Cette publication est également disponible en : English (Anglais) العربية (Arabe)
Photo principale de Dalel Tangour, photographe tunisienne
Leur corps, a-t-il toujours été aussi lourd à porter pour les femmes ? « En partie, oui », répondrait l’historienne et féministe Michele Perrot. Dans « Mon histoire des femmes » (Points, 2006), elle écrit : « La femme est d’abord une image. Un visage, un corps, vêtu ou nu. La femme est apparences. Et ceci d’autant plus que dans la culture judéo-chrétienne, elle est assignée au silence en public ». Un peu plus loin, Perrot ajoute : « Premier commandement des femmes : la beauté. « Sois belle et tais-toi », lui enjoint-on depuis la nuit des temps peut-être. En tous cas, la Renaissance a particulièrement insisté sur le partage sexuel entre la beauté féminine et la force masculine ».
A chaque siècle, son gout. Si jusqu’au XIX, les regards sont attirés par « le haut » (le visage et la poitrine), le XX ème scrute « le bas », les jambes, notamment lorsque les collants Dim entrent en scène.
Au sud de la Méditerranée, le corps des femmes est un enjeu d’honneur pour la famille, la tribu, la société entière. Des codes, des lois, notamment en Syrie, que nous présente Rahada Abdouch, et des pratiques, dont l’excision, décrite par Sheima Al Youssef dans son article sont mis en place pour le contrôler, le cadenasser et le chosifier. Des féministes arabes comme l’Egyptienne Nawel Saadaoui, ont bien décrit cette condition des corps bâillonnés. Par l’écriture, Saadaoui déconstruit les jeux et les enjeux de pouvoir autour du corps. Un engagement contre le pacte du silence.
« La femme est d’abord une image. Un visage, un corps, vêtu ou nu. La femme est apparences. »
L’individualisation de la société en Occident fait que l’apparence prend encore plus d’importance. D’un autre côté, la généralisation des réseaux sociaux contribue à uniformiser les canons de beauté, y compris dans l’ile de Djerba en Tunisie (voir l’article de Laure Aurat). La chirurgie esthétique à laquelle recourent des femmes de plus en plus jeunes participe à formater les corps et les visages. Mais n’est-ce pas paradoxal à la fois de pousser les femmes à sculpter artificiellement leur apparence par l’entremise de tous les outils du marketing et des médias et de condamner cet acte ? s’interroge Anaïs Delmas dans son article sur la médecine esthétique.
Sacralisation de la virginité, hypersexualisation et porno (lire l’article de Monica Lanfranco), injonction à la beauté et à la minceur dès l'adolescence (article de Frederica Araco), le corps des femmes demeure otage à la fois du patriarcat (voir le témoignage de Rania Hadjar) et de la tyrannie des stéréotypes de beauté.