'image mise en avant : Gaza - Palestine © Musa Alzanoun
Rula Abou Hashem
Bonjour, si c'est le matin chez vous.
Et bonsoir si c’est le soir, là où vous êtes.
Pour nous à Gaza il n’y a aucune différence entre le jour et la nuit.
La mort est présente en permanence 24h sur 24 dans les cinq gouvernorats.
Le génocide se poursuit sans relâche depuis 210 jours.
Avec vous Rula, journaliste et correspondante de Nissa FM à Gaza.
J'aurais voulu partager ce message avec l'image et le son.
Mais excusez-moi, l’électricité est coupée, il se fait tard maintenant et il n'y a pas de lumière.
Ce que vous entendez comme bruit de fond, ne provient pas d’un problème technique, il s’agit du vacarme provoqué par les drones israéliens qui n'ont pas quitté notre ciel depuis le début de l’agression.
Je suis la mère de quatre enfants, je me suis déplacée avec eux depuis le 7 octobre. J'ai quitté mon domicile au nord de Gaza. Je veux parler de ma maison, qui se trouvait là-bas avant que les forces de l'occupation ne la démolissent et ne la transforment en un tas de gravats.
Ma maison, je l'ai achetée au fil de plusieurs versements bancaires il y a juste un an, après dix longues années de supplice dans les locations.
Vous voulez savoir comment la guerre a transformé ma vie de journaliste ?
Cette guerre m'a changée, m'a dispersée, m'a fait subir les pires des souffrances, m'a détruite, m’a ébranlée et à totalement bouleversé ma vie !
En principe je devrais être sur le terrain à rapporter les évènement minute par minute.
Mais cette guerre ne m’a laissé aucune chance d’exercer mon travail de journaliste.
Ma journée démarre au lever du soleil avec toutes les tâches quotidiennes : faire le pain, préparer à manger, apporter de l’eau, laver le linge, nettoyer le lieu où l’on dort.
Il n’y a pas de boulangerie dans la ville, nous fabriquons le pain nous-même de A à Z.
Il n’y a pas de restaurant dans la ville. Nous devons nous débrouiller pour préparer des repas avec le peu de boites de conserve en notre possession.
Pas d’électricité dans la ville pour faire tourner les machines. C’est nous qui lavons notre linge à la main.
Imaginez… Je dois faire tout cela, jour après jour avec quatre enfants dont le plus âgé à moins de 8 ans.
La plus petite, Kinda, qui avait un mois et trois semaines au début de la guerre, va avoir 9 mois dans deux semaines. Je ne sais pas comment a grandi ma fille et quand a-t-elle grandi.
Quant à Carmel qui a eu 3 ans durant l’agression, je ne peux plus lui expliquer que les bombardements qui lui font si peur, sont juste des ballons qui explosent. Cette histoire ne marche plus !
Maintenant elle sait que les explosions qui la terrorisent sont des missiles, des bombes.
Et que s’ils nous ratent cette fois, ils pourront bien nous atteindre la prochaine fois.
Et Ibrahim qui a eu 5 ans pendant la guerre est toujours perturbé par l'absence d'une réponse claire de ma part à sa question persistante : « Maman quand est-ce qu'on rentre chez nous, dans notre maison ? ».
Écoutez l'audio en arabe correspondant à la traduction française ci-haut :