Femmes et ruralité en Méditerranée

Medfeminiswiya dédie ce dossier aux grandes oubliées du monde rural, à ces femmes et ces filles trop souvent privées de droits fondamentaux et de sécurité, à toutes celles qui vivent dans les campagnes -parfois les plus reculées- et cultivent à la force du poignet et de leurs dos courbés les vastes jardins nourriciers de la Méditerranée.

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Ces reportages nous conduisent dans 6 pays. Au Maroc, tout d’abord, où des jeunes filles racontent comment elles affrontent la précarité menstruelle, cachant avec des moyens de fortune ce sang qui les rattrape chaque mois dans des contrées où les règles -véritable tabou- sont encore frappées de honte. Certaines filles, rapporte Lina Meskine, ont vécu la malencontreuse apparition d’une tache de sang sur leur vêtement de manière traumatique, allant parfois jusqu’à abandonner leur scolarité. Cependant sur le terrain des associations féministes s’engagent pour changer les mentalités.

Nous poursuivons cette traversée de la ruralité en Tunisie aux côtés d’Olfa belhassine partie à la rencontre des ouvrières agricoles de la région de Régueb. Le courage de ces femmes laisse pantois. Elles qui se lèvent chaque jour à l’aube pour aller travailler au péril de leur vie tant leur transport dans « les camions de la mort » vers les champs d’oliviers est dangereux. Et tandis que les hommes désertent l’agriculture et qu’elles sont payées moitié de ce qu’ils empochent, ce sont elles qui garantissent, malgré des conditions de travail révoltantes, la sécurité alimentaire du pays et de leurs familles.

Dans les plantations de tabac du sud Liban la situation n’est guère plus réjouissante puisque les droits fondamentaux des saisonnières y sont triplement mis à mal : surexploitation de la main d’œuvre féminine (y compris celles des réfugiées syriennes), mineures corvéables à merci, violences sexuelles scellent la combinaison de tous les abus orchestrés par un patriarcat appartenant au siècle dernier et à la collusion entre politique et monopole tabacole. « En faire un tabac lui coûterait la vie » titre son article, non sans sarcasme, Rana Khoury.  Il y est question de Layla doublement abusée pas ses violeurs et par la condamnation paternelle.

Les femmes migrantes doivent tout particulièrement faire face à l’oppression et à la maltraitance en milieu rural. Loin de concerner seulement la rive sud de la Méditerranée, ce phénomène se vérifie aussi en Espagne comme le raconte Fabiola Barranco. Ainsi pour la punir d’avoir dénoncé les conditions non réglementaires des ouvrières agricoles de Huelva en Andalousie, Ana a été intégrée d’office dans le groupe des travailleuses marocaines. Au lieu de l’anéantir, cette sanction s’est transformée en amitié et en lutte féministe et antiraciste pour la défense des droits des journalières de toutes origines.

Solidarité, sororité, entraide, récits, rires et humour tissent les liens de ces femmes pour qui la ruralité est à la fois le « lieu de leur aliénation et de leur émancipation ». Car loin des scénarios larmoyants, ces forces féminines ont en partage une relation étroite à la terre. Tel est le cas des nombreuses femmes qui ont investi le monde rural : « élevage, apiculture, micro-entreprises d’artisanat, les projets développés par les femmes ne sont plus un fait rare » nous explique Ghania Khelifi dans le portrait qu’elle consacre à Atika, agricultrice algérienne hors pair.

Amour de la nature, soif d’indépendance et de liberté ont façonné le cheminement des bergères italiennes dont Federica Araco se fait l’écho dans ce dossier. Des Alpes à l’Aspromonte, en passant par la Sardaigne et la Sicile, nous sillonnons les pâturages où ces femmes ont décidé de vivre parfois envers et contre tout. A l’instar de Rossella qui vit sur un éperon rocheux en Calabre grécanique, elles partagent toutes le même désir d’un rapport plus respectueux aux animaux et à l’environnement ainsi qu’un mode de vie simple fondé sur l’essentiel, comme l’incarnation d’un écoféminisme bien réel.

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