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Plaisir sexuel, santé génésique, discrimination… chers lectrices/lecteurs, vous n’avez peut-être jamais exploré ces termes en profondeur ou n’avez peut-être jamais eu le courage d’y penser si vous vivez dans notre monde arabe où l’utilisation du mot « sexe » peut vous causer des ennuis, vous faire fuir ou vous intimider, même s’il s'agit d'un mot simple pour décrire - tout aussi simplement- l’acte naturel. De fait, ces termes font partie d’un même paradigme, celui de la santé sexuelle et reproductive.
Si nous remontons le temps pour analyser les méthodes ou approches choisies pour mieux comprendre ce qui résulte des rapports sexuels entre deux personnes, nous rencontrerons des obstacles éducatifs et sociaux empêchant cette compréhension. Ce que je veux dire ici, c’est que lorsqu’un enfant essaie d’explorer son environnement pour la première fois avec grande curiosité, la plupart des parents se retrouvent à court de mots face à l’éternelle question des enfants : maman, papa, comment vous m’avez-fait, et d’où est-ce que je viens ?
Qu’est-ce que la santé génésique?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé reproductive comme « un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité ; il ne s’agit pas pas simplement de l’absence de maladies, de dysfonctionnements ou d’infirmités. La santé sexuelle fait partie intégrante de la santé publique, et reflète l’état de santé d’une femme ou d'un homme en âge de procréer. » Plus précisément, il s’agit de garantir l’accès aux informations nécessaires pour nous aider à vivre une vie sexuelle sûre, satisfaisante et être en capacité d’éviter les grossesses non planifiées.
« Les lois palestiniennes ont récemment interdit le mariage avant l’âge de 18 ans. C’est une étape positive et constructive sur le relèvement de l’âge légal du mariage au sein de la société palestinienne. »
Le mariage précoce : un ennemi de la santé génésique
Les droits à une vie décente, à la liberté, à la sûreté personnelle, aux soins médicaux et à la liberté de se reproduire ou pas, de se marier ou pas, ainsi que l’accès aux services de santé sexuelle et génésique sont encore loin de se concrétiser comme le sont pourtant d’autres droits reconnus par la loi et revendiqués par de nombreuses organisations internationales dédiées à la santé et aux droits des femmes.
La faible sensibilisation de la société à ces questions, le manque de conviction vis-à-vis de leur importance, ainsi que l’injustice sociétale endémique envers les femmes, conduisent à la pratique de marier de nombreuses filles, y compris en Palestine, à un jeune âge, avant même qu’elles n’aient eu l’opportunité d’explorer leur propres corps et identités.
« Le mariage précoce représente un danger pour la santé génésique car il détruit l’enfance, mais aussi les liens familiaux et sociétaux. Il est particulièrement répandu dans les villes et villages palestiniens, constate Aisha Abu Fara, sage-femme, infirmière et éducatrice en santé qui travaille à la Palestinian Family Planning and Protection Association (Association palestinienne de planification et de protection de la famille).
« Je préfère qu’une femme se marie après l’âge de 20 ans, quand elle est à son apogée en termes de capacités physiques et mentales », déclare-t-elle à Medfeminiswiya. Et d’ajouter : « Les lois palestiniennes ont récemment interdit le mariage avant l’âge de 18 ans. C’est une étape positive et constructive sur le relèvement de l’âge légal du mariage au sein de la société palestinienne qui contribuera à améliorer la santé génésique des femmes palestiniennes »
Cela concerne les hommes autant que les femmes…
Bien que ce soient elles qui nécessitent davantage de ses services, la santé génésique ne se limite pas qu’aux femmes. C’est un concept et une responsabilité partagée que les hommes devraient assumer en raison de leur rôle dans l’acte sexuel et reproductif. Cela les aide à mieux comprendre leurs épouses et leurs cycles [menstruels], les différentes étapes qu’elles traversent et les changements qu’elles ressentent, notamment les bouleversements hormonaux qu’elles vivent pendant la grossesse. Cette prise de conscience permet de les soutenir et de les accompagner.
