Roya Karimi, athlète afghane : « La découverte du bodybuilding a complètement changé ma vie »

À seulement 29 ans, la sportive afghane Roya Karimi est l’espoir des femmes et des filles de son pays. Sacrée championne de bodybuilding au championnat Norway Classic, la jeune réfugiée s’est battue pour réaliser son rêve, mais aussi pour briser les stéréotypes et défendre la liberté des femmes afghanes à travers le sport.

Image principale: Roya Karimi a été sacrée championne du championnat de bodybuilding Norway Classic le 12 avril 2025. Crédits : courtoisie de Roya Karimi.

En 2025, c’est une réfugiée afghane qui a remporté le prestigieux championnat de bodybuilding Norway Classic. À 29 ans, Roya Karimi est sacrée championne d’une des compétitions majeures en Europe du Nord, réunissant des athlètes de toute la région scandinave. Avec cette victoire, l’athlète a écrit une nouvelle page de l’Histoire, pour elle et pour toutes les femmes afghanes, encore enchaînées par les traditions.

Réfugiée en Norvège, Roya Karimi a non seulement réalisé un rêve de longue date, mais aussi brisé les tabous qui l’empêchaient de briller dans le culturisme. Avant le Norway Classic, elle a remporté la médaille d’or dans la catégorie « Wellness » lors de la compétition norvégienne Støperiet Open. Dans les compétitions de bodybuilding, cette catégorie met particulièrement l’accent sur la forme physique naturelle, l’apparence saine et une beauté sans exagération.
En Afghanistan, où être une femme est en soi considéré comme une faute, le sport n’est ni un loisir ni un choix, mais un acte de courage et de lutte. Dans un tel contexte, Roya Karimi n’a pas seulement repris possession de son corps, elle en a fait un outil de résistance, de protestation et d’espoir.

Du mariage forcé à Kaboul à la victoire en Norvège

À l’âge de quatorze ans, alors qu’elle vivait encore en Afghanistan, la future championne a été forcée de se marier à un homme venant d’une famille très religieuse. Elle raconte s’être sentie comme une prisonnière des cadres religieux et traditionnels : « Je vivais dans une des chambres du sous-sol dont les fenêtres étaient couvertes de journaux, par peur que les autres hommes de la famille ne me voient. »

Pour elle, vivre entre ces quatre murs, privée de tous ses droits, était insupportable. « Avec des ailes qui m’ont été coupées et dont il ne restait que des blessures, j’aurais voulu reprendre mon envol et m’élever vers les hauteurs du ciel », confie la championne.

Roya Karimi a été sacrée championne de la compétition Stoperiet Open 2025 le 5 avril 2025. Crédits : courtoisie de Roya Karimi.

Elle a alors pris la décision de commencer une nouvelle vie, malgré les difficultés qui s’annonçaient, en commençant par militer contre le mariage des enfants. Mais elle a fini par se résigner et a décidé de quitter l’Afghanistan pour toujours. En 2011, elle a fui son pays avec sa mère et son fils. Migrer par la voie clandestine a été périlleux et l’a obligé à marcher pendant de longues nuits à travers les forêts avec de nombreuses autres personnes venant de différents pays. « Le jour, il fallait se cacher des gardes-frontières pour éviter d’être renvoyés ou arrêtés. Il y avait aussi des jours où je devais rester à jeun, afin que la petite quantité de nourriture que j’avais suffise pour mon fils et ma mère. Je devais rester forte, pour les deux », témoigne-t-elle.

Roya était une jeune mère en situation de vulnérabilité, vivant dans des conditions critiques en Afghanistan, ce qui rendait tout retour dans son pays impossible. Comme beaucoup d’autres réfugiés, cette femme afghane a dû faire face à de nombreux défis au début de son immigration, notamment l’apprentissage de la langue, la découverte d’une nouvelle culture et la recherche d’un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille.

En 2011, après avoir franchi maintes étapes difficiles, elle est finalement arrivée en Norvège et a déposé une demande d’asile, qu'elle a obtenue.

L’amour du sport et le regard des gens

Roya avait toujours rêvé d’aller à la salle de sport quand elle vivait en Afghanistan, mais c’était impossible pour elle. « Mon mari ne croyait pas à la liberté des femmes et pensait que la femme devait rester à la maison, s’occuper de la cuisine et du foyer. Cela a été le plus grand obstacle à ma passion et à mon amour pour le sport », déplore-t-elle. Une fois arrivée en Norvège, elle a été très surprise de voir qu’aller à la salle de sport était normal pour les femmes comme pour les hommes.

« Le jour, il fallait se cacher des gardes-frontières pour éviter d’être renvoyés ou arrêtés. Il y avait aussi des jours où je devais rester à jeun, afin que la petite quantité de nourriture que j’avais suffise pour mon fils et ma mère. Je devais rester forte, pour les deux »

La fréquentation des salles de sport n’était pas pour elle un simple entraînement physique, c’était un chemin pour retrouver la confiance en soi et son identité personnelle. « La découverte du bodybuilding a complètement changé ma vie. Ce sport m’a aidé à retrouver confiance en moi et à me libérer des contraintes qui m’avaient enfermée pendant longtemps », ajoute la championne.

Roya a participé à la compétition Norway Classic 2025 avec une tenue sportive conforme aux standards, avec un bikini vert brillant décoré de cristaux étincelants. Sa peau était bronzée, pour mieux faire ressortir ses lignes musculaires. Ses cheveux méchés et son maquillage avaient également été réalisés selon les standards des compétitions.

Mais cette tenue a été fortement critiquée par de nombreux hommes afghans sur les réseaux sociaux, qui ont qualifié cette apparence d’extrêmement inappropriée et l’ont considérée comme une honte pour les femmes.

Malgré tout elle a poursuivi ses efforts sans prêter attention à ces réactions, afin de devenir un modèle pour les femmes et les filles afghanes vivant sous le régime des talibans.

La situation des sportives en Afghanistan

L’Afghanistan d’aujourd’hui est devenu pour beaucoup de femmes un cimetière de rêves. Car c’est un pays où le mariage des enfants est courant, où les femmes n’ont aucune liberté de choisir et où celles qui résistent sont torturées ou lapidées par les talibans. Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, toutes les portes des stades, en particulier des salles de musculation, ont été interdites pour les femmes. « Chaque fois que j’entre dans une salle de sport, je me rappelle qu’autrefois je n’avais même pas le droit de faire du sport librement », partage Roya.

Si elle s’estime chanceuse d’avoir pu s’enfuir, elle sait que ce n’est pas le cas pour toutes les femmes. À des milliers de kilomètres, la sportive reste « profondément préoccupée par la situation des femmes afghanes », depuis le retour des talibans. « Les femmes afghanes sont victimes à la fois de la guerre et d’un système patriarcal qui les emprisonne. Elles sont constamment privées de la vie paisible et de la liberté qu’elles méritent », se désole-t-elle.

Face à cette situation alarmante, Roya est déterminée à poursuivre sa carrière.

Elle se prépare désormais pour les championnats européens. Les souvenirs des difficultés de sa vie, notamment le mariage forcé qu’elle a surmonté, la poussent à poursuivre son combat pour briser les stéréotypes et inspirer ses compatriotes.

Cette enquête a été réalisée grâce au soutien de l’AGEE - Alliance pour l'Égalité de Genre en Europe.

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