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Longtemps, les femmes qui créent sont restées dans l’anonymat de l’Histoire. Créatrices ? Il leur a fallu beaucoup de temps pour arracher ce statut, qui les rapproche des… dieux. Cependant les temps actuels, grâce au travail des historiennes, réenchantent cette mémoire oubliée. Jusqu’ici invisibilisées, récemment, une exposition à Rome a reconstitué la trajectoire créative et biographique de 56 femmes peintres ayant vécu et travaillé dans la Ville éternelle entre le XVIe et le XIXe siècle.
Alors celles qui vont encore plus loin que les autres, dans une démarche féministe investissant des territoires traditionnellement réservés aux hommes, ou expérimentant de nouvelles audaces, ou encore s’appuyant sur le female gaze, rencontrent des défis nettement plus grands. Mais c’est tellement motivant ! Car elles élargissent à leur manière le champ et l’horizon des possibles pour les femmes artistes.
Ce nouveau dossier de Medfeminiswiya se penche sur celles qui font bouger les lignes, telles les femmes DJ en Tunisie formées depuis 2017 par la Fabrique Art Studio. Ainsi les femmes sont mieux représentées sur la scène des musiques électroniques. Plus loin, en Égypte, une troupe de derviches tourneuses introduit une innovation certaine dans l’univers de la danse et de la musique sur les rives du Nil. Malgré les accusations d’apostasie et de…franc-maçonnerie, vaillantes ces danseuses poursuivent un chemin de spiritualité, de dépassement de soi et de transcendance.
En Tunisie encore, deux photographes, Meriem Bouderbala et Hela Ammar cherchent, grâce à une démarche audacieuse, à libérer le corps des femmes de leur pays du carcan des fantasmes orientalistes et des injonctions sociales. En Palestine, la designer Inas Dajani a créé une marque, nommée Slétåte, qui propose des accessoires inspirés des organes génitaux des femmes. Une pirouette pour casser des tabous et engager des conversations, y compris avec les hommes, autour de la sexualité féminine. Depuis la Syrie, jusqu’à la Turquie et la Suède, pays d’exil actuel, de la plasticienne syrienne et queer Sara Khayat, l’artiste visuelle déambule sa mélancolie de sa terre d’origine et son enfance imprégnées de sa différence empêchée.
Sans doute, toutes ces artistes, et bien d’autres encore, n’ont-elles pas réussi à changer les représentations. Du moins, ont-elles ébranlé de vieilles certitudes, notamment patriarcales et misogynes, introduit des questionnements et contribué à de possibles ruptures.