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Le Code civil français dans son article 3 stipule que toute personne est soumise, pour son statut personnel, à la loi de son pays dont elle a la nationalité. C’est ainsi que des femmes sont assujeties en France au Code la famille algérien, à la Moudawana marocaine et au statut personnel égyptien. Des lois nationales qui consacrent non seulement les discriminations et l’inégalité femmes hommes mais également entre les femmes selon leur nationalité d’origine.
Les épouses des Français ou de résidents reçoivent dés le mariage un titre de séjour d’une année et il faut attendre au moins quatre ans pour un titre définitif. Elles dépendent entièrement de leur époux pour chaque démarche durant ce temps d’attente. Celles qui viennent avec un visa touriste parce que le mari ne peut pas ou ne veut pas demander le regroupement familial se retrouvent aussi sans droits. De même pour les cas de « maris » polygames dont la première épouse est légitime et a droit à un titre de séjour tandis que les autres se retrouvent en situation irrégulière.
Toutes ces femmes ignorant les lois du pays d’accueil, ne parlant pas ou peu le français, cloîtrées dans le domicile conjugal, leurs documents retenus par le conjoint sont dans l’angle mort du législateur y compris dans ses dispositions sur les victimes de violences. Pourtant l’article 313-12 du code d’entrée et de séjour des étrangers prévoit que « lorsque la communauté a été rompue à l’initiative de l’étranger en raison de violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour». Dans les faits, les femmes ne portent pas plainte par peur d’être expulsées ou des représailles du conjoint et de sa famille.
Toutes ces femmes ignorant les lois du pays d’accueil, ne parlant pas ou peu le français, cloîtrées dans le domicile conjugal, leurs documents retenus par le conjoint sont dans l’angle mort du législateur y compris dans ses dispositions sur les victimes de violences.
Le cas des Algériennes
Les accords bilatéraux France-Algérie de 1968 remaniés tiennent les Algériennes de France sous le joug du Code la Famille algérien. Serina Badaoui avocate à Lille a souvent été confrontée dans son travail d’accompagnement juridique des migrants, au cas d’Algériennes déboutées à la préfecture parce que le droit commun ne leur est pas appliqué. Même victimes de violences conjugales ou de traite des êtres humains, elles ne peuvent bénéficier de la protection de la loi française.
La Cimade nous confirme « ce no man’s land juridique pour les Algériennes, il n’y rien dans les accords bilatéraux concernant les femmes, elle dépendent de la discrétion du préfet dans le cas extrême. Mais tous les préfets ne souhaitent pas faire cet effort au risque d’être en contradiction avec la loi nationale ». Récemment le président algérien se félicitait du maintien de ces accords et prévenait qu’il est hors de question de les abroger. Nul indice dans ses propos pour améliorer le sort des ressortissantes de son pays.
Le gouvernement algérien a mal pris les demandes incessantes de politiques français qui veulent en finir avec des accords jugés trop favorables à l’immigration des Algériens. Une appréciation que ne partagent absolument pas Mimouna Hadjam de l’association Africa qui se bat depuis des années pour un statut autonome des migrantes. « Nous ne voulons plus être régies par les codes de nos pays d’origine mais par le droit français. Nous vivons ici, nous travaillons ici.Est ce qu’un voleur algérien ou marocain est jugé avec la loi algérienne ou marocaine? bien sur que non ! ».
En 2016, l’association Africa et le réseau Femmes Solidaires avaient lancé une campagne pour soutenir la proposition de projet de loi présentée alors par la députée communiste Marie-George Buffet. Dans sa présentation en juillet 2015, la députée estimait qu’il « fallait graver dans la loi de notre République des droits permettant l’autonomie des femmes migrantes en changeant les règles législatives pour leur garantir un titre de séjour stable, un titre autonome, une autorisation de travailler ».
Malgré le rejet du Sénat, les initiatrices ont arraché l’accès à un titre de séjour par la reconnaissance des violences familiales, mais l' autonomie des femmes étrangères n’est toujours pas garantie. Les Algériennes notamment restent dépendantes de leur conjoint pour accéder à un titre de séjour. Cette dépendance produit des situations dramatiques de violences, d’esclavage domestique et parfois de proxénétisme.
« Le rêve du mari en France se transforme souvent en cauchemar. La femme se retrouve au service de la belle-famille, à subir des violences de la part de son mari qui refuse de lui faire les papiers. Même des femmes venues par la procédure de regroupement familial se retrouvent enfermées sans ressources, sans papiers puisque la préfecture refuse de délivrer un titre de séjour sans la présence du conjoint ». s’indigne Mimouna Hadjam qui rappelle qu’il faut 4 années consécutives, au lieu de 2 ans auparavant, pour obtenir un titre de séjour et en finir avec le chantage du conjoint.
Toutes les associations d’accompagnement des migrantes connaissent ces drames et tentent de soustraire les victimes de conjoints violents, parfois prostitueurs, par des combats juridiques complexes. Maimouna nous explique que la loi sur la protection des femmes victimes de violences restent « floues » quand il s’agit de se conformer aux accords bilatéraux. Dans leur pratique les associations tentent d’obtenir une ordonnance de protection de la victime « après une plainte aboutie » précise Maimouna, pour pouvoir ensuite demander un titre de séjour.
Les Algériennes notamment restent dépendantes de leur conjoint pour accéder à un titre de séjour. Cette dépendance produit des situations dramatiques de violences, d’esclavage domestique et parfois de proxénétisme.
Là encore des freins doivent être surmontés « l’accès aux avocats est difficile et onéreux. Un simple recours peut être facturé jusqu’à 2000 euros. L’aide juridictionnelle ne marche pas toujours, il faut un avocat vraiment investi pour que ce dispositif soit efficace. L’exéquatur indispensable des jugements de la première juridiction saisie est également une étape compliquée pour les femmes d’autant que depuis quelques années, il est de plus en plus exigé la constitution d’un avocat pour des procédures et des démarches auparavant effectuées par de simples courriers rédigés par la victime elle-même ou par une travailleuse sociale».
Les femmes peuvent contester les effets de la décision de justice mais pas la décision elle-même. Le divorce prononcé dans leur pays, privilégié par les hommes parce que plus rapide et moins cher, n’est pas contestable mais elles peuvent réclamer leur pension alimentaire en France. Les nombreuses affaires de polygamie, dont certaines portées jusqu’au niveau des juridictions européennes, ont imposé à la justice algérienne de convoquer l’épouse résidant à l’étranger lorsque son conjoint introduit une demande de divorce. Une petite avancée qui ne compense pas vraiment l’application du code de la famille en matière de liquidation du patrimoine que le couple peut posséder en Algérie.
Les militantes féministes, telles que Maimouna Hadjam, veulent aller plus loin dans l’autonomie des migrantes sur le sol français, même dans le contexte politique actuel peu propice à un statut plus égalitaire des femmes migrantes. Elles ont de nouveau approché des députés communistes pour porter une proposition de projet de loi dans ce sens.