Cette publication est également disponible en : English (Anglais) العربية (Arabe)
«Il y a une place spéciale au paradis pour les femmes qui soutiennent d'autres femmes», a tweeté en 2019 Shellei Zalis, pionnière de la recherche en ligne et fondatrice de The Female Quotient, une entreprise californienne spécialisée dans l'égalité des sexes. Renversant la célèbre phrase de la diplomate américaine Madeleine Albright "Il y a une place spéciale en enfer pour les femmes qui n'aident pas les autres femmes", Zalis a voulu souligner à quel point soutenir la cause des femmes est une expérience humainement et professionnellement extraordinaire.
La Shine Theory (théorie de l'éclat) explique pourquoi : lorsque nous aidons une autre femme à briller, nous aussi bénéficions de cette lumière. Dans les faits, Aminatou Sow et Ann Friedman, ses créatrices, nous invitent à cultiver des relations de plus en plus empathiques, authentiques et profondes avec connaissances, amies et collègues que nous rencontrons dans notre vie.
Une étude publiée par la Harvard Business Review révèle également que si les hommes qui réussissent tirent particulièrement profit du fait d'être au centre de leur réseau, les femmes qui nouent des relations intimes avec d'autres femmes ont elles aussi plus de chances d'obtenir des postes de direction et des salaires plus élevés.
“Les femmes qui cherchent à occuper des postes de direction se heurtent souvent à des obstacles culturels et politiques que les hommes ne rencontrent généralement pas. C’est pourquoi elles ont tout intérêt à tirer profit du cercle étroit de leurs contacts féminins, explique Brian Uzzi, l'un des auteurs de l'étude. De cette façon, elles peuvent partager des informations privées sur l'attitude de certaines organisations à l'égard des femmes dirigeantes, ou donner des conseils sur les stratégies de recherche d'emploi, d'entretien et de négociation."
La réussite des femmes est donc grandement facilitée par les liens entre amies et collègues, en particulier celles qui ont peu de contacts en commun, car la diversification accroît les possibilités de croissance pour toutes. En outre, nombre d'entre elles deviennent des mentors ou des marraines pour les femmes plus jeunes, leur offrant un soutien important, en particulier dans des contextes plus compétitifs et plus hiérarchisés.
Une réalité en constante expansion
Les réseaux de femmes existent depuis longtemps, mais ces dernières années, de nouveaux groupes ont vu le jour et ceux qui existaient déjà ont connu une augmentation significative du nombre de leurs membres. La diffusion des nouvelles technologies a certainement contribué à leur développement à grande échelle ainsi que le mouvement #MeToo et les restrictions dues à la pandémie. Aijourd’hui, certaines communautés aident les gens à trouver un emploi et à élargir leurs horizons en échangeant des connaissances et des compétences en ligne et hors ligne. Des projets sont souvent mis en place dans ces communautés qui contribuent de manière significative à lutter contre les stéréotypes de genre qui caractérisent encore la plupart des environnements professionnels.

Leurs utilisatrices échangent et confrontent leurs expériences sur un même pied d’égalité. Elles peuvent discuter aussi de l'équilibre compliqué entre vie professionnelle et vie privée, un défi qui concerne toutes celles qui sont épouses ou partenaires, mères, aidantes ou femmes au sommet de leur carrière. "Les attentes sociales de devoir tout faire et de se conformer aux normes de Pinterest, Facebook et Instagram exercent une pression importante sur les femmes", écrit Robin Buckley, une psychothérapeute cognitivo-comportementale qui soutient de nombreux patients et couples confrontés à des problèmes professionnels et relationnels. "C'est dans la sécurité de ces groupes de réseautage spécifiques que les femmes peuvent se montrer vulnérables et authentiques. Avoir des points de vue communs, en matière d'âge, d'ethnicité et de sexualité, permet d’établir des liens plus rapides et plus authentiques, fondés sur des expériences partagées. Les groupes réservés aux femmes ne sont pas uniquement axés sur les affaires, mais soutiennent l'ensemble de la personne : individuellement et professionnellement".
Nous sommes toutes Socialgnock !

