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Depuis une vingtaine d’années, s’est instauré un rituel annuel que Medfeminiswiya tient à saluer : où que l’on soit dans le monde, il faut rappeler les femmes subissent des violences qui vont du harcèlement mental aux coups, du viol aux féminicides, de la banalité de la violence domestique à la non moins monstrueuse et banale éviction du champ économique et politique.
Chaque 25 novembre, briser le silence qui entoure ces violences est devenu une évidence, reconnue médiatiquement. On peut s’en réjouir puisque désormais, aucun État, aucun parti politique, aucune institution, aucune personne ne peut plus l’ignorer. Mais on peut aussi s’en plaindre : les rapports annuels s’accumulent dans beaucoup de pays autour de la Méditerranée, tandis que tous les trois jours, une femme meurt toujours sous les coups de de son compagnon. Malgré les alertes réitérées d’une année sur l’autre, le rythme des féminicides ne diminue pas. Ils ont même tendance à augmenter.
Et les féminicides ne sont que « la pointe de l’iceberg », remarque avec amertume Cristiana, une experte basée en Italie. Une femme sur trois dans le monde est victimes de violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Malgré les rapports diffusés largement par les grandes organisations internationales, malgré le mouvement Metoo, malgré l’énergie déployée par les organisations féministes au Maghreb, au Moyen-Orient, en Turquie, dans les Balkans, la sensibilisation des sociétés ne s’accompagne pas de politiques fortes.
Les femmes restent les premières victimes des violences masculines, et de façon encore plus aigüe en temps de guerre. Depuis le 7 octobre, nous avons revu revenir le spectre des crimes contre l’humanité : en tant que féministes engagées, nous restons solidaires de toutes les femmes victimes de ces crimes et des viols de guerre, cette forme antique de la barbarie qui traverse les siècles sans jamais s’éteindre.
Comment prévenir les violences ? Eduquer et sensibiliser les jeunes pour éviter que les stéréotypes et le sexisme s’installent dès le plus âge.
Davantage de visibilité, et des moyens financiers et matériels toujours dérisoires.
Certes, la visibilité accrue a permis d’identifier les mécanismes des violences faites aux femmes. Medfeminiswiya.net continuera au fil des mois de s’en faire l’écho et de dénoncer les manques criants ici ou là, les abus et les distorsions du droit de la famille.
Nous ne manquerons pas non plus de souligner les avancées quand il y en a. Pour celles qui vivent en Europe ou qui viennent s’y réfugier, en voici au moins une : en 2023 a été votée une « réglementation de la prostitution dans l'Union Européenne, son implication dans les trafics transfrontaliers et son incidence sur l'égalité Femmes-Hommes et les droits des femmes ». C’est un premier pas pour appeler les États membres de l'UE à adopter des législations qui intègrent un modèle abolitionniste, avec criminalisation de toutes les formes de proxénétisme. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui en Espagne ou aux Pays-Bas, où les proxénètes sont considérés comme des « industriels » ... Mais il ne suffit pas de protéger les victimes et de condamner les auteurs. Les efforts pour lutter contre les violences faites aux femmes doivent s'intensifier, sans quoi toutes les mesures prises ne seront que des coups d’épée dans l’eau. Faute de s’attaquer aux origines de la violence, les actes criminels subis par les femmes subsisteront voire augmenteront.
Comment prévenir les violences ? Éduquer et sensibiliser les jeunes pour éviter que les stéréotypes et le sexisme s’installent dès le plus âge. Cela peut s’accompagner dès l’école par des cours d’éducation à la sexualité, au consentement, au respect et à l’égalité. Réguler Internet éviterait aussi de propager des scènes de violence comme relevant de la vie ordinaire, et nourrissant une agressivité masculine comme si elle était la règle. Enfin, last but not least, modifier les systèmes juridiques iniques qui font des femmes des mineures à vie, des laissées-pour-compte et des déshéritées.
L’Institut de Vilnius (EIGE*) a établi que la violence dans l’UE coûtait 289 milliards d’euros par an, en prenant en compte les dommages psychologiques, les soins de santé, le manque à gagner sur le marché du travail, etc. À titre de comparaison, le budget européen pour 2022 est de 170 milliards d’euros. Cela donne le sens des proportions et devrait permettre de changer de perspective sociétale, en engageant des actions de prévention fortes, au long cours, contre toutes les violences faites aux femmes.