Le 8 mars : avant, pendant et après...Pour un combat féministe pérenne

Il est clair que la prise de conscience féministe et le combat des jeunes femmes contre le patriarcat ne se limitent pas au 8 mars. C’est pourquoi cette date se vit, se pense, se mûrit, et se prépare bien en amont pour se poursuivre après. C’est ce que viennent de nous prouver les étudiantes inscrites à la faculté de physique de la « Sapienza » à Rome, la principale université italienne et la plus grande d’Europe.

Pendant plusieurs mois, elles ont enregistré les remarques et les attitudes misogynes de leurs pairs -inscrits comme elles en physique-, mais surtout celles de leurs professeurs. Ainsi à l’occasion du 8 mars, elles ont reporté minutieusement sur des panneaux les propos sexistes qu’elles ont dû encaisser durant des mois, et les ont accrochés dans l’enceinte de leur département.

« Je continue à ne pas comprendre la raison pour laquelle, vous les filles, vous continuez à vous inscrire en physique » ; « Je te pose une question faite exprès pour une fille » ; « Je pensais qu’étant des filles vous garderiez ce laboratoire plus propre » ; « Vu tes travaux (leur qualité, ndrl), je m’attendais à ce que tu sois un garçon » ; « Une question facile pour vous mademoiselle » ; « Va faire la secrétaire », ... Voici quelques exemples sortis tout droit de l’obscurantisme qui plane sur la communauté scientifique de la Sapienza.

La stupidité pétrie de stéréotypes de genre qu’exprime ce florilège de citations semble, en effet, dater de l’époque pré-Me too, et plus précisément de la même année que la fondation de cette prestigieuse université : 1303.

Toutefois, au contraire de se sentir mal à l’aise ou gênés par la diffusion de leur « bons mots », certains des professeurs qui les ont proférées ont été vus en train de rire devant ces inscriptions : « ça c’est toi qui l’as dit, non ? » demandait un enseignant à un de ces confrères, en affichant un large sourire ironique sur sa niaiserie.

Traduction : « Je continue à ne pas comprendre la raison pour laquelle, vous, les filles, vous continuez à vous inscrire