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Discriminations de genre
A quelques jours de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, la parité semble avoir gagné du terrain dans le monde du sport puisque le même nombre de sportifs hommes et femmes seront appelé.e.s à concourir dans toutes les disciplines, aucun sport n’étant interdit au genre féminin. Pour la précision, 5520 hommes et 5520 femmes tenteront de dépasser leur record pour ramener coûte que coûte dans leur pays une médaille, voire plusieurs.
Cependant ces avancées ne sauraient nous faire oublier qu’il existe encore de fortes inégalités entre hommes et femmes dans la pratique sportive. Dès l’enfance une répartition sexuée des sports est proposée aux filles et aux garçons : ainsi les fillettes sont invitées à l’exercice de la gymnastique artistique, de la natation ou de l’équitation tandis que le football, le judo ou le rugby sont catégorisés comme des sports masculins. Pourtant ce n’est ni le corps ni l’habilité des femmes qui est en cause mais un système de représentations qui continue de leur coller à la peau.
« Les femmes peuvent s'approprier des compétences, des savoirs mais elles transgressent encore, dans notre culture, quand elles viennent sur les terrains "privilégiés" de la masculinité/virilité : le combat, la force, le risque. 6% de femmes à la Fédération française de rugby (...). C'est que la sexuation des sports est imbriquée avec les rôles sexués et les représentations dominantes de la féminité. », peut-on le lire dans le site vie-publique.fr. (1)
C’est d’ailleurs à l’adolescences que le fossé se creuse entre les deux genres. En effet, beaucoup de filles arrêtent le sport à ce moment-là, tandis que les garçons maintiennent une activité sportive qui participe à la construction de leur virilité.
Cette discrimination commence dès l’enfance. Ainsi, les jeux pour les garçonnets développent beaucoup plus leur motricité que ceux à l’attention des petites filles. De la même manière, les installations sportives dans l’espace public - skate-park, terrain de foot et de basket, etc. - sont largement pris d’assaut par les garçons et délaissés par les filles qui ont intériorisé que ces lieux ne leur étaient pas destinés. C’est d’ailleurs à l’adolescences que le fossé se creuse entre les deux genres. En effet, beaucoup de filles arrêtent le sport à ce moment-là, tandis que les garçons maintiennent une activité sportive qui participe à la construction de leur virilité. Les femmes, qui continuent le sport, choisissent le plus souvent une activité d’entretien, de mise en forme ou de loisir. Et cela concerne surtout les plus privilégiées d’entre elles économiquement et culturellement, puisque les trois-quarts des femmes issues de milieu ouvrier ou agricole ne pratiquent aucune activité sportive.
Par ailleurs, le genre féminin tourne volontiers le dos à un encadrement sportif incluant la compétition. Les chiffres sont éloquents : Parmi les 16-24 ans inscrites en club, seules 35% font de la compétition. Un chiffre qui double lorsqu’il s’agit des hommes dont 69% s’adonnent à la compétition. L’encadrement sportif des femmes génère aussi son lot de violences sur le corps des athlètes comme le « Me Too » dans le sport a pu le révéler dans de nombreux pays, à cela s’ajoutent d’autres formes d’abus telles que l’injonction à la minceur faite aux potentielles championnes dès leur plus jeune âge par des entraîneurs et entraîneuses peu scrupuleux de leur bien-être mental.
Hyper sexualisées
Si ces inégalités de genre dans le monde du sport sont persistantes, c’est aussi parce qu’elles sont largement relayées par les médias. De fait, dans l’Hexagone, 74% de l’information sportive est consacrée principalement aux hommes. Pour rendre visibles leur bravoure et leurs résultats, les sportives sont souvent contraintes à s’exhiber dans des tenues pour le moins douteuses.
Pourtant, depuis une bonne quinzaine d’années, elles s’insurgent : en 2009, quatre joueuses de l'équipe de France de football posaient nues, bras croisés couvrant leur poitrine : « Faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ?» déclaraient-elles, un message percutant pour faire bouger les mentalités. Quelques années plus tard, en 2013, c’est à la joueuse de tennis, Marion Bartoli de remettre à sa place un journaliste de la BBC se moquant de son physique : « Oui je ne suis pas blonde. C'est un fait. Est-ce que j'ai rêvé de devenir mannequin ? Non, désolée. Mais est-ce que j'ai rêvé de gagner Wimbledon ? Oui, absolument » le tacla la championne.
Le 11 avril dernier, en vue des jeux Olympiques de Paris, la marque Nike révélait en avant-première les tenues des sportifs et sportives américain.e.s. Le modèle féminin en a fait sursauter plus d’une à cause de son bas particulièrement échancré au niveau de l’entrejambe, le short incriminé étant jugé sexiste et peu pratique par les intéressées. Ce vêtement n’est « absolument pas fait pour la performance », s’est récriée Colleen Quigley, coureuse de demi-fond (1).
