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Rola Abou Hachem
Ce n’est pas l’appel du suhour qui nous a réveillés dans la nuit du 18ᵉ jour de Ramadan, le 20 mars, comme nous en avions pris l’habitude depuis le début du mois sacré, mais une série d’explosions violentes et ininterrompues, à 1 h 41 du matin. Nous avons sursauté, paniqués, sans comprendre ce qui venait de se passer.
Un cessez-le-feu avait pourtant été décrété entre Israël et le Hamas, censé limiter les opérations militaires et offrir un minimum de sécurité aux civils. Mais ces derniers jours, les violations répétées par l’occupant israélien ont réduit cet accord en lambeaux : les frappes sporadiques se sont multipliées, renforçant un sentiment d’insécurité permanent. Nous n’aurions toutefois jamais imaginé un tel déchaînement de violence.
Des familles ont dormi leur dernière nuit
Ce soir-là, mes enfants se sont réveillés en pleurs, terrifiés par le fracas des bombes : « Qu’est-ce qui se passe ? » criaient-ils, tétanisés. Mais je n’avais pas de réponse. Mon cœur tremblait autant que le leur.
Au milieu du chaos, j’ai saisi mon téléphone, cherchant frénétiquement une connexion, un lien avec le monde extérieur, une explication. Après d’innombrables tentatives, quelques notifications ont enfin émergé d’un fil d’actualité : « Bombardement israélien massif… Plus de 100 cibles visées… Raids sur les cinq gouvernorats de Gaza… »
Ce soir-là, mes enfants se sont réveillés en pleurs, terrifiés par le fracas des bombes : « Qu’est-ce qui se passe ? » criaient-ils, tétanisés. Mais je n’avais pas de réponse. Mon cœur tremblait autant que le leur.
Nul ne savait pourquoi Israël avait relancé son offensive avec une telle intensité. Le ministre de la Défense, Israël Katz, a invoqué « le refus du Hamas de libérer les otages et ses menaces contre l’armée et les villes israéliennes ». Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a, lui, évoqué « le rejet par le Hamas des médiations proposées par l’émissaire américain Steve Whitkoff ». Mais à Gaza, personne n’est dupe : Israël n’a jamais eu besoin de prétexte pour poursuivre sa guerre contre une population qu’elle qualifie de « bêtes humaines ».
Les hôpitaux ont reçu des dizaines de morts et de blessé·e·s, pour la plupart des femmes et des enfants. Certain·e·s ont été extrait·e·s des décombres, d’autres sont arrivés en lambeaux après le bombardement des tentes de déplacé·e·s, censées être des refuges sûrs. Nul n’a été épargné : ni les abris de fortune surpeuplés, réduits à néant, ni les maisons effondrées sur leurs occupant·e·s, ensevelissant rêves et vies sous les gravats.
Dans les couloirs des hôpitaux débordés, les blessé·e·s affluent sans relâche, tandis que les morgues débordent dès les premières heures des frappes. Les corps s’entassent : 174 enfants, 89 femmes, 32 personnes âgées, 109 hommes... Tous fauchés sous les bombes, sans la moindre chance de survie. Des familles entières s’étaient endormies en pensant voir le lendemain. Elles se sont réveillées dans l’au-delà.
La guerre recommence
Peu à peu, les choses se sont précisées : les médias israéliens ont annoncé sans détour la reprise des opérations militaires à Gaza. La guerre était de retour. Avec elle, les bombes, la terreur et la mort – qui, en réalité, ne nous avaient jamais quittés. Quinze mois de cauchemar, de tentatives de reconstruction, d’efforts pour ramasser les miettes d’une existence brisée… tout balayé d’un revers de missile. L’occupant ne se contente plus de détruire des maisons, il veut anéantir jusqu’aux vestiges de notre ville et de nos âmes épuisées.
Le massacre d’un peuple entier est-il devenu un simple chiffre dans les bulletins d’information ? Un décompte anodin pour une humanité qui regarde, sait, et se tait ?
C’est le retour brutal à une violence implacable, sans considération pour notre faim, notre faiblesse, notre épuisement. Comme si le calvaire des dernières semaines ne suffisait pas ! Depuis plus de quinze jours, nous survivons sous un siège implacable. Israël a fermé les points de passage, interdisant l’entrée des vivres et du carburant, laissant des millions de personnes se confronter à la famine et au froid. Il n’y a plus assez de nourriture pour rassasier les enfants, plus d’eau potable pour étancher la soif, plus de médicaments pour soulager les malades. Même les générateurs des hôpitaux, saturés de blessé·e·s et de cadavres, s’apprêtent à rendre l’âme, succombant sous les pannes d’électricité qui s’ajoutent à l’horreur ambiante.
Mais cela ne suffisait visiblement pas : l’occupant a relancé ses frappes avec une fureur inédite, comme si le sang versé n’avait pas encore étanché sa soif de destruction.
Les bombes tombent à nouveau sur les maisons, les réduisant en cendres, brûlent les tentes des déplacé·e·s, transformant les hôpitaux et boulangeries en cibles militaires. Israël piétine les conventions internationales et ignore les appels à l’aide. Face au silence complice du monde, il continue de raser nos quartiers, d’anéantir nos familles, de nous effacer.
Comment peut-on accepter un crime de cette ampleur ? Comment justifier la mort et la disparition de plus de 400 personnes en quelques heures ? Le massacre d’un peuple entier est-il devenu un simple chiffre dans les bulletins d’information ? Un décompte anodin pour une humanité qui regarde, sait, et se tait ?