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Au lycée, j'étais passionnée par le journalisme et j'ai envisagé de poursuivre des études pour réaliser mon ambition, inspirée par le fait qu'il y avait très peu de femmes journalistes palestiniennes à travailler dans les seules deux médias existants à l'époque, dans les années 80. Cependant, les conseils de ma famille et l’orientation scolaire m'ont poussée à considérer que les médias étaient un secteur sans garantie de carrière durable. C’est ce qui m’a amenée à passer ma licence à Washington D.C., à l'American University in Economics and Business.
Le destin avait façonné les médias pour moi. A mon retour d'Amérique, après avoir travaillé dans le secteur privé et diplomatique palestinien, j'ai été propulsée là où j'étais censée être : dans la première station de radio anglophone en Palestine, 93.6 RAM FM, d'abord en tant que fondatrice/gestionnaire en 2005, puis, en 2010, en tant que cofondatrice et directrice générale de la première et, actuellement, unique radio féminine dans le monde arabe, Radio Nissaa Fm.
Par conséquent, mon point de vue et mon évaluation du secteur des médias en Palestine, principalement de la radiodiffusion, s'appuient sur mon expérience institutionnelle et les connaissances que je me suis forgées au fil des ans.
Même si le secteur des médias palestiniens a comblé le vide qui existait auparavant, puisqu’il est une source d'information distincte des médias de l'occupation israélienne, il reste confronté à d'énormes défis. Selon une enquête menée par le Bureau central des statistiques (PCBS) en 2019, 70 stations (1) de radio et 11 chaînes de télévision (2) émettent en Palestine. La Palestine compte également trois journaux distribués sous forme imprimée, et de nombreux médias sociaux ont vu le jour, fournissant aux Palestiniens des actualités, des informations et des divertissements.
La Palestine est unique dans la mesure où elle dispose de plus de sources médiatiques par habitant que n'importe quel autre pays au monde. Bien que cette nouvelle abondance ait pu combler une lacune, elle a également créé des problèmes et des complications. Par exemple, alors que le nombre de diplômés des universités palestiniennes dans le domaine des médias soit élevé, les opportunités d’emploi restent très limitées pour la plupart d’entre eux, en particulier pour les femmes diplômées. Les médias n'étant pas à même de les absorber, le problème du chômage s’en trouve exacerbé. Par ailleurs, ceux qui ont la chance d'obtenir un emploi ne gagnent généralement pas un salaire correspondant à leur formation et à leurs efforts professionnels.
Les femmes journalistes continuent d'être confrontées à des défis sociétaux et professionnels : l'accès à l'emploi est limité et la liberté de mouvement et de travail est plus restreinte que celle de leurs collègues masculins.
Aggravés par la pandémie de Covid-19, les médias ont subi des pertes financières qui ont conduit à des licenciements de journalistes et d'employés ou une réduction des salaires et des heures de travail. En outre, le journalisme citoyen s'est imposé comme une autre source d'information de plus en plus populaire en Palestine, ainsi a-t-il détourné l'attention des personnes des médias traditionnels et obtenu une part substantielle du marché de l’actualité et de l'information.
En plus de ces facteurs structurels, les femmes journalistes continuent d'être confrontées à des défis sociétaux et professionnels : l'accès à l'emploi est limité et la liberté de mouvement et de travail est plus restreinte que celle de leurs collègues masculins. Les postes de direction dans les médias sont toujours monopolisés par les hommes, malgré une légère amélioration que nous avons constatées ces dernières années.
D'une manière générale, la liberté et l'accès à l'information restent limités en Palestine. L'occupation est l’une des principales raisons du manque de mobilité qui prévaut, exacerbé par les lois palestiniennes sur les médias qui devraient être réformées et modifiées pour s'adapter aux critères des médias modernes. La concurrence contraire à l'éthique entre les médias et les problèmes techniques restent également une préoccupation majeure à laquelle le secteur formel et les réformes devraient s'attaquer sérieusement.
Mais tout n'est pas perdu. L'expérience que j'ai acquise dans ce secteur exigeant m'a appris que les obstacles peuvent être surmontés si sa planification est bien faite. Les médias ne sont pas différents des autres secteurs : une planification et une analyse stratégiques sont régulièrement nécessaires. Les enquêtes et les questionnaires sont importants. Le nombre d'auditeurs n'indique pas nécessairement le succès des médias. La durabilité et l'impact social des médias sont plus importants que les chiffres.
C'est aussi un devoir moral et sociétal d'avoir des médias responsables, capables d'initier le changement et de diversifier les contenus qu’ils proposent au public. Les institutions médiatiques sont tenues de donner la priorité à la contribution au changement plutôt qu’à l’augmentation des chiffres et des profits au détriment de la qualité et de l’intégrité. Plus important encore, les médias doivent être dynamiques, vocales et crédibles, et doivent certainement investir davantage dans la construction plutôt que dans la destruction.
Enfin, les médias et le journalisme palestiniens doivent toujours se rappeler de s’adapter et d'évoluer pour suivre les tendances technologiques et médiatiques en constante évolution d'aujourd'hui.