Dans ce contexte « la sensibilisation est le mot clé, explique Azhar Ghazzawi, spécialiste en pédagogie, le soutien des hommes à leur femme et à leur famille aide à éliminer de nombreux obstacles qui découlent de la combinaison de différents facteurs psychologiques, sociaux, économiques et religieux. Il est fondamental que l’homme soit sensibilisé pour créer un environnement propice à la bonne santé reproductive physique et mentale du couple, et atteindre l’objectif d’un milieu familial sain. »
« La construction de cette prise de conscience exige que l’âge du mariage pour les deux parties soit approprié pour leur permettre d’assumer leurs responsabilités. Il est donc important d’éviter le mariage précoce qui détruit tous les fondements sociaux car il est la principale cause de la désintégration de la famille et du retard de la société à prendre conscience de l’importance de la santé sexuelle et reproductive, poursuit Ghazzawi. »
La sensibilisation des hommes à ces questions est également indispensable au sein de la société palestinienne parce qu’elle leur permet de comprendre que les femmes (chacune selon ses propres besoins et expériences) ont besoin de temps pour se remettre de l’expérience éprouvante de la grossesse, de l’accouchement et de tous les changements physiologiques, mentaux et sociétaux qui l’accompagnent. Il faut également qu’ils soient informés de la possible dépression post-partum, qui touche de nombreuses femmes, afin de soutenir leurs partenaires si elles sont amenées à traverser cette expérience.
En outre, les hommes qui s’éduquent pourront aider leurs compagnes à relever les défis auxquels elles sont confrontées au sein d’une société patriarcale, régie par des traditions et des coutumes principalement centrées sur l’oppression des femmes et sur leur rôle de « machine reproductrice » censée répondre aux besoins de leur milieu.
“Les hommes qui s’éduquent les aideront à relever les défis au sein d’une société patriarcale régie par des traditions et des coutumes principalement centrées sur l’oppression des femmes et sur leur rôle de « machine reproductrice ».
Santé génésique et femmes actives
Malgré le développement technologique et scientifique continu et la participation accrue des femmes au marché du travail à l’échelle internationale, les sociétés patriarcales telles que la société palestinienne, restent stagnantes par rapport à un large éventail de droits et de lois qui n’ont toujours pas été adoptées.
Les femmes en Palestine ont encore un long chemin à parcourir pour obtenir leurs droits à l’égalité et pour surmonter leur faible participation dans les différents domaines de la vie sociale, en particulier sur le marché du travail. Selon une enquête menée par le Bureau central palestinien des statistiques en 2020, la participation des femmes en Palestine représente seulement 16 % du nombre total de femmes ayant l’âge légal de travailler.
Pourtant, le travail contribue largement à la santé reproductive holistique des femmes. La plupart des femmes actives avec lesquelles nous avons parlé sont conscientes de l’importance de planifier et d’espacer les grossesses et ont tendance à recourir à la planification familiale et à recevoir les soins médicaux et les conseils psychologiques nécessaires, contrairement aux nombreuses femmes qui ne sont pas indépendantes financièrement.
Généralement, le fait d’avoir un travail donne aux femmes le sentiment de pouvoir se suffire à elles-mêmes, de contribuer à leur propre épanouissement, à leurs ambitions et à leur société. Elles acquièrent confiance en elles, ce qui impacte positivement leur bien-être mental, et par conséquent, leur santé reproductive et leur capacité à déconstruire les mécanismes de la société patriarcale. Tout cela contribue sans nul doute à l’amélioration de la santé en général.
Conditions requises pour la santé génésique
La santé génésique nous incite donc à réfléchir aux moyens d’avoir accès à tous les segments de la société. La plupart des experts conviennent que la diffusion de l’éducation sexuelle est une priorité absolue. Tout d’abord, les adultes doivent être en mesure de fournir des réponses claires aux enfants lorsqu’ils posent des questions sur leur corps et la façon dont ils sont venus au monde. C’est pourquoi des programmes d’éducation sexuelle doivent être introduits au sein de l’école, de l’université et des communautés locales. Matière scientifique, ces programmes seront également un accompagnement humain contribuant à une société plus heureuse.