Lorena Di Stasi est une experte italienne en marketing numérique et en communautés en ligne qui étudie le monde des blogs et des médias sociaux depuis des années. Elle se souvient encore de son étonnement lorsque, durant le Social Case History Forum (1) qu'elle a organisé en 2013, une participante écrivit sur Twitter : "Regardez combien de belles #socialgnock !". Le hashtag devint immédiatement viral.
"Nous avons vu que des conversations intéressantes émergeaient autour de ce nom curieux et drôle, j'ai donc eu l'idée de créer un groupe de soutien, d'échange et de partage sur Facebook", raconte-t-elle à Medfeminiswiya.
"À l'époque, le contexte historique et le monde numérique étaient complètement différents de ceux d'aujourd'hui. Nous voulions créer quelque chose de différent, quelque chose qui reflète des valeurs partagées et une vision basée sur le respect et des intérêts communs. Nous avions en tête un lieu où les femmes pourraient discuter du monde numérique et du marketing des médias sociaux, d'où le mot ‘Social’. Nous avons ensuite ajouté le mot gnock, tiré du terme argotique gnock (2), que nous avons utilisé avec ironie et légèreté, sans intention d'offenser, de discriminer ou de mépriser qui que ce soit. Ce curieux surnom nous plaisait, à mi-chemin entre le compliment positif et l’affirmation de certaines connaissances et aspirations professionnelles".
C'est ainsi qu'est née " Socialgnock - Women Ignite Relationships ", une plateforme en ligne récompensée par Facebook parmi les 150 meilleurs groupes européens lors du London Community Summit en 2018. Depuis, huit "spin-offs" du projet ont vu le jour : quatre territoriales, à Londres, Rome, Bologne et en Sardaigne, et quatre thématiques, sur l'écologie, les carrières, le sport et les activités holistiques, toutes gérées bénévolement par des admins spécialement formées.
Aujourd'hui, ce "salon virtuel" compte environ 26 000 utilisatrices en Italie et à l'étranger, ainsi que de nombreuses italophones d'autres nationalités, qui échangent chaque jour des idées et des informations de manière simple et empathique.

"La plupart d'entre elles ont entre 24 et 54 ans et sont pour beaucoup des free-lances, des micro-entrepreneuses, des artisanes, des commerçantes. Mais avec le temps, les ont aussi rejointes des avocates, des consultantes, des enseignantes, des spécialistes de la plomberie ou de la menuiserie, des artistes, des magistrates, des comptables et des femmes au foyer désireuses d'élargir leurs connaissances ou désireuses de faire partie d'une réalité féminine sur le web", explique Lorena Di Stasi.
On retrouve encore un peu de l'ADN numérique qui a donné naissance à l'idée originale, mais maintenant les personnes viennent pour toutes sortes de raisons, et c'est l'une des principales forces du projet : le "socialgnock" dispose d'un lieu de référence où il peut demander et partager tout ce qu'il veut. Récemment, l'une de ses inscrites a écrit un billet sur un problème avec l'INPS (sécurité sociale italienne, ndlr) et dans les commentaires, elle a reçu des suggestions pour le résoudre.
Dans ses remerciements, elle a écrit : "Je savais que je résoudrais mon problème ici. Ce qui est formidable avec ce réseau, c'est que dès que j'ai besoin de quelque chose il me vient à l’esprit. Cela témoigne d’un sentiment d'appartenance fort, une des deux caractéristiques fondamentales de toute communauté en ligne. La deuxième étant tout aussi importante : à savoir que le contenu est créé par les personnes qui en font partie et non par un administrateur qui concevrait le projet éditorial d'en haut. Cela reflète parfaitement nos trois valeurs fondamentales : zéro barrière, 100 % de soutien et easytude, un autre mot inventé à partir de l'anglais easy, qui signifie "facilité, légèreté, insouciance".
Le réseau organise de nombreux événements en ligne au cours desquels une "socialgnock" s'exprime sur un sujet qui relève de ses compétences et de son expertise. Souvent, de petits groupes sont créés pour apprendre à se connaître à un niveau plus personnel. "Pendant le confinement, qui a duré un peu plus de trois mois, nous avons organisé des centaines de webinaires en direct qui ont connu une incroyable participation", se souvient Lorena Di Stasi.
Enfin, les réunions en présentiel ne manquent pas non plus : cours de formation, visites itinérantes et apéritifs de réseautage ouverts à toutes et tous, dont l'événement célébrant les dix ans du projet qui s'est déroulé à Milan il y a quelques semaines.

De telles réalités permettent à de nombreuses femmes de sortir de l'isolement et de se sentir plus fortes pour affronter un monde encore profondément misogyne et sexiste, en renversant le stéréotype qui les considère incapables de se soutenir mutuellement parce qu'elles seraient "par nature" envieuses et compétitives.
"Ce sont elles qui, en interagissant librement, se développent sur le plan professionnel et évoluent sur le plan personnel, contribuant ainsi à réduire marginalisation et discrimination, dont, bien sûr, le ‘gender gap’. Un mérite qui ne nous revient certainement pas ! Je dirais qu'il s'agit d'un effet inhérent à l'ADN d'une véritable communauté basée sur la relation entre les personnes : nous, qui la gérons, fournissons simplement un espace au sein duquel cela peut se produire", conclut Lorena Di Stasi.