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En 1791, Olympe de Gouges avait écrit et publié la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, les révolutionnaires de 1789 nous ayant oubliées, nous les femme. Cependant en 1793, elle était décapitée : non pas pour cette déclaration, que les révolutionnaires escamotèrent, mais pour avoir placardé sur les murs de Paris un plaidoyer en faveur du fédéralisme, contre le centralisme jacobin. Cela se passait sous la Terreur, époque sombre au cours de laquelle les espérances des femmes pour un monde meilleur furent encore une fois remises à plus tard.
La France, « doux pays de mon enfance… », foyer ardent de la démocratie depuis plus de deux siècles, est celui qui donna très tardivement le droit de vote aux femmes, à la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945 ! Toute l’histoire des femmes en France oscille entre ces deux pôles : action(s) /réaction(s), les unes et les autres étant souvent de haute intensité.
A la mitan du 20è siècle, si les féministes « historiques » comme la philosophe Simone de Beauvoir, l’avocate Gisèle Halimi, l’actrice Delphine Seyrig, la chanteuse Brigitte Fontaine et de nombreuses et brillantes activistes des années 60 ont revendiqué haut et fort le droit à la contraception (1967) et à l’avortement grâce au « Manifeste des 343 salopes» (loi sur l’IVG, 1975), la lutte contre les stéréotypes se poursuit encore et encore. L’égalité pleine et entière entre les femmes et les hommes se heurte régulièrement au « plafond de verre » qui maintient les femmes sous domination patriarcale, à tous les niveaux de la société. D’ailleurs, l’égalité n’est inscrite que partiellement dans l’article 1er de la Constitution française, alors que la notion de « chef de famille » ait été supprimée du Code civil il y a tout juste 50 ans, en 1970.
La féminisation est à l’œuvre, dans la langue française comme dans la lutte contre les préjugés sexistes.
La féminisation est à l’œuvre, dans la langue française comme dans la lutte contre les préjugés sexistes. Des études récentes et solides, menées par des universitaires, dont plusieurs femmes remarquables : des anthropologues comme Germaine Tillion, Françoise Héritier, des historiennes comme Arlette Farge, Michelle Perrot, Françoise Thébot (il y en aurait beaucoup à citer aujourd’hui) ont permis de combler le fossé d’ignorance abyssale qui entourait la condition des femmes. Ce qui a permis de mettre en lumière dans la sphère privée, un phénomène social de grande ampleur, longtemps totalement négligé : les violences domestiques. La comptabilité macabre des mortes sous les coups de leur compagnon est répercutée désormais régulièrement. Et les jeunes féministes prennent la rue comme champ d’action médiatique, avec des slogans qui résonnent comme des coups de poings dans la figure des agresseurs.
Depuis une dizaine d’années, l’imposition de la parité a commencé de faire bouger les lignes, en politique notamment. Cela s’est traduit, au niveau des dernières élections municipales en juin 2020, par l’arrivée de femmes à la tête de grandes villes. Les deux assemblées nationales ne sont pas à parité mais les progrès en la matière sont considérables. Il faut dire que la France était particulièrement en retard dans ce domaine.
Concernant les journalistes, il suffit d’observer « l’ours » des journaux quotidiens ou des grands magazines pour s’en convaincre : ces organigrammes reflètent la place secondaire des femmes à leur tête. Idem pour les télévisions, publiques ou privées. Comptez les images représentant les hommes puis les femmes dans un journal, ou encore les signatures des articles : les écarts sautent aux yeux. Aux hommes, les sujets considérés comme nobles : la politique, l’économie, les sciences ; aux femmes, les rubriques dites féminines : beauté, santé, mode. Ah ! l’éternel féminin…
Malgré des injonctions dans certaines grandes entreprises de presse, les progrès se mesurent à tout petits pas. L’image des femmes dans les médias reflète cette tendance lourde, mais qui ne cesse aujourd’hui d’être dénoncée, et remise en question.
Aux hommes, les sujets considérés comme nobles : la politique, l’économie, les sciences ; aux femmes, les rubriques dites féminines : beauté, santé, mode. Ah ! l’éternel féminin…

Mouvements féministes : profusion, mais pas fusion
Dans la sphère publique, des chercheuses, aidées là aussi par des activistes ont pu pointer les énormes écarts de salaires entre les femmes et les hommes (près de 30% il y a encore 10 ans ; moins de 20% en 2019, ce qui reste considérable) ou, autre exemple significatif, le nombre de femmes dans les conseils d’administration des grandes sociétés (moins de 10%).
