Ouarda fait partie de ces militantes féministes qui se battent tous les jours pour trouver un hébergement aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
L’annonce du gouvernement d’attribuer 1000 places d’hébergement supplémentaires ne l’impressionne pas beaucoup car le déficit reste énorme : « Il faut créer un écosystème autour des victimes pour les mettre à l’abri et les accompagne, il faut travailler ensemble, il faut qu’il y ait plus de ressources humaines au niveau des commissariats, des tribunaux et donner davantage de moyens d’agir à l’échelon local ».
Le fléau des violences contre les femmes fait plus de 210 000 victimes en France et, au 17 novembre 2021, on comptabilisait 101 féminicides. Les associations se démènent tous les jours pour faire face à la demande des victimes et parfois à l’urgence de les mettre à l’abri sans délai.
La Maison des femmes de la Seine-Saint-Denis - modèle du genre-, la Maison des femmes de Montreuil, l’Escale à Gennevilliers et Home dans le Val de Marne disposent de leurs propres réseaux d’hébergement mais certaines organisations sont souvent amenées à payer aux victimes des nuitées d’hôtel.
Selon la Fondation des femmes 40% des femmes n’ont aucune offre d’hébergement soit plus de 35 000 femmes en danger. Pourtant tout le monde est d’accord que la décohabitation est souvent la solution pour une mise à l’abri de la victime et éventuellement de ses enfants, d’où la nécessité impérative d’un logement. Mais dans les faits seulement 12% seulement d’entre elles ont une place adaptée.
Ouarda plaide pour « plus d’humanité » et pour un accompagnement adapté « une mère préfère être logée à proximité de sa famille pour être aidée avec ses enfants et bénéficier de leur soutien » car les mères qui ont réussi à quitter le domicile conjugal doivent gérer la scolarité de leurs enfants déjà perturbés par leur histoire familiale. Les militantes connaissent bien le calvaire de ces familles logées par le Samu social (le 115) dans un autre département loin de l’école des enfants et des proches. Ces logements d’urgences pour lesquels elles sont prioritaires, ne permettent pas aux victimes de changer d’établissement ou de lieu de travail lorsqu’elles sont salariées. Parfois elles sont transférées chaque semaine et cela quand elles arrivent à obtenir le 115.Certaines ont vécu des années dans une chambre d’hôtel social avant de bénéficier d’un logement social.
« Il faut créer un écosystème autour des victimes pour les mettre à l’abri et les accompagne, il faut travailler ensemble, il faut qu’il y ait plus de ressources humaines au niveau des commissariats, des tribunaux et donner davantage de moyens d’agir à l’échelon local. »
Home loge actuellement dans ses trois appartements, six femmes et huit enfants et travaille sans relâche avec les plans départementaux et les mairies pour décrocher des logements pérennes. « On utilise aussi les appartements passerelles, explique Ouarda, pour celles qui ne sont pas autonomes et qui doivent être accompagnées dans toutes les étapes de la reconstruction et de l’insertion sociale. C’est pour cette raison que je tiens à la mise en place d’un écosystème autour de la victime parce que l’accompagnement doit être médical, psychologique, juridique, social. »
En effet, les victimes de violences doivent affronter les « inégalités de territoires », la précarité économique et parfois le handicap de la langue pour les migrantes. Une approche globale est donc indispensable pour appréhender cette conjonction de difficultés. C’est du moins le voeu qu’exprime Ouarda dans toutes les instances comme le Grenelle des violences conjugales. Fédéralisme associatif, guichet unique pour le logement social, mutualisation des moyens, formation des fonctionnaires, plus de moyens aux associations et au niveau local, les propositions d’une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences ont toutes déjà été faites aux gouvernements successifs. Certes quelques avancées ont été enregistrées ça et là mais en attendant les associations continuent de réclamer « un milliard » pour la prise en charge des victimes. En attendant aussi, une femme est tuée par son conjoint ou son ex tous les deux jours et demi en moyenne.