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Iman, victime de mariage forcé et de violences conjugales, m'a dit qu'elle avait accepté de me raconter son histoire afin qu’il serve d’exemple à d’autres filles pour qu’elles apprennent à défendre leurs droits et à rejeter les mariages arrangés et la violence systémique. Elle n'avait que 16 ans et avait divorcé plusieurs mois auparavant. Je devais publier son histoire dans le cadre d'un projet sur les victimes de mariages précoces, mais je renonçais à cet article pour raison personnelle.
Un mois après notre rencontre, Iman m'a appelée pour m'inviter à son mariage dans un camp de réfugiés. J'étais vraiment abasourdie, je lui demandais plus de détails. Elle m’apprit qu’il s’agissait d’un mariage arrangé, un autre, mais que cette fois-ci le marié était « bon, riche et âgé de 45 ans », et plus jeune que son précédent mari qui avait 65 ans.
Une fois de plus, Iman était victime, mais elle essayait de me rassurer affirmant qu’elle était heureuse et satisfaite. J'ai appris par la suite que le nouveau mari n'était pas meilleur que le premier. J'ai failli l'appeler pour la réprimander et lui rappeler tous les arguments qu'elle m'avait livrés pour aider les filles de son âge à échapper aux mariages forcés. J’ai laissé tomber même si je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il s’était passé. Accueillir ces circonstances avec philosophie semble de loin la meilleure chose à faire, mais aussi la pire... Je me suis contentée de la plaindre, lasse des artifices et des raisons conduisant à des choix, et à une réalité aussi misérable qu’injuste. Je me suis contentée de maudire, pour la millième fois, toutes les contraintes qui empêchent de nombreuses femmes de se lever pour la liberté, l'indépendance et le droit de disposer de leur volonté et de leur corps.
Il ne fait aucun doute que celles-ci préfèrent la souffrance silencieuse à la vérité, la violence au scandale, « l'ombre d'un homme » plutôt que « l'ombre d’un mur », et n’importe quelle union au «célibat ». De la même manière, il ne fait aucun doute que les institutions religieuses, sociales, juridiques et économiques se sont unies pour créer des générations de femmes vulnérables, patientes et silencieuses. Grâce à la glorification de cette image de la femme. Tout autre modèle est considéré comme une déformation de la féminité et un rejet de la religion et de la société.
C'est une réalité prouvée par les statistiques : le taux de femmes intentant des poursuites judiciaires contre un violeur, un harceleur ou un agresseur est beaucoup plus faible par rapport au nombre croissant de victimes (quand il existe des lois pour les protéger dans leur pays).
Cette situation va jusqu'à promouvoir et consacrer l'humiliation et l'abandon comme les fondements d'une vie confortable et d'une famille heureuse dans certains programmes télévisés populaires comme ceux présentés par Yasmine Ezz et Radwa Ech-Sherbiny.

Ainsi alors que les vidéos de Radwa et Yasmine peuplaient les réseaux sociaux suscitant maintes polémiques, une Égyptienne -sous leur influence- était froidement égorgée... Le village de Tira, dépendant de la ville de Nabaruh (gouvernorat de Daqhalia) dans le nord de l'Égypte, a été témoin il y a quelques jours d'un crime horrible. Un jeune homme a tué sa femme, puis a pris un « selfie » à côté de son cadavre.
Dans l'une de ses émissions "Kalam An-Nasse" sur MBC Egypt, Yasmine Ezz a déclaré : « L'homme, prunelle de nos yeux, est supérieur », se justifiant en expliquant que ce sont les hommes qui l’ont défendue après des rumeurs sur l’arrêt probable de son programme.
Dans une autre émission, elle a appelé les femmes à glorifier leur mari en l'appelant « professeur » ou « bach mouhandisse » (ingénieur en chef, vieille expression turque de respect) ; « Si le nom de votre mari est Mohamed, vous devez dire, par exemple, professeur Mohamed ou Bach mouhandisse Mohamed, que souhaitez-vous boire ? »
- 37 % des femmes arabes ont été exposées à une forme de violence dans leur vie
- 133 millions de femmes arabes ont subi des mutilations génitales
- environ 700 millions de femmes mariées avant l'âge de 18 ans, dont 14 % de jeunes filles arabes
Les prises de position des deux journalistes encouragent et justifient la violence...
Mais qui sont ces femmes qui, selon Yasmine, mettent à mal les droits des hommes dans le monde? A l’inverse saviez-vous, par exemple, que les indicateurs de l'Organisation des Nations Unies pour les femmes mentionnent que 37 % des femmes arabes ont été exposées à une forme de violence dans leur vie ? Il est d’ailleurs possible que le taux réel soit plus élevé que cela. Saviez-vous aussi que 133 millions de femmes arabes ont subi des mutilations génitales et que 92 % des femmes et des filles en Égypte, âgées de 15 à 49 ans, ont subi ces mêmes mutilations. Il y aurait aussi environ 700 millions de femmes vivantes dans le monde mariées avant l'âge de 18 ans, dont 14 % de jeunes filles arabes.

Radwa Ech-Sherbiny est une autre icône appelant à maintenir la tutelle sur les femmes tout en se référant à un modèle qui pourrait sembler à première vue « féministe », mais qui tombe très vite dans les bas-fond de la masculinité et dans l'encouragement à accepter la violence et l'oppression. Ainsi Radwa professe : « N'enlève pas ton hijab, tu es 100.000 fois meilleure que moi et que celle qui n'est pas voilée. » Et d’ajouter : « le diable qui habite la non voilée est plus puissant que sa foi et sa force ».
Dans l'une des émissions où elle a accueilli une créatrice de vêtements pour enfants et jeunes filles, Radwa s’est élevée contre les vêtements ouverts, ce qui a suscité la controverse sur les réseaux sociaux.
L’agitation médiatique de Radwa et Yasmine leur permet d’atteindre des taux d'audience élevés, en promouvant le dévouement à la masculinité et en poussant les femmes à abdiquer. Elles le font avec leur voix féminine, leur joli visage et leur beau look. Et puisque renverser la table est un luxe que toutes les femmes du monde, surtout dans les pays arabes ou conservateurs, ne peuvent souvent pas se permettre, les prises de position des deux journalistes sont un motif supplémentaire qui incite à la violence et à sa justification…