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"Nous avons dormi sur l'autoroute de Saïda, mon mari, mon fils et moi", raconte Myriam à propos de la nuit du 23 au 24 septembre, marquée par une importante intensification des opérations militaires au Liban, avec des frappes israéliennes intensifiées sur plusieurs régions, notamment dans les villages de la Bekaa et du sud.
La nuit de l’exode massif
Les habitants du sud du Liban ont été réveillés par des messages texte leur ordonnant de quitter leurs maisons et leurs villages proches des zones abritant des missiles du Hezbollah. Parmi ces messages : "Si vous êtes dans un bâtiment contenant des armes du Hezbollah, éloignez-vous du village jusqu’à nouvel ordre", et un autre disait : "Si vous vivez près de missiles du parti, vous devez vous éloigner de la maison d’au moins 1000 mètres".
Mais en réalité, il n’y avait pas assez de temps pour fuir, car les frappes ont rapidement commencé, visant des zones au hasard et touchant des civils, y compris des enfants, des femmes, et décimant des familles entières.
Des dizaines de milliers de personnes ont quitté leurs foyers dans le sud, la Bekaa et la banlieue sud de Beyrouth, régions ciblées depuis des mois. Le 23 septembre fut le jour le plus violent, avec 1300 frappes, selon l’Agence Nationale de l’Information, sans issue diplomatique en vue pour Gaza ou le Liban.
En raison des prix élevés des appartements en location et de la saturation des hôtels dans les zones sûres, beaucoup ont dû passer la nuit dans les parcs ou leurs voitures, que ce soit dans la Bekaa, sur la route du sud, ou à Beyrouth. Myriam nous raconte avoir passé 8 heures dans sa voiture avec sa famille : "La route vers Beyrouth était bloquée, alors nous avons dû abandonner et essayer de dormir deux heures dans la voiture, bien que les bruits des frappes soient plus forts que le sommeil et notre capacité à supporter la situation."
Myriam a tenu aussi longtemps que possible avec sa famille dans la localité d'Alma al-Shaab, mais l'escalade des combats et la menace croissante d'une guerre totale les ont contraints à quitter leur maison sans destination précise.
Myriam poursuit : "Nous sommes enfin arrivés à Beyrouth après des heures d'attente et d'épuisement, mais je ne sais pas où aller maintenant. On ne trouve pas d’appartement à moins de mille dollars, et on nous demande de payer trois à six mois d'avance." Elle ajoute : "Nous sommes actuellement chez ma tante pour quelques jours, mais nous ne pourrons pas y rester longtemps, car la maison n’a que deux chambres, à peine suffisantes pour sa famille de cinq."
L’embouteillage vers Beyrouth et d’autres zones sûres a été accompagné d’une ruée sur le pain, l’essence, et les denrées alimentaires, tandis que les centres d’hébergement officiels étaient insuffisants, reposant largement sur des initiatives individuelles et communautaires.
"Nous ne voulions pas de cette guerre... Personnellement, je voulais juste que ma fille aille à la maternelle. C’est sa première année à l’école. Quand elle m’a demandé pourquoi l'école était reportée, je lui ai dit : 'Nous allons d'abord vaincre le méchant sorcier, puis nous irons à l’école'."
Les centres d’hébergement ne sont pas équipés
Zeineb, une volontaire qui aide les déplacés, partage son expérience avec "Medfem Feminist" : "Les besoins sont énormes et nos capacités limitées. Certaines écoles ont ouvert leurs portes aux déplacés dans plusieurs régions, et nous avons vu des habitants des zones sûres tenter d’aider, certains accueillant des familles déplacées, mais cela reste insuffisant. Nous parlons de dizaines de milliers de nouveaux déplacés, sachant que l’exode du sud a commencé en octobre 2023, au début des combats. Nous parlions alors de 120 000 déplacés avant cette récente escalade, que l’on peut qualifier de guerre sérieuse."
Zeineb poursuit : "Il y a des situations très difficiles, des familles avec enfants sans abri, incapables de louer un appartement ou de répondre à leurs besoins essentiels. Je travaille dans plusieurs centres d'hébergement à Beyrouth, et je suis témoin des catastrophes. Les besoins sont immenses, vraiment immenses."
Le ministère de la Santé a annoncé que le nombre de morts dus aux frappes israéliennes sur le Liban, le 23 septembre, s'élève à environ 550, et que le nombre de blessés dépasse 1 800. Le Centre d’opérations d’urgence de la santé publique a précisé que parmi les victimes se trouvent 35 enfants et 58 femmes.
"Leila, une autre femme déplacée rencontrée dans un centre d’hébergement, témoigne : 'Je suis enceinte et j’ai deux enfants, et je ne sais pas comment je vais supporter toute cette fatigue.' Elle poursuit : 'Nous avons quitté notre maison dans la banlieue sud après l’explosion des beepers, car l’un de nos voisins a été grièvement blessé. La peur nous a submergés, et mon mari a jugé qu’il était plus prudent de partir pour notre sécurité. Nous avons emporté quelques affaires essentielles et avons d’abord séjourné chez un parent, avant de nous installer dans une école transformée en centre d’hébergement. Mais la situation est très difficile ici : les aides sont insuffisantes, il n’y a ni matelas ni toilettes propres pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires."
Une simple visite dans ces centres suffit pour constater la situation difficile que vivent les déplacés, surtout ceux avec enfants, personnes âgées ou malades. Les aides sont limitées et les centres d’hébergement insuffisants face au nombre élevé de familles déplacées ayant besoin d’aide de toute nature, beaucoup ayant quitté leurs maisons sans pouvoir emporter quoi que ce soit.
La guerre pèse lourdement sur le Liban, déjà pris dans des crises politiques, économiques et sécuritaires. Comme l’a dit un des déplacés que nous avons rencontrés lors de notre visite : "Nous ne voulions pas de cette guerre... Personnellement, je voulais juste que ma fille aille à la maternelle. C’est sa première année à l’école. Quand elle m’a demandé pourquoi l'école était reportée, je lui ai dit : 'Nous allons d'abord vaincre le méchant sorcier, puis nous irons à l’école'."