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Les textes juridiques approuvés dans le sillage de la Constitution de 2020 consacrent clairement les droits politiques des femmes en Algérie. L'avocate Aicha Zammit note toutefois que le problème principal réside précisément dans «le décalage entre l’impact des articles de loi sur la réduction de la violence à l'égard des femmes, et le niveau avancé atteint par la lutte des féministes en Algérie. » Maître Zammit pointe notamment la nécessité de renforcer les mécanismes de signalement, de protection et de post-protection afin que ce processus ne se solde plus par un retrait de la plainte émise par la femme ou l’arrêt du son suivi.
« L’Algérie a ratifié plusieurs conventions internationales relatives aux droits des femmes, visant à affirmer les principes d'égalité, de justice et d'égalité des chances, rappelle Maître Zammit qui observe que la Constitution algérienne « consacre le principe de l'égalité des sexes et de la présence renforcée des femmes dans l'activité politique à l'instar des pays ayant ratifié les accords internationaux.»
« La première femme ministre en Algérie a été nommée en 1984, nomination suivie de nombreuses avancées des femmes algériennes – même si ces avancées restent formelles comme nous le verrons, ajoute l’avocate. En 2004, les luttes des femmes ont eu pour effet de garantir leur droit de se porter candidates à des élections concrétisé par la candidature de l'ancienne parlementaire et présidente du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune. »
Pour maître Zammit, « ces acquis étaient formels » comme l’a montré la désignation, sous la présidence du défunt Abdelaziz Bouteflika, de femmes à des postes ministériels sans réels pouvoirs ni réel changement. Ces nominations donnaient l’impression de prolonger l'image archaïque de la femme au foyer et de la femme au service du système patriarcal. Ainsi, le ministère de l'Éducation avait été accordé à une femme à laquelle revient traditionnellement le rôle d'éducation. De même, le ministère de l'Environnement avait été confié à une femme conformément au supposé lien des femmes aux questions de santé et d’hygiène, « cela n'a pas aidé à briser les perceptions stéréotypées du rôle des femmes dans la société algérienne.»
Le dernier amendement apporté à la loi a nourri la déception des Algériennes : l’article 66 du Code de la famille confisque aux femmes divorcées le droit de garde des enfants en cas de remariage.
L'histoire du pays abonde d’épisodes de la participation des femmes algériennes, aux cotés des hommes. A des moments cruciaux, elles ont protégé le pays, construit son identité et affirmé leur présence dans la vie publique. Elles ont lutté ensuite pour arracher à l’Etat la reconnaissance de leur contribution et de leurs droits. Cependant, leurs luttes ne se sont pas nécessairement traduites en droits, elles ont plutôt abouti à des améliorations législatives formelles.
Les résultats des élections législatives du 12 juin 2021 montrent un recul de 8% du nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale populaire (APN) par rapport à la précédente consultation, preuve s’il en est du difficile chemin que les femmes doivent encore parcourir. Cela fait dire à maître Zammit que « les constitutions ne sont que des textes. S’il y avait une égalité effective, nous aurions pu voir les femmes nommées à des postes clés à la hauteur de leurs succès et de leurs performances au niveau des cycles scolaires et universitaires. »
Par ailleurs, plusieurs féministes algériennes pointent une réalité inquiétante : « le fait que 80 femmes aient été victimes de féminicides entre 2020 et début 2021- malgré l’absence de statistiques officielles documentant ces crimes- constitue un recul des luttes féministes », affirment-elles, et ce dans un pays ou les femmes et les féministes se sont organisées depuis 1962, c'est-à-dire de très longue date.
Pour maître Aicha Zammit, le système des quotas n’est plus d’une grande utilité. La précédente législature marquée par une grande présence de femmes a été qualifiée de « parlement des coiffeuses » ; les femmes politiques n’y ont pas joué un rôle efficace dans la lutte contre le système machiste et pour la défense des droits des femmes. Cela pourrait être rattrapé par l’organisation d’un grand chantier juridique qui réviserait le code pénal et contribuerait à dynamiser le rôle de la justice et l’application effective des traités internationaux.
Le dernier amendement apporté à la loi a nourri la déception des Algériennes : l’article 66 du Code de la famille confisque aux femmes divorcées le droit de garde des enfants en cas de remariage.
Commentant cet article, l'avocate Nassima Rouainia déclare : « environ 80 % des articles du Code de la famille sont dérivés de la charia (loi islamique). Il est temps, ajoute-t-elle, de reconsidérer les lacunes de cette loi et l'écart entre certains de ses textes et leur application. L’article 66 constitue une discrimination supplémentaire et une injustice à l’égard des femmes divorcées en cas de remariage, car dans la même situation, le père continuerait à jouir du droit de garde des enfants. »
Lors des audiences de divorce, Maître Rouania a constaté que l’espoir des femmes de se remarier est vain, du fait « des pressions de l’ex-conjoint, des menaces de se voir priver de la garde de leurs enfants, si elle venait à contracter un nouvelle union, ou que le père puisse se soustraire à ses obligations, dont le paiement de la pension alimentaire et la garantie d’un logement aux enfants.»