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L’histoire prend au départ l’allure d’une anecdote. Fin mars, la Tunisie est confinée et elle manque terriblement de bavettes. J’avais commencé à ce moment-là à travailler sur une rubrique intitulée « Initiatives solidaires », qui dévoilait la face lumineuse du confinement. Lorsque des taxistes, des restaurateurs, des hôteliers et bien d’autres corps de métier ont privilégié l’humain dans leur démarche, offrant des plateaux repas pour les soignants, transportant gratuitement des travailleurs ou hébergeant le corps médical dans de belles conditions. Ma mère, âgée de 78 ans, lit et suit mes papiers. Elle veut elle aussi se rendre utile.
Le 9 avril 2020 je poste un tout petit texte sur Facebook :
« L'initiative solidaire vient cette fois-ci de ma mère. Nozha Belhassine est une femme très occupée ces jours ci. Sa chambre transformée en atelier, attelée à sa machine à coudre Singer datant des années 40, elle confectionne des masques recyclables pour la famille, les amis et les voisins. Et toujours le sourire aux lèvres, tel un drapeau brandi pour célébrer le pays de la vie 🌹».
Femme au foyer depuis bien longtemps, ma mère ne s’attendait pas à cette déferlante de messages de félicitation et d’encouragements qu’elle recueillit en deux ou trois jours. Elle devint la reine des réseaux sociaux et « un exemple à suivre » pour plusieurs Internautes. L’Agence France Presse me contacte pour prendre RDV avec la « star » du moment.
Je relaie ce poste le 13 avril :
« Ma mère, Nozha Belhassine, a reçu aujourd’hui le photographe Abdelfettah Belaid de l 'Agence France Presse pour une séance de shooting. Et cette histoire commencée à une échelle intimiste par son envie de protéger ceux et celles qu'elle aime en leur cousant des masques antivirus prend des dimensions inattendues. Vous avez été très nombreux et très nombreuses à lui manifester votre soutien, votre sympathie et votre admiration. Elle en est profondément touchée ! Merci pour elle ! ».
Aujourd’hui encore, les gens que je rencontre dans l’univers de mon travail me demandent des nouvelles de ma mère. Je m’étonne toujours : « Mais d’où la connaissez-vous ? », oubliant à chaque fois cette fabuleuse machine à relier les femmes et les hommes que sont les réseaux sociaux.