Cette publication est également disponible en : English (Anglais) العربية (Arabe)
Écrit par Eretica Precaria
Il fut un temps où nous avions l'habitude de dire : "camarade de parti mais facho au lit". Il s'agissait d'hommes de gauche se montrant sensibles aux revendications des femmes mais qui, en privé, se comportaient comme de vrais machos. S’en ai suivi un profil d’hommes qui pensent que faire état de connaissances féministes peut les aider à atteindre un meilleur statut social.
Dans le meilleur des cas, il s'agit d'hommes de gauche qui pratiquent le mansplaining ou s’avèrent de vrais paternalistes. En effet, il n'est pas rare que la dialectique féministe révèle des contrastes, parfois amers, sur certains sujets. C'est là qu'interviennent certains hommes qui défendent un groupe en particulier et tentent d'enseigner le féminisme à d'autres féministes.
Parfois, ils participent à des campagnes contre la violence sexiste en chatouillant leur propre ego, ne cachant pas leur aspiration à sauver la demoiselle en détresse. Cela se produit lorsque tel footballeur est choisi pour porter un T-shirt avec un slogan contre la violence à l'égard des femmes ou lorsque des représentants du gouvernement se vantent d'avoir inclus quelques femmes dans leurs rangs pour montrer que l'égalité est atteinte.
Tout au long des années où j'ai pratiqué et décrit le militantisme féministe, j'ai rencontré beaucoup d'hommes de ce genre, notamment ceux qui, commentant un cas de féminicide, proclament "Tous les hommes ne sont pas comme ça". Dieu merci qu’ils ne sont pas tous des monstres, mais est-il nécessaire de le souligner. Dire cela, c'est considérer la lutte féministe contre la violence de genre comme une mise en accusation de tous les hommes.
Heureusement, il existe une composante masculine qui ne surdétermine pas, n'interfère pas dans la dialectique féministe, mais questionne le masculin et mène une réflexion sur les stéréotypes de genre et le machisme de manière totalement indépendante. En Italie, l'association qui compte plusieurs permanences, et a à son actif diverses publications et de nombreuses actions, est « Maschile plurale ».
Ses activités sont vraiment dignes d'intérêt, ses membres sont des alliés qui soutiennent en même temps des initiatives telles que les centres et les services pour hommes violents. Leurs analyses s’inscrivent dans des domaines d'intérêt féministe. Ils ne craignent pas de nommer la violence masculine et de s'interroger sur les moyens de l’éviter dans les relations. Leur analyse porte sur la sexualité, les comportements et les rôles imposés aux hommes qui doivent encore se battre contre ceux qui les traitent de traîtres ou, comme l'a écrit l'un d'eux sur son blog, de déserteurs du patriarcat.
Sur le blog « Femminismo a Sud », que j'avais créé avant l'actuel « Abbatto i Muri », des féministes de la troisième vague et certains hommes décrivaient la désertion du patriarcat comme une activité nécessaire. J’entends par patriarcat l’ensemble d'impositions culturelles auxquelles il semble impossible d'échapper. L'acte de désertion inclut la possibilité d'être brimé par le machisme des adolescents ou par des bandes de violeurs avec lesquels les « déserteurs » ne veulent pas socialiser ni avoir à partager quoi que ce soit.
Au cours de cette réflexion, nous nous sommes rendu compte que ce sont précisément ce type d'hommes qui est visés par les MRA, les mouvements de défense des droits des hommes ou les mouvements masculinistes qui formulent dans différents forums des thèses sur le danger de la féminisation du masculin, voire de la disparition du masculin.
Ces personnes - dont le fer de lance est représenté par les Incels, antiféministes violents et célibataires malgré eux, concevant le viol comme une compensation pour l'abstinence sexuelle que les femmes leur imposent - considèrent non seulement le masculin comme un modèle à contrôler pour favoriser le retour du Pater Familias, mais s'opposent également à toute proposition d'éducation au genre et d'éducation sexuelle dans les écoles pour enseigner le respect du consentement.
Ils sont aussi évidemment contre toute approche post-gender, queer, lgbt et trans, parce qu'ils imaginent qu'il y a un complot, ourdi contre eux, pour transformer les hommes en femmes. Au-delà de ces délires, ils influencent les discussions, notamment sur les médias sociaux, en attaquant les personnes qui ne sont pas d'accord avec eux. L'un des hommes les plus attaqués est un chercheur en esthétique et membre de « Maschile Plurale » : Lorenzo Gasparrini.
Ce dernier a également écrit le livre Perché il femminismo serve anche agli uomini. Non seulement il prend soin de mentionner les privilèges masculins, racontant comment ceux-ci donnent aux hommes l'illusion d'une prétendue liberté, mais il explique aussi combien il est difficile de développer une identité masculine différente, non violente.
Ainsi, raconte-t-il comment le féminisme est aussi utile aux hommes qu’aux femmes. Ce concept nous est plus que familier car en analysant les stéréotypes de genre, nous nous rendons compte que l'éducation donnée aux enfants est sanglante et vise à former de futurs soldats du patriarcat. Déserter devient alors une obligation tout autant qu'un choix.
Un enfant à qui l'on dit de ne pas pleurer, de ne pas être une mauviette, de ne jouer qu'avec des robots et jamais avec des poupées, de se comporter en homme, alors qu'il ne sait même pas ce que cela signifie, se voit inculquer une mentalité machiste qui lui donnera le privilège de ne pas avoir peur d'être violé dans la rue, de ne pas avoir à surveiller ses arrières dans l’obscurité, de ne pas avoir à craindre les coups de sa partenaire. Il lui sera toutefois difficile d'admettre qu'il a été victime de violences de la part d'un ou de plusieurs hommes, et d’avoir été maltraité par sa partenaire.
Car les hommes élevés de cette manière ont honte d'admettre qu'ils sont vulnérables, qu'ils sont perfectibles, qu’ils sont, au bout du compte, de simples humains. Si le féminisme ne les aide pas, je ne vois ce qui pourrait leur rendre service. Je rêve d'un jour où les hommes qui ne veulent pas suivre les traces de leurs grands-pères ou de leurs pères pourront le faire sans être honteux d'aucune manière. Je rêve d'un jour où les hommes pourront se dire féministes sans avoir à subir de répercussions négatives. Nous les attendons à bras ouverts.
Pour lire l'article original en italien, cliquez ici.