Sa dernière création « Le pays du sud » suivi de « Seul, tel le vent » raconte la quête de l’identité, le déracinement, la résistance au chaos. C’est sur cette terre qui ressemble au Liban que des figures féminines résistantes évoluent dans un décor de destruction. Elles résistent par la puissance du verbe aux maux légués par la guerre civile. Corruption, communautarisme, perte de repères sont ce quotidien que rencontre un homme, seul personnage masculin, venu de la Ville Lumière « un sac empli de civilisations sur le dos ». Une métaphore de cet autre monde de lumière en miroir de l’obscurité de ce pays disloqué où « la poussière des nuits meurtrières nous prive de la lumière du jour » lui lance la résistante boulangère.
Les personnages féminins racontent leur rêves, leur vie, leur résilience face à la folie des hommes. De son balcon une bourgeoise invite l’étranger dans son appartement, dans un immeuble dont il ne reste que quelques vestiges d’une splendeur passée et les stigmates de la guerre. « J’ai redescendu les escaliers avec la certitude que le mystère de cette ville était aussi difficile à déchiffrer que celui du regard de cette figure solitaire représentant celles et ceux qui ont décidé de rester », narre l’étranger venu de la Ville Lumière.
Dans Seul, tel le vent, un homme explore une ville en guerre et va à sa propre rencontre. Il erre dans un va et vient entre sa parole de narrateur et celles des personnages qu’il croise. Il déambule entre toutes ces histoires de vie et de mort cherchant dans le visage de chaque femme, celui de sa mère. Dans la ville meurtrie, livrée à la violence, la vie malgré tout s’entête à défier le bruit des bombes, de la violence.
L’idée de Seul, tel le vent « m’est venue d’une rencontre avec un homme venu des rues de Calcutta à celles de Paris et qui n’a jamais cessé de rechercher sa mère et ses racines » raconte Sirine. Comme tous ceux qui ont été contraints de quitter leur pays d’enfance, la metteure en scène sait la douleur de recoller des bouts de mémoire pour reconstruire son identité. Le personnage du fou qui se prête parfaitement à l’écriture poétique mais engagée de Sirine lui permet de dire cette ambivalence, cette frontière insaisissable entre deux lieux : la guerre et la paix, le chaos et l’harmonie, « Ne dit on pas que la vérité sort de la bouche des fous ? Nous sommes tous, nous Libanais, un peu fous parce qu’après ce que nous avons vécu, nous continuons de vivre... »
En 2016, dans son spectacle Nuits d'Automne, Sirine Achkar abordait déjà l'exil, thème récurrent dans son œuvre à travers une mise en scène mêlant son texte à la chorégraphie Hip Hop contemporaine de Didier Mayemba. En 2018, elle écrit le texte Inadaptés, qui évoque l’univers carcéral, l’enfermement, celui de l’esprit, et celui du corps.Encore des identités tourmentées.Le narrateur de Seul, tel le vent clôt son monologue par cette infime bien réelle lueur d’espoir « J’ai laissé la ville hasardeuse presque comme je l’ai trouvée.Les fleuristes affichant les couleurs du nouveau printemps;Les voix des mères résonnant dans l’espace….Et cette mer, qui tente sans cesse de se renouveler… »
Sirine Achkar ne craint pas d’explorer les coins les plus sombres de notre humanité mais elle sème toujours de petits cailloux sur le chemin de l’espoir.
La pièce, un monologue, Seul, tel le vent sera créée entre Paris et Fribourg en janvier 2023 et sera interprété par Emmanuel Dorand.