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Le 17 octobre, Mirna, 45 ans, a dû quitter son village de Rmeish dans le sud du Liban, théâtre de fréquentes tensions entre le Hezbollah et Israël. « Nous sommes fatigués, vraiment fatigués. Nous attendions avec impatience la fin de la guerre de juillet 2006. Nous n’en pouvons plus », dit-elle lors d’un appel avec Medfeminiswiya après avoir déménagé à Ehden, un village isolé du nord du Liban.
Le mari de Mirna est resté à Rmeish dans la maison familiale. « Nous ne pouvons pas laisser la maison vide, explique cette mère de trois enfants. Il n’y a plus d’école, plus de vie. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Le travail s’est arrêté, nous attendons simplement de voir ce qui va nous arriver, même si nous n’avons rien à voir avec toute cette histoire. »
Selon les derniers chiffres publiés par l’Organisation internationale des Nations unies pour les migrations, environ 29 000 personnes ont été déplacées du sud du Liban et d’autres régions du pays depuis le début du mois d’octobre, en raison de l’escalade de la violence à la frontière libanaise à la suite du déclenchement de la guerre contre Gaza. Ce nombre est susceptible d’augmenter à mesure que les combats à la frontière et dans la bande de Gaza continuent de s’intensifier.
A l’instar des femmes et des enfants de Gaza qui paient le prix le plus élevé de la guerre en cours dans la bande de Gaza, cette réalité s’applique aussi au Liban, vu le manque d’abris adaptés pour accueillir le nombre croissant de personnes déplacées.
À cela s’ajoutent les difficultés, déjà existantes, provoquées par la crise économique sévère dont souffre le Liban depuis fin 2019. Une situation qui a accru les souffrances des groupes vulnérables, en particulier les femmes, les enfants et les communautés marginalisées, car ce n’est pas tout le monde qui a le luxe de pouvoir louer un logement dans une zone plus sûre.
« Mon fils aîné souffre de crises de panique depuis la mort de son père. Il avait commencé à aller mieux récemment, mais son état s’est aggravé lorsque la situation s’est tendue à nouveau. Aujourd’hui, il ne parle plus que de la mort. »
Zainab, une habitante du village frontalier de Maroun al-Ras, a perdu son mari il y a quelques années. Aujourd’hui, elle vit seule avec ses cinq enfants face à une nouvelle série de batailles près de chez elle. « Au début, j’ai envisagé d’aller chez ma famille dans la Beqaa, mais j’ai changé d’avis, explique-t-elle. Ce n’est pas facile d’amener cinq enfants dans une maison familiale. J’ai essayé de tenir le coup et de rester chez moi au Sud, mais c’était insupportable. Mes enfants vivaient dans la terreur à cause des bombardements et des raids qui ont fini par devenir quotidiens dans la région. J’ai donc dû aller chez mes parents parce que je n’avais pas d’autre abri ni endroit où aller. Mais je suis consciente, bien sûr, que ma situation est meilleure que celle d’autres familles qui n’ont peut-être pas d’autre endroit où se réfugier, ni de lieu plus sûr où emmener leurs enfants, ajoute-t-elle, avant de poursuivre : Mon fils aîné souffre de crises de panique depuis la mort de son père. Il avait commencé à aller mieux récemment, mais son état s’est aggravé lorsque la situation est redevenue tendue. Aujourd’hui, il ne parle plus que de la mort. »
En l’absence d’abris et d’assistance suffisants et compte tenu du grand nombre de personnes déplacées, les écoles de la ville de Tyr ont été transformées en abris et sont devenues un refuge pour des milliers de personnes fuyant les villages frontaliers qui ne sont plus sûrs. Mais ces abris ne sont pas suffisants, surtout si le conflit se développe. En parallèle, l’année scolaire est toujours suspendue pour une durée indéterminée au Sud, et ces écoles transformées en refuge ne sont pas réellement équipées pour accueillir un tel nombre de personnes déplacées et leur offrir le gîte et le couvert, pour ne citer que ces deux besoins vitaux.
« Il n’y a plus d’école, plus de vie. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Le travail s’est arrêté, et nous attendons simplement de voir ce qui va nous arriver. »
Dans ce contexte, le secrétaire général de la Commission supérieure de secours, le général de division Muhammad Khair, a déclaré lors d’un entretien avec la presse : « Nous travaillons comme une colonie d’abeilles pour nous préparer à toute guerre qui pourrait éclater au Liban pendant la guerre en cours en Palestine. Nous travaillons 24 heures sur 24 en coordination avec le Conseil pour le Sud afin de soutenir les centres d’hébergement pour les personnes déplacées des zones frontalières, et nous visons à offrir une assistance à tous les centres ».
Cependant, la réalité décrite par les personnes déplacées contredit cette affirmation et reflète la fragilité des mécanismes de secours, laissant présager une situation potentiellement désastreuse si les affrontements à la frontière sud se transforment en un conflit plus large. Les hôpitaux, par exemple, ont annoncé qu’ils ne pourraient pas tenir plus de 72 heures en cas de guerre, et il n’y a pas assez d’écoles à Tyr pour abriter tout le monde, surtout maintenant que l’hiver et le froid sont proches.