Lauren Fleshman, ex championne américaine du 5000 mètres, n’a pas elle-non plus hésité à partager son mécontentement sur les réseaux sociaux. « Si cette tenue était réellement bénéfique à la performance physique, les hommes la porteraient. Il s'agit d'une tenue issue des forces patriarcales qui ne sont plus les bienvenues pour attirer l'attention sur les sports féminins », peut-on lire sur son compte Instagram. Selon elle, les athlètes devraient pouvoir se concentrer à fond sur leur compétition au lieu de se focaliser sur leur pubis repris par les caméras du monde entier. D’ailleurs, des études ont prouvé que l’attention portée au corps des sportives vise en premier lieu le physique, l’âge et la vie privée, tandis que pour les hommes, c’est exclusivement leur force qui est encensée.
Dans l’Hexagone, 74% de l’information sportive est consacrée principalement aux hommes. Pour rendre visibles leur bravoure et leurs résultats, les sportives sont souvent contraintes à s’exhiber dans des tenues pour le moins douteuses.
La détestation du blanc
On expose et adule leurs longues jambes, leurs fesses musclées, leur pubis saillant mais leur cycle menstruel est ignoré de manière ostentatoire, un déni qui montre que le tabou des règles qui n’est toujours pas dépassé en ce début de XXIe siècle. Cependant, elles sont de plus en plus nombreuses à se faire entendre pour rappeler la réalité hormonale à laquelle elles sont assignées chaque mois. Oui, les sportives ont leurs règles et elles les gèrent tant bien que mal lors des compétitions : douleurs, baisse de l’énergie, inconfort, troubles de l’humeur et du sommeil, maux de tête et de ventre, crampes, bouffées de chaleur, vomissements, flux abondants... Et comme si cela ne suffisait pas à cela s’ajoute l’angoisse de tacher la jupette ou le short blancs.
Si les athlètes parlent librement de leurs menstruations, les fédérations pour leur part tardent à se saisir du problème à bras le corps. Les répercussions sur les performances sont pourtant indéniables : « En général, on se rend quand même à l’entraînement. On serre les dents et on n’en parle pas, explique Laurie Genovese, 30 ans, championne de parapente. Je fais de la distance, soit jusqu’à dix heures de vol. Je suis donc obligée de mettre des couches pour adultes, témoigne la Française. Mais cela reste quand même un problème, et je dois voler moins longtemps. » (2)
Juillet 2022 : alors que l’Euro de football bat son plein, les joueuses de l’équipe d’Angleterre exigent de la marque Nike l’abolition des shorts blancs. La maudite tache de sang sur une tenue blanche ou claire n’est-elle pas la hantise de toutes les sportives ? « Nous comprenons parfaitement les préoccupations de nos athlètes selon lesquelles porter des vêtements de couleur claire pendant leurs règles peut être un véritable obstacle au sport », a admis la marque, sans préciser toutefois si le blanc sera désormais banni.
Les Françaises sont également montées au créneau, réclamant à leur équipementier – et donc à Nike- de concevoir leurs tenues en fonction de leurs cycles menstruels, surtout dans le choix des couleurs. Wendie Renard, capitaine des Bleues s’est exprimée en ce sens lors d'une conférence de presse : « Effectivement, ce n'est pas évident, comme peut-être (pour) vos soeurs, vos mamans, de jouer avec un short blanc, s’est-elle exclamée. On s'adapte, on est des joueuses de haut niveau et malheureusement, nous avons ça. Ça fait partie de notre vie. Mais c'est vrai que c'est une bonne chose -je félicite les Anglaises pour ça-. S'ils (la marque Nike) peuvent faire de même pour nous, ça serait cool. » (2)
Toujours en 2022, décidément l’année de tous les coups de gueule des sportives pour exprimer leur détestation du blanc, les joueuses de tennis ont contraint les organisateurs du tournoi de Wimbledon à repenser l’adoption de la couleur blanche des sous-vêtements qu’elles endossent sous leur tenue.
Il est clair que la nouvelle exposition médiatique des sports féminins, dont le football, fait émerger un impensé : les athlètes femmes ont leurs règles, auxquelles elles ne sauraient se soustraire durant les compétitions. Et ce n’est pas une mince affaire : une récente enquête de la marque Intimina avec Censuwide auprès d'un échantillon de 1000 sportives françaises (professionnelles et amatrices) sur la relation entre sport et menstruations révèle que 61 % des femmes ont déjà manqué une activité sportive à cause de leurs règles et que 51 % craignaient les fuites.
Simplifier la vie des sportives en leur évitant de porter du blanc ou de les affubler de tenues hyper sexualisées devrait tomber sous le sens. Les jeux Olympiques de Paris nous diront comment ces requêtes d’athlètes, fort simples à exaucer, seront actées.