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La participation politique des femmes en Grèce
Nous sommes en 2020. Si vous vous mettez devant l’entrée du Parlement grec, les politiciens que vous verrez passer sont presque tous des hommes. Selon l’EIGE (L’Indice d’égalité de genre publié par l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes) seuls 16% des parlementaires grecs sont des femmes. En regardant la composition du gouvernement actuel de plus près, seulement 2 ministres sont femmes sur les 22 ministres du cabinet. Interrogé par Zeinab Badawi, journaliste de la BBC, sur le manque de représentation des femmes au sein du gouvernement, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a répondu : « Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de femmes qui souhaitent entrer dans le monde politique.»
Le mouvement féministe en Grèce
Nous entendons souvent l’adage selon lequel « le féminisme est la notion radicale selon laquelle les femmes sont des personnes ». En Grèce, au cours des deux dernières années, le mouvement féministe a lutté pour le démontrer et se faire entendre davantage. Il a en effet gagné en visibilité et en ampleur. Un grand nombre de personnes diverses participent aux manifestations féministes. Le discours patriarcal classique est souvent contesté dans la sphère publique. Les femmes, les non-binaires et les personnes LGBTQI+ ont réussi à transformer la peur et l’oppression systémique en une lutte pour leurs droits. Des chaînes télé, des journaux et différents groupes actifs ont commencé à déployer le prisme de l’égalité des sexes et la terminologie féministe plus souvent. Par exemple, alors qu’il était courant de lire à la une d’un journal un titre comme “Il l’a tuée parce qu’il l'aimait”, aujourd’hui, ce genre de titre est rares, et il semble qu’une plus grande majorité de médias grand public a commencé à aborder les phénomènes du fémicide, du patriarcat et de la masculinité toxique - même si, bien sûr, ce n'est pas toujours le cas.
En Grèce, le mouvement féministe n’a pas toujours fait la une des journaux. Bien au contraire. Lorsque les changemakers appelaient à manifester, les rues étaient souvent vides et seul un groupe de militants piquetait devant le parlement (dans certains cas, on les arrêtait sans raison). Le discours public et médiatique a souvent décrit les féministes comme agressives et extrêmes. Konstantinos Bogdanos, un politicien d'extrême droite, a déclaré en 2019, « il y a un groupe de satanistes, des sorcières païennes qui veulent imposer leur lesbianisme végétalien ».
Cette dynamique a changé en 2017 lorsque le mouvement #MeToo a éclaté aux États-Unis. Il est arrivé en Grèce plus concrètement en janvier 2020, lorsque Sofia Bekatorou, championne olympique de voile, a parlé de son viol par l’ancien vice-président de la Fédération hellénique de voile. Depuis, de plus en plus de femmes parlent du viol et des abus sexuels.
L’augmentation des incidents de violence sexiste a contribué à l’embrasement du mouvement féministe en Grèce. Toujours plus de personnes reconnaissent l’existence de la discrimination fondée sur le sexe et des abus patriarcaux. Ainsi, les collectifs et organisations féministes se sont multipliés et font davantage entendre leur voix notamment dans l’espace numérique à travers les médias sociaux qui prennent de l’ampleur de jour en jour. Les femmes migrantes et réfugiées jouent également un rôle actif dans le mouvement féministe en Grèce. Elles revendiquent leurs droits et incitent de nombreux groupes et organisations à adopter une approche plus intersectionnelle du féminisme.
La plateforme grecque #MeNowMeToo donne la parole aux femmes qui souhaitent s’exprimer de manière anonyme et dans un esprit de solidarité, dans le but d’enregistrer les expériences #MeToo en Grèce, sensibiliser le public aux violences à l’égard des femmes et contribuer à leur autonomisation à travers le pays.
Formes de discrimination à l’égard des femmes
Les actions du parlement grec reflètent la structure et la dynamique de la société mais aussi la manière dont les stéréotypes de longue date dictent la vie des gens. Quelques jours après l’arrivée au pouvoir du parti néo-conservateur Nea Dimokratia en juillet 2019, le « Secrétariat général pour l'égalité des genres (1) » a été rebaptisé « Secrétariat général pour la planification familiale et l'égalité des genres », et avec le Centre de recherche pour l'égalité des genres (2) (KETHI), ils ont été transférés sous la tutelle du ministère du Travail et des Affaires sociales. Les employés et les groupes féministes considèrent cette décision comme un sérieux revers. En 2021, le nom a de nouveau changé pour devenir « Secrétariat général à la démographie, à la planification familiale et à l'égalité des genres ». Le choix hiérarchique discutable des mots offre un premier aperçu de l’approche actuelle du pays en matière d'égalité des sexes ; elle est la dernière sur la liste des priorités, et la discrimination ressort officiellement d’en haut.
