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Crédit photo de l'image de couverture : Freepick
Dans la Grèce antique, les femmes n'avaient pas le droit de pratiquer le sport ni d'assister aux championnats. Elles furent de ce fait exclues des premiers Jeux olympiques qui se déroulèrent à Athènes en 1896.
C’est pourquoi, cette année-là, Stamàta Revithi suscita un vif étonnement lorsqu’elle décida d’y participer tout de même, ce qu’elle fit en marge de la compétition officielle, devenant ainsi la première marathonienne de l'histoire. C'est en partie grâce à elle que les femmes furent finalement autorisées à participer aux Jeux olympiques de Paris en 1900. Elles ne représentent alors qu’1,5 % du total des sportifs et ne sont admises que dans certaines disciplines, jugées idoines par les organisateurs, à savoir le tennis, la voile, le croquet, le golf et l'équitation.
En 1922, toujours à Paris, la Fédération internationale fondée par la nageuse et dirigeante sportive Alice Milliat organise les premiers Jeux olympiques féminins. Le succès est tel qu'aux Jeux de 1928 à Amsterdam, le nombre de compétitrices atteint 10 %. Et les femmes purent aussi concourir dans les disciplines d'athlétisme, qui leur avaient été jusqu'alors interdites.
À Montréal en 1976, les athlètes féminines représentaient 21% des sportifs, en 2012 à Londres - où pour la première fois elles ont été admises dans toutes les disciplines - elles étaient 44%.
Les Jeux olympiques de Paris 2024, prévus du 26 juillet au 11 août, seront les premiers à respecter la parité hommes-femmes, avec 5250 concurrents masculins et 5250 concurrentes féminines. Pourtant, bien qu'il s'agisse d'une étape très importante, de graves discriminations persistent dans les sphères amateur et professionnelle.
Sexisme et racisme
En Italie, bien qu'une femme sur trois se dise passionnée par le football et que le nombre de footballeuses soit en constante augmentation, près de 40% de la population (1) considère ce sport comme purement masculin. Par ailleurs, dans cette discipline comme dans d'autres, les agressions verbales à caractère raciste à l'encontre des championnes d'origine africaine, qui représentent le pays dans les compétitions nationales et internationales, sont de plus en plus fréquentes. Insultes dans la rue ou lors de conférences de presse, chants et banderoles offensants dans les tribunes, montée des discours de haine sur les médias sociaux, tout cela a incité l'Office national de lutte contre les discriminations raciales à créer l'Observatoire national contre les discriminations dans le sport. Son premier rapport, publié en 2022, fait état de plus de 200 cas de descrimination en 12 mois, dont le sexisme, le capacitisme (2), l'antitsiganisme, l'islamophobie et la xénophobie.
Paola Ogechi Egonu représente un cas particulièrement significatif. Née en Italie en 1998 de parents nigérians, elle a connu une carrière aussi rapide que brillante : porte-drapeau olympique aux Jeux de Tokyo 2020, joueuse vedette de l'équipe turque VakıfBank, championne de l'équipe nationale italienne, elle est considérée comme l'une des meilleures athlètes au monde.
“Ils ont été jusqu’à me demandé si j'étais italienne !", avait-elle déclaré en larmes après la défaite en demi-finale contre le Brésil lors de la Coupe du monde 2022 : cette énième attaque l'avait blessée si profondément qu'elle envisagea de quitter l'équipe. Mais les discriminations dont elle a été victime ne sont pas seulement le fait de supporters violents, haineux et perturbateurs. Récemment, la championne a poursuivi en justice le général de l'armée italienne Roberto Vannacci qui, dans son livre contre les homosexuels, les migrants, les étrangers et les féministes, a écrit à son sujet : "elle est italienne par sa citoyenneté, mais il est clair que ses traits somatiques ne représentent pas l'italianité.”
Le racisme n'est pas non plus le seul danger contre lequel Egonu doit se défendre : sa relation passée avec son ancienne coéquipière Kasia Skorupa l'a exposée à de lourdes invectives lesbophobes.
Le cas de Zaynab Dosso
La sprinteuse d'origine ivoirienne Zaynab Dosso est, elle aussi, fréquemment victime d'insultes à caractère raciste. En octobre 2022, elle a été agressée verbalement par une mendiante dans un club romain. "Je ne suis pas choquée qu'elle m'ait traitée de p....a ou qu'elle me dise de retourner dans mon pays, a expliqué Zaynab Dosso dans un post sur Instagram, ce qui me choque c’est que les personnes autour de nous soient restées silencieuses et que certaines d’entre elles aient même ri.”
Après avoir remporté la médaille de bronze du relais 4×100 aux Championnats d'Europe de Munich, Zaynab Dosso a établi le 15 mai un nouveau record d'Italie du 100 mètres en 11''02, confirmant ainsi son talent exceptionnel. Pourtant un tour sur les réseaux glace le sang : "Elle est aussi italienne que je suis aztèque", a commenté peu après son record un lecteur de la Gazzetta dello Sport sur Facebook. "A ce stade, je pense que les athlètes devraient concourir pour eux-mêmes et non pour leur pays ! Quel sens cela a-t-il si dans les compétitions internationales il n'y a que des athlètes d'origine africaine ?", a ajouté un autre internaute, recevant de nombreux likes.
Un héritage si lourd
Le phénomène de la discrimination sur la base de l'appartenance ethnique en Italie est extrêmement répandu et traverse tous les sports. Mauro Valeri, professeur d'université, psychothérapeute et sociologue décédé en 2019, a écrit plusieurs livres sur ce sujet, dont “Black Italians. Atleti neri in maglia azzurra” (Black Italians. Les athlètes noirs en maillot bleu).
"En soi, le sport moderne n'a jamais été un espace naturel d'intégration. Au contraire, dans l'histoire italienne, nous avons des exemples où le sport a servi à alimenter le racisme", a-t-il déclaré lors d'une conférence. Et de poursuivre : “Lorsque le CONI (3) a été créé en 1942, en pleine période fasciste, l'article 2 des statuts stipulait que l'objectif du Comité était l'amélioration de l'athlétisme en tenant particulièrement compte de l'amélioration physique et morale de la race. Curieusement, le terme « race » n'a pas été supprimé au lendemain de la guerre, mais seulement en 1999 [...] On pourrait penser qu'il s'agit d'un oubli. Certes grave, mais simplement d’un oubli. Quand bien même ce soit le cas, il est difficile d’accepter que durant toutes ces années aucune personnalité du milieu sportif n'ait demandé une modification antiraciste (à ce statut, ndrl)”.