Ces études ont été soutenues, encouragées et diffusées par les féministes de plus en plus nombreuses, de mieux en mieux formées, soutenues par des universités de plus en plus nombreuses à favoriser l’étude du genre. La dynamique de l’inter-sectionnalité génère en France un mouvement féministe en pleine ébullition avec l’apparition de groupes, collectifs, blogueuses qui établissent des ponts entre les luttes féministes et les luttes pro-LGBTI et antiracistes.
On distingue clairement des lames de fond sur lesquelles surfent beaucoup de jeunes féministes : les thèmes qui abordent la sexualité, de la santé reproductive à la transsexualité en passant par la prostitution, traversent (et parfois divisent) le mouvement. Mais quand les droits sexuels sont attaqués, ou menacés de l’être par les lobbies religieux et conservateurs, les féministes se retrouvent, unies, vent debout !
Car la montée en puissance du conservatisme met sur le devant de la scène médiatique des idées rétrogrades sur la féminité, alliée éternelle de la « maternité heureuse » (forcément !), et de la défense de « la vie à tout prix », soutenue par le mouvement des anti-avortement, prônant une conception étroite et homophobe de la sexualité.
Comme dans toute l’Europe et au-delà, ce conservatisme a des relais en France, dans les lobbies religieux –du catholicisme à l’islam-, dans certaines sectes New Age, et à l’extrême-droite en politique.
Si on écoutait ces réactionnaires, « les femmes n’ont qu’à bien se tenir… » . L’expression, en français, est très parlante car elle évoque à la fois le conformisme auquel les femmes devraient se soumettre et la menace qui pèse sur elles, quand elles veulent échapper à la règle. Comme s’il n’y avait pas d’autre choix, entre le consumérisme, transformant les femmes en objets sexuels, et le conservatisme, les enfermant dans les tâches domestiques et reproductives, les soumettant à la loi de Dieu et de ses représentants, des hommes, évidemment.
Comme s’il n’y avait pas d’autre choix, entre le consumérisme, transformant les femmes en objets sexuels, et le conservatisme, les enfermant dans les tâches domestiques et reproductives, les soumettant à la loi de Dieu et de ses représentants, des hommes, évidemment.
Il est préoccupant de constater que ces dérapages idéologiques ne sont pas seulement dégradants pour les femmes : ils cherchent par divers moyens à attaquer les avancées sociétales produites au fil du temps. Mais notre vieille démocratie, confortée par la liberté d’expression et le principe de la laïcité, résiste. Et la liberté de choisir (d’avoir un.e conjoint.e, d’avoir un enfant ou pas) est garantie par la loi française. Peu à peu, les jurisprudences qui s’accumulent renforcent les droits des femmes. Ainsi en est-il des lois sur le concubinage, le mariage pour tous, le renforcement de la loi sur l’IVG.
« Le féminisme n’a jamais tué personne »
Face à ces dangers, l’éclosion d’une nouvelle génération de féministes, appuyée par les historiques des années 70, mène depuis une bonne vingtaine d’années un long combat contre les violences faites aux femmes, dans l’espace public comme dans l’espace domestique. Ce combat, on l’a dit, est enfin médiatisé. Mais les sommes allouées aux associations et aux fédérations féministes ne progressent pas pour autant. Le gouvernement d’Emmanuel Macron a même tenté de privatiser le 3919, maillon essentiel pour l’écoute (24h sur 24) au niveau national. Ce numéro vert a été mis en place par Solidarité Femmes, fédération qui regroupe près d’une centaine de centres d’hébergement. Si le 3919 est privatisé, ce sera au plus offrant… pour le moins cher.
Les féministes dénoncent vigoureusement cette tentative de main basse sur un service essentiel. Et poursuit ses actions en proposant des informations de fond sur la définition des violences conjugales et leurs mécanismes. En lien avec l’Union sociale pour l’habitat, la Fédération Nationale Solidarités Femmes vient de publier un guide juridique et de bonnes pratiques sur les organismes Hlm (Habitations à loyer modéré) et le logement des femmes victimes de violences conjugales. Ce guide vient compléter un long travail partenarial mené depuis plusieurs années avec différents bailleurs sociaux.
Les exemples de coopération avec des associations spécialisées et d’autres partenaires fourmillent, dans plusieurs domaines. On a vu et participé à des caravanes des droits des femmes, parcourant la France, reliant des associations d’Europe et du Maghreb, pour parler de citoyenneté.
La mobilisation féministe est bien au rendez-vous du 21è siècle en France, et la nouvelle vague de l’éco-féminisme ne peut que la renforcer. Toujours soucieuses du bien–être de leurs proches, les femmes se retrouvent aux avant-postes : en première ligne en tant que soignantes face à la pandémie du coronavirus, elles sont présentes aussi dans les projets de société basés sur l’économie solidaire, l’écologie, la lutte contre le réchauffement climatique. Nous aurons l‘occasion de reparler.