La modification de la loi sur la famille concernant la coparentalité obligatoire est un sérieux obstacle au progrès vers une société plus juste et égalitaire. Selon deux rapporteurs de l’ONU qui ont envoyé des lettres au Parlement grec, cette loi est contraire à la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La proposition avait provoqué de nombreuses protestations dans tout le pays. Suivant la tendance mondiale, au cours des deux dernières années, le mouvement anti-avortement a gagné du terrain et plusieurs affiches discutables sont apparues dans les lieux publics et des représentations misogynes ont fait la une des journaux.
Par ailleurs, le Secrétariat général pour l’enseignement primaire, secondaire et l’enseignement spécialisé (3), qui relève de la tutelle directe du ministre de l'Éducation et des Affaires Religieuses, a récemment approuvé un programme manifestement sexiste et non scientifique intitulé « Sexualité, fécondité et parentalité : une unité indissociable » (4) visant les élèves du secondaire. L’Institut de politique éducative (5) a rappelé ce « matériel pédagogique » suite à des critiques sévères pour ses propos anti-avortement. La Société hellénique pour l'éducation prénatale (6), qui a produit ce matériel, fait partie de la liste des groupes parareligieux.
Statistiques
L’Indice d’égalité de genre publié par l’Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) a attribué à la Grèce une note de 52,5 sur 100 et l’a placée une fois de plus en dernière position du classement de l’Union européenne. Depuis 2010, la Grèce est restée quasiment stagnante en termes d’égalité des genres dans les domaines suivants : temps libre, argent, santé, pouvoir, éducation et emploi.
La Grèce obtient les meilleurs résultats dans le domaine de la santé. Pourtant, elle se classe 20ème dans l'UE et 3ème dans la liste des pourcentages de femmes souffrant de troubles mentaux, après l’Espagne et le Portugal. L'écart entre l’emploi des hommes et des femmes se réduit également, bien que cela soit principalement dû à la forte réduction de l’emploi des hommes en Grèce de 2010 à 2019.
Les plus grandes inégalités se trouvent dans le domaine du pouvoir, où la Grèce se classe 26ème dans l’UE - le sous-secteur dans lequel nous avons le score le plus bas est celui de la prise de décision économique. Un élément positif, la représentation féminine dans les conseils d’administration des entreprises semble augmenter (à 15%).
Violence à l’égard des femmes
Lorsqu'on parle de discriminations, il faut toujours se rappeler que la preuve la plus profonde et la plus flagrante de leur existence est la violence continuellement infligée aux femmes et aux personnes LGBTQI+, allant de la violence verbale et des commentaires sexistes jusqu’au viol, aux agressions et aux féminicides. Quant à l’augmentation des cas de violence sexiste, la ligne d’assistance téléphonique 24h/24 a reçu 5 405 appels en 2021. 3 182 d'entre eux concernaient des violences domestiques (de janvier 2021 à octobre 2021). En 2021, 18 féminicides ont été signalés. Il est difficile de comptabiliser les féminicides, car ils n’ont pas été légalement reconnus comme crime et ces meurtres sont extrêmement invisibles en raison de la stigmatisation sociale.
En 2019, le parlement grec a ratifié la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). En novembre 2020, le 1er rapport annuel sur les violences faites aux femmes a été publié. Il faisait référence à la période du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2020 au cours de laquelle 4 872 femmes victimes de violences sexiste ont été prises en charge par les structures de l'État. 269 femmes et 270 enfants ont été hébergés dans les maisons d'hôtes (539 personnes au total).
Ces refuges font partie d’un réseau national de 63 établissements gérés par l’État qui accompagnent et soutiennent les femmes victimes de la violence sexiste. Plus précisément, il existe une ligne téléphonique nationale ouverte 24 heures sur 24 « SOS 15900 », 42 centres de conseil et 20 foyers qui accueillent les femmes victimes de violence domestique. Ce réseau manque de ressources et de personnel pour faire face au nombre de femmes dans le besoin à travers le pays, en particulier dans les zones rurales.
Cependant, sur une note plus positive, la plateforme grecque #MeNowMeToo donne la parole aux femmes qui souhaitent s’exprimer de manière anonyme et dans un esprit de solidarité, dans le but d’enregistrer les expériences #MeToo en Grèce, sensibiliser le public aux violences à l’égard des femmes et contribuer à leur autonomisation à travers le pays. Ainsi, des centaines de femmes témoignent et font entendre leur voix.