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Le 12 janvier, un camion au bord duquel se trouvaient une trentaine de cueilleuses d’olives heurtait, aux alentours de Sidi Ali Ben Aoun, dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, un autre véhicule. Bilan : 12 femmes écopent de diverses blessures et fractures. Deux jours plus tard, à la suite du dérapage d’un camion transportant 63 saisonnier.e.s sur la route de Sejnane, dans le gouvernorat de Bizerte, 39 femmes sont blessées et quatre hospitalisées pour des fractures graves au niveau du bassin.
Medfeminiswiya avait consacré en janvier 2022 un reportage au calvaire du transport des femmes travaillant dans les champs. « Non assurées, non syndiquées, livrées aux insecticides à visage découvert, sous payées, rémunérées moitié prix en comparaison avec les hommes, leur labeur non comptabilisé par les statistiques officielles, elles sont des milliers à prendre chaque jour la route des champs, entassées les unes sur les autres. Au péril de leur vie », écrivions-nous.
Or, malgré le temps qui passe et nonobstant la publication de la loi 51 sur le transport rural, adoptée en 2019 par le Parlement, visant à prémunir les journalières contre les risques de la route, les femmes continuent, au quotidien, à être chargées dans les camions de la mort les unes sur les autres tel du bétail, dans l’indifférence totale des autorités régionales et nationales.
Environ 92% des femmes rurales actives dans le secteur agricole sont privées de la couverture sociale, 98% d’entre elles sont payées en dessous du salaire minimum agricole garanti (SMAG) et 78% sont victimes de violences.
Privées de leurs droits fondamentaux
Dans un communiqué publié sur son site le 16 janvier, le Forum tunisien pour les Droits Économiques et sociaux (FTDES), qui suit cette problématique de près, s’est dit : « profondément indigné par la situation préoccupante des femmes travaillant dans le secteur agricole en Tunisie ». Le FTDES souligne que ces accidents récurrents, au nombre de 69 depuis 2015, ont provoqué la mort de 55 personnes et blessé 835 autres. Et que depuis la promulgation de la Loi 51, 33 accidents ont eu lieu ayant entrainé la mort de 15 ouvrières.
Le Forum appelle à : « mettre en place des mesures concernant l’application stricte des lois existantes, l’amélioration du système juridique lié aux droits du travail agricole, l’investissement dans les infrastructures routières et le renforcement des campagnes de sensibilisation pour lutter contre le transport anarchique considéré comme étant une forme de traite des personnes ».
Invitée à l’émission Midi Show sur Mosaique FM, Hayet Attar, responsable du dossier des femmes rurales à la FTDES a épinglé les autorités pour « complicité de crime ». Elle s’est insurgée : « Un camion chargé à ras d’ouvrier.e.s agricole, comme celui de Sejnane le dimanche 14 janvier, ne peut pas passer inaperçu. Je ne peux pas croire qu’aucun agent de sécurité n’ait aperçu ce véhicule contrevenant aux lois de ce pays, y compris à celle relative à la lutte contre les violences faites aux femmes ».
Hayet Attar a également déclaré que certes la Loi 51 n’est pas parfaite, mais qu’elle pouvait limiter le règne des intermédiaires/camionneurs sur le secteur de l’agriculture. Ainsi que leur emprise sur les femmes, qui dépendent souvent d’eux pour travailler, être rémunérées et pour circuler entre leur domicile et l’exploitation agricole.
Le 13 octobre dernier, à l’occasion de la Journée internationale des femmes rurales célébrée le 15 octobre de chaque année, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux a dressé un tableau sombre de la situation des ouvrières agricoles en Tunisie.
Confrontées à une triste réalité, elles représentent le maillon faible de la production agricole. Puisque d’après les données du FTDES, environ 92% des femmes rurales actives dans le secteur agricole sont privées de la couverture sociale, 98% d’entre elles sont payées en dessous du salaire minimum agricole garanti (SMAG) et 78% sont victimes de violences.