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Cette conférence était coorganisée par l’association Laïques Sans Frontières (LSF) récemment créée à Paris, et le Council of Ex-Muslims of Britain (Londres), en collaboration avec plusieurs organisations, journaux et centres de recherche d’Europe et des USA (1). En ce jour anniversaire de l’avènement de la laïcité en France, le 9 décembre 1905, l'événement a réuni plus de quarante personnalités : des réfugié.e.s et migrant.es venu.es des quatre coins du monde composant l’essentiel de ce panel laïque exceptionnel d’activistes, artistes, blogueuses et blogueurs, journalistes, chômeuses et chômeurs, jeunes ou retraité.e.s... .
Ces participant.e.s ont abordé, sous l’éclairage contemporain, les obstacles et les défis, en rappelant d’abord que « la laïcité est un outil essentiel pour libérer les femmes de la tutelle des hommes et garantir la liberté de conscience », pour toute personne, qu’elle soit croyante, athée ou agnostique. Sous un régime laïque, chacun.e choisit sans contrainte le fait de croire ou non, de pratiquer telle ou telle religion, de s’en détourner ou de la critiquer. En toute liberté.
Nous voilà loin des fake news propageant des messages falsifiés, notamment sur les réseaux sociaux, pour faire peur aux croyants sous prétexte que la laïcité détourne de la religion, voire l’empêche. Et menaçant les laïques, ces empêcheurs de tourner en rond autour d’une pierre ou d’une église... Les fake news sont diffusées dans maintes régions du monde, de la large sphère musulmane qui va d’Est en Ouest à celle des catholiques aux USA en passant par les cortèges d’évangélistes en Afrique, en Europe et en Amérique du Sud. Le pouvoir de nuisance de groupes, intégristes et proches de l’extrême-droite dans leur grande majorité, va-t-il décroître un jour, face à la volonté de vivre, de chanter et danser librement ?
« Soyons réalistes, exigeons la laïcité partout » affiche le programme de LSF. Les Laïques de tous les pays savent bien que la route sera longue pour construire la laïcité à l’échelle du monde entier. Mais « step by step, dit un Pakistanais réfugié à Paris. Même si elles et ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre ouvertement la file des athées, des libres penseur.es et des féministes, beaucoup se taisent, intimidé.s par la menace des représailles ou par le poids de la culture patriarcale. Il faut du courage pour affronter le regard de sa société, de sa communauté, de la loi de son pays sans mentir ou se cacher. Plus d’un.e activiste l’a vécu dans sa chair, au prix de multiples souffrances et de séparations dramatiques avec sa communauté ou son pays.
« La laïcité est un outil essentiel pour libérer les femmes de la tutelle des hommes et garantir la liberté de conscience », pour toute personne, qu’elle soit croyante, athée ou agnostique.
En Iran, Masha Amini est morte d’avoir publiquement enlevé son foulard à la barbe des mollahs chiites, comme l’a rappelé une exilée de ce pays. Dans 13 pays musulmans sunnites, l’apostasie, le fait de renier sa religion, est punie de mort. Aucune religion ne peut se prévaloir de protéger les femmes, encore moins de les pousser vers l’autonomie et l’égalité des droits. La charia, sous ses différentes formes, atténuées ou pas, nous le rappelle chaque jour.
Au 21é siècle, alors que les droits des femmes ont progressé comme jamais depuis des millénaires, 21 Etats américains (au Nord comme au Sud) ont interdit l’avortement sur pression des mouvements intégristes ! Mouvements qu’on retrouve à l’œuvre sous couvert de religiosité chez les évangélistes, les catholiques et les musulmans.
Cependant, les contradictions sont flagrantes entre le désir largement partagé de vivre librement et les régressions subies par les citoyen.nes, en particulier les femmes, rarement considérées comme citoyennes à part entière. Ce sont elles et les LGBT+ qui payent le prix le plus lourd à porter dans les Etats soumis à des régimes autoritaires. Et c’est pourquoi beaucoup préfèrent le déchirement de l’exil à l’enfer des théocraties.
Laïcité, Laïcity, Laiquiya
Nadia El Fani, l’une des artisanes du colloque LSF, a fait une remarque fondamentale : aujourd’hui « le mot Laïcité, contrairement à ce que l’on croit, n’existe pas qu’en français. Il existe notamment en italien, en espagnol... et même en arabe » remarque cette réalisatrice d’origine tunisienne. Dans sa langue maternelle, Laïcité se dit Laïquiya. Maryam Namazie, fondatrice et présidente du Conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne, est revenue elle aussi sur le vocabulaire employé sous divers régimes : « parler de sécularisme plutôt que de laïcité, c’est (aussi) une stratégie des islamistes pour contourner ce concept ». Car il y a un grand pas à franchir entre le sécularisme qui prend soin des communautés et vire souvent au communautarisme, quitte à oblitérer la liberté individuelle, et la laïcité qui permet le droit de choisir sa vie, le droit d’avoir une religion ou pas, sans être rattaché.e de force à sa communauté d’origine.
D’où les « raisons impérieuses de s’unir avec nos différences : « ... Notre force à nous, c’est le nombre. Notre faiblesse, c’est le silence » a souligné Martine Cerf, présidente de EGALE. Jusque-là, le « silence » des intéressé.es était entretenu par celui des médias, plus sensibles au tapage médiatique des extrémistes qu’à un sujet si délicat à traiter (ou qu’il est interdit de traiter). Mais « la force » laïque étant sous-estimée dans le monde entier, la plupart des conférencier.es se sont mis.es d’accord pour remettre la religion à sa place- sa juste place, hors de la sphère de l’Etat. Elles et ils ont cosigné l’acte de naissance du mouvement international en lançant l’Appel de Paris : laïques de tous les pays, unissez-vous !