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Le Liban face au plus grand exode de son histoire
Un million de déplacés sans abri. Il s’agit peut-être de la plus grande vague d’exode que le pays ait connue, comme l’a affirmé le Premier ministre sortant, Najib Miqati. Une grande partie de ces personnes restent encore dans la rue, sous les ponts, sur la place des Martyrs au centre de Beyrouth, sur la plage d'Ain El Mreisseh, à Saïda et dans d'autres régions. On y voit des familles de déplacé.e.s avec leurs affaires et leurs matelas, attendant une amélioration de la situation. EIles n’ont pas pu louer d’appartements ni rejoindre les centres d’hébergement peu nombreux et surpeuplés.
Une déplacée, accrochée à son matelas sous le pont de Cola à Beyrouth, raconte : « Nous sommes devenus des réfugiés dans notre propre pays. » Elle ajoute : « J’ai quitté ma maison dans la banlieue après des menaces visant une zone proche de chez nous. Jusqu'à présent, je n’ai pas trouvé d'abri, les loyers sont hors de ma portée et les centres d'hébergement sont surpeuplés. » Elle poursuit : « Nous comptons sur la bonté de certaines personnes qui nous apportent des repas. »
« Se laver est devenu difficile. J’ai trois enfants, que faire ? J’ai commencé à avoir peur des poux et des maladies de la peau », raconte une autre déplacée dans un centre d’hébergement en banlieue de Beyrouth. Une inquiétude confirmée par les travailleurs humanitaires qui ont souligné que la situation était très grave, avec une réelle propagation des poux dans certains centres en raison du manque de produits d’hygiène, de la difficulté à se laver et de la surpopulation.
Selon les estimations de l'UNICEF, plus de 300 000 enfants ont été déplacés de leurs foyers, et les familles déplacées manquent d'accès à l'eau, à la nourriture, aux couvertures, aux médicaments et autres produits de première nécessité. L'UNICEF a déclaré : « Ces enfants vivent aujourd'hui un cauchemar, luttant contre la peur, l'angoisse, la destruction et la mort, avec des traumatismes psychologiques qui pourraient les marquer à vie. »
Pas assez de lieux sûrs
Selon les chiffres officiels, 778 centres d’hébergement ont été ouverts, mais ils n’accueillent que 118 000 personnes, un chiffre bien faible par rapport à l’ampleur des déplacements de population que connaît le Liban depuis quelques jours.
Les régions du Liban qui n'ont pas encore été touchées par les bombardements israéliens, et qui sont considérées comme relativement sûres (Bahamdoun, Aley, Tripoli, Zgharta...), sont bondées de personnes fuyant les frappes et les menaces, surtout que la vie est presque paralysée dans le sud, la Bekaa et la banlieue sud de Beyrouth, où les bombardements sont fréquents. Les écoles ont été fermées, les routes sont presque désertes, et ceux qui sont restés tentent de se cacher dans des endroits éloignés des tirs qui ont déjà fait environ 1 500 victimes, selon le ministère libanais de la Santé.
Face à cette vague massive de déplacements et à l'absence de l'État et de ses institutions, et leur incapacité à répondre aux besoins des gens dans ces conditions difficiles, l’aide repose sur des initiatives humanitaires, lancées par des activistes, bénévoles, restaurateurs et des entreprises, sont devenues une lueur d'espoir pour tenter d’alléger la souffrance autant que possible, en fournissant des repas et des besoins essentiels en fournissant des repas et des besoins de base aux déplacé.e.s, tandis que d'autres campagnes s'efforcent de leur trouver un abri.
D’après une source au ministère libanais de la Santé, la situation dans les centres d’hébergement se détériore avec l'augmentation du nombre de déplacés, face à des aides limitées et insuffisantes, d'autant plus qu'il y a des femmes et des enfants et que ces centres manquent d'équipements essentiels, tels que des douches pour se laver, des matelas, des médicaments et des produits d’hygiène.
Les femmes face à des défis accrus
En plus des déplacé.e.s internes, des Syriens.n.e.s et des Libanais.e. ont fui vers la Syrie. Le journal syrien Al-Watan a rapporté que 186 000 Libanais.e.s et Syriens.n.e.s se sont réfugiés en Syrie en raison des bombardements et des menaces, y compris le risque d'une invasion terrestre israélienne ou d’une extension des frappes à de nouvelles zones et infrastructures publiques comme les ponts, les routes et les installations, à l’image de ce qui s’est produit durant la guerre de juillet 2006.
Le représentant de l’UNICEF au Liban, Edward Beigebid, a qualifié les conséquences de l’escalade des hostilités de« catastrophiques, affectant tous les enfants. La peur dans leur cœur est immense, ils sont pris au piège de la violence et de l’incertitude ».
La souffrance est double pour les groupes les plus vulnérables, comme les réfugiées syriennes, dont l'accès aux centres d’hébergement a souvent été refusé, ainsi que pour les travailleuses étrangères. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 160 000 travailleurs migrants vivent au Liban, dont 65 % sont des femmes. Le chiffre réel pourrait être plus élevé en raison des nombreux travailleurs sans papiers.
Il est important de noter que les travailleuses étrangères font face à des défis accrus. Certaines ont dû fuir seules après que leurs employeurs les ont abandonnées, tandis que certains centres d’hébergement ont refusé de les accueillir sous prétexte qu’ils étaient réservés aux Libanais.e.s, les obligeant à dormir dans la rue faute d’un autre lieu où se réfugier.
L’un des plus grands mouvements de déplacement
Un million de personnes déplacées dans la rue, ce qui constitue peut-être le plus grand mouvement de déplacement que le pays n’ait jamais connu, comme l’a déclaré le Premier ministre par intérim, Najib Mikati. Ce qui semble surprenant, c’est qu'un grand nombre de ces personnes se trouvent encore dans les rues, sous les ponts, à la place des Martyrs au centre de la capitale, sur la plage de Ain El Mreisseh, à Saïda et dans d'autres régions, où des groupes de déplacés se rassemblent avec leurs affaires et matelas, attendant une solution. Ces personnes n’ont pas pu louer d’appartements ni rejoindre les centres d’hébergement, peu nombreux et surpeuplés.