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Par Rola Abou Hashem - journaliste et correspondante de "Radio Nisaa FM" à Gaza, Palestine.
Des lettres sous les bombes : samedi 28 octobre… Que fera encore Israël, que fera-t-il de plus que ce qu’il a déjà fait ?
C’est la troisième semaine de l’agression contre Gaza. Elle entre dans son 21ème jour et il n’y a aucun signe qui pourraient appeler à l’optimisme ou à l’espoir que nous reviendrons bientôt à une situation de calme.
Nous suivons l’actualité ici et là, par le biais de chaînes sur la radio FM auxquelles nous avons accès difficilement, et lorsque nous y parvenons, c’est toujours pour une courte durée. Imaginez... nous suivons maintenant les chaînes satellites sur des radios à piles. Puisque nous sommes privés de notre droit à l’électricité depuis le début de l’agression.
Les sources de ces chaînes affirment que des négociations et des discussions sont en cours pour parvenir à un accord de cessez-le-feu. Mais la réalité sur le terrain dit le contraire. Les bruits des raids violents et des explosions massives autour de nous sont plus forts que tout.
Nouveau massacre dans le camp de réfugiés d’al-Shati, à l’ouest de la ville de Gaza, plus précisément au milieu de la rue Hamid, très peuplée. Les avions d’occupation ont lancé plusieurs raids sur un quartier résidentiel de la zone et ont détruit un grand nombre de maisons avec leurs habitants qui se trouvaient encore à l’intérieur.
Avec beaucoup de difficulté, les équipes de la défense civile ont pu récupérer 42 martyrs et des dizaines de blessés. De nombreuses autres personnes sont restées sous les décombres… L’ampleur de la destruction est effrayante, mais ce n’est certainement pas la première fois que nous assistons à ce type de destruction depuis le début de l’agression.
Nous espérions que ce serait une semaine bénie avec un peu de calme et de tranquillité, mais la brutalité de l’occupation et son appétit insatiable pour le meurtre et la destruction en ont fait tout le contraire. Les choses ont empiré et se sont compliquées lorsque l’occupation a coupé Internet et les communications dans tous les gouvernorats de la bande de Gaza.
Au début, nous n’avons pas compris ce qui se passait. Notre première impression a été qu’il s’agissait d’une perturbation temporaire dans notre voisinage immédiat, qui n’affectait que notre famille. Nous avons essayé de redémarrer nos téléphones et de vérifier si la connexion était rétablie. Mais rien ne changeait. Au fur et à mesure que la situation s’éternisait, nous avons perdu espoir et commencé à soupçonner l’occupation d’être à l’origine de cette énième privation étouffante.
Nos soupçons se sont rapidement confirmés lorsque les faits nous sont parvenus : « L’occupation a coupé Internet et les communications dans tous les gouvernorats de la bande de Gaza. » Une nouvelle forme de punition collective que les forces d’occupation appliquent aux Gazaouis.
Pour l’amour de Dieu, que veut encore nous faire l’ennemi, que veut-il de plus que ce qu’il nous a déjà fait ?
Y-a-t-il d’autres façons de tuer et de bombarder qu’il veut essayer sur nous sans le dire au monde ? Sans que personne n’entende le son de nos pleurs ?
« Comme il est horrible de sentir que l’on peut mourir et quitter ce monde sans que personne ne le sache… sans même pouvoir appeler à l’aide »
Des lettres sous les bombes : dimanche 29 octobre… « Mieux vaut du bien que rien »
Pouvons-nous dire que la terreur continue que nous avons ressentie tout au long de cette guerre est une chose, mais la peur que nous avons éprouvée au cours des 34 dernières heures est en soit incommensurable ? Ces heures durant lesquelles l’occupation a isolé les habitants de Gaza les uns des autres et du monde ?
L’interruption de l’Internet et du réseau de communication a été une très mauvaise expérience. C’est aussi une source d’inquiétude supplémentaire, compte tenu de la poursuite des raids israéliens et de l’intensité des bombardements qui n’ont pas diminué.
Il est vrai que nous avons dû faire face à un réseau Internet et de communication médiocre depuis le début de l’agression, car l’occupation a détruit le siège de la société de télécommunications de Gaza. Mais nous nous étions consolés en disant : « c’est mieux que rien du tout ». Mais maintenant que nous avons subi une coupure totale des communications, cela signifie que nous devons faire face à une nouvelle complication dans nos vies qui ont déjà été pleines d’obstacles et de défis au cours de ces vingt-deux jours.
Ce fut l’une des nuits les plus terrifiantes et les plus effrayantes. Je n’ai pas pu dormir de la nuit, et le peu de sommeil que j’ai pu avoir était peuplé de cauchemars… J’avais l’impression que la maison avait été bombardée, que j’étais sous les décombres et que je ne pouvais pas appeler la défense civile ou une ambulance pour venir nous sauver.
Ce scénario auquel nous ne cessons de penser nous hante à chaque instant. C’est étouffant !
Comme c’est horrible de sentir que l’on peut mourir et quitter ce monde sans que personne ne le sache… sans même pouvoir appeler à l’aide… alors que personne dans notre entourage ne peut contacter une ambulance ou la défense civile pour récupérer nos corps ou tenter de nous sauver s’il y a encore une chance que nous survivions.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous d’être privés de tous ces biens fondamentaux ?
Ma mère et moi n’avons pas pu contacter ma sœur qui vit dans le camp de Jabaliya, au nord de Gaza, un point chaud depuis des jours. Nous n’avons pas pu contacter mon autre sœur qui vit à Khan Younis avec sa famille. Je n’ai pas réussi non plus à contacter mes amis qui sont restés à Gaza et n’ont pas pu quitter leur maison.
Depuis que tout cela a commencé, nous avons pris l’habitude de commencer nos matinées par les mêmes courts messages à tous nos proches : Tu es vivant ?/ Tu vas bien ?/ Dis-nous comment tu vas… voilà à quoi se réduit la communication entre les habitants de Gaza : à de simples messages. Il n’y a pas de place pour les appels, pas de temps pour rattraper le temps perdu.
Il y a des familles dont la routine du groupe WhatsApp du matin consiste désormais à ce qu’une personne, qui parfois vit à l’étranger, demande au reste de sa famille à Gaza s’ils vont bien, c’est-à-dire s’ils sont toujours en vie.
Toutes ces petites choses sont devenues insupportables. Et l’occupation continue de nous tuer et de détruire nos maisons. C’est comme si elle voulait que nous partions en silence, sans que personne n’entende le vacarme du destin qui nous est réservé.