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L’association des aviculteurs, l’une des coopératives palestiniennes les plus importantes a été créée en 1974. Très active aujourd’hui, elle a été l’une des pionnières en matière de travail coopératif à un moment charnière de l’histoire du peuple palestinien vivant en Cisjordanie, c'est-à-dire aux premières années de l’occupation alors que cette partie de la Palestine était encore administrée par le gouvernement jordanien. Autrement dit, le mouvement national était en lutte contre deux systèmes politiques ; il s’agissait d’abord d’affirmer son identité palestinienne et de se démarquer des autorités qui géraient ce territoire. A l’époque, des activistes avaient pris l’initiative de créer la coopérative des aviculteurs pour défendre les petits aviculteurs face à la mainmise des gros commerçants.
La Coopérative des aviculteurs a défié les politiques
Mayssara Echouaibi, l’un des fondateurs de cette coopérative, explique le contexte de sa création : « l’idée des coopératives n’était pas répandue parmi la population, mais il est clair qu’il était devenu nécessaire de défendre les petits producteurs/trices dans le secteur de l’aviculture ainsi que le consommateur pour soutenir les Palestiniens face à la dureté du marché. L’idée a été concrétisée par dix jeunes et s’est ensuite développée car les gens ressentaient la nécessité de s’organiser. L’idée avait eu un tel écho que le gouvernement jordanien avait tenté de parachuter un directeur à la tête de l’association. Cela avait poussé ses membres à appeler les bénéficiaires à protester ce qui avait fait reculer le gouvernement».
Mayssara Echouaibi estime que l’idée de coopérative dans la conscience des gens est plus importante que les bénéfices engrangés par celle-ci. Car sans cette conscience, la coopérative n’est plus qu’une entreprise lucrative faisant partie intégrante du marché dont le profit est le moteur essentiel. Ce qui ne correspond pas à la responsabilité sociale et la participation politique des coopérateurs qu’implique ce type d’organisation. Pour Mayssara Echouaibi, la mise en échec de la désignation d’un directeur jordanien avait montré la capacité de coopérateurs et coopératrices uni.e.s à exprimer leurs besoins et à convaincre de l’importance de leur participation politique. Cela a favorisé la mobilisation des masses dans les processus de changement politique et social.
En effet, l'association s'est développée après que les aviculteurs ont réalisé qu'elle servait leurs intérêts et les représentait politiquement, ce qui a fait augmenter sa taille de 10 à 300 membres.
Le fait que l'association offre ses produits aux consommateurs à des prix inférieurs à ceux du marché a également contribué à renforcer le soutien dont elle bénéficie. Par conséquent, son expansion est devenue une nécessité pour développer ses services, employer plus de personnes et obtenir les équipements nécessaires.
En Palestine, au premier trimestre 2021, le nombre de chômeurs avait atteint 383 000 personnes : 228 000 dans la bande de Ghaza et 155 000 en Cisjordanie
La pandémie de coronavirus et les coopératives
Aseel Mlittate, qui est mère et l'une des superviseuses de la pépinière de Joudhour, elle dit que poursuit : « lors du confinement dû à la pandémie de Coronavirus, des opportunités et des emplois publics ou privés avaient disparu, les rares postes disponibles ne nous convenaient pas à nous, les mères de familles. Vint alors l’idée du retour à la terre avec ses bienfaits, de l’aide et des conseils à apporter aux villageois sur le plan agricole afin de leur permettre de cultiver la terre, voire de créer leur propre pépinière. »
La pépinière Joudhour est un exemple, dans le village et ses alentours, d’entreprise appartenant à des femmes travaillant dans l’agriculture et la vente de produits. Cela a encouragé des femmes des villages avoisinants à s’investir dans ce type d’activité.
Lina Jawabra, une des membres de la pépinière Juthour, insiste sur le concept de coopérative : « la coopérative est une tradition pour nous. Au début de l’activité, le bénéfice était presque inexistant, mais notre résilience, notre envie de créer une entreprise exprimant les besoins de femmes et reflétant l’appartenance à nos villages ainsi que notre volonté de servir la société locale nous ont aidé à ne pas dévier de notre objectif.»
Les défis des coopératives
De son coté, Rami Mesâad, coordinateur du « Carrefour du partenariat jeunesse » en Palestine estime que les coopératives par leur rôle national et économique sont très importantes dans la lutte contre l’occupation. Raison pour laquelle l’occupant entrave leur action afin de les affaiblir et les voir disparaitre en rendant difficile l’accès aux ressources nécessaires à leur fonctionnement. Actuellement, on recense 900 coopératives dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie, la plupart actives dans le domaine agricole.
Ces coopératives font face à plusieurs défis dont la faiblesse de l’esprit coopératif et collectif face à la montée de l’individualisme conforté par les politiques économiques et sociales poursuivies actuellement. A cela s’ajoutent deux obstacles à leur développement, la loi jordanienne en vigueur jusqu’en 2017 ainsi que le projet de loi de 2020 qui stipule la mise des coopératives sous la tutelle du ministère du Travail.
Rami Mesâad évoque un obstacle d’une autre nature, à savoir la cherté des moyens de production et des ressources : l’eau, les graines, le matériel agricole, etc. Cela se traduit par un surcoût de production et la difficulté de pérenniser les coopératives agricoles.
Les coopératives en Palestine : une nécessité sociale
Au moment où le chômage des diplômé.e.s prend de l’ampleur (plus de 50% par rapport aux années précédentes), il est important et urgent de réfléchir aux logiques des coopératives ainsi qu’à la recherche d’opportunités de travail conformes aux besoins de la société palestinienne, à ses ressources et capacités, sans l’enliser dans des circuits de financement temporaires et inefficaces dans la plupart des cas.
C’est dans ce cadre qu’apparaît le rôle des coopératives de création et de production dans plusieurs secteurs d’activité, car elles fournissent des opportunités de travail aux jeunes et permettent la production de nourriture suffisante à travers la mise en valeur des terres.
Sur un autre plan, l’adhésion au travail coopératif est susceptible de favoriser le développement d’une conscience sociale autour des bienfaits de la solidarité, de la coopération sociale et du profit à tirer du savoir des jeunes diplômés des deux sexes dans toutes les localités pour renforcer les capacités de la société, en général, et celles des femmes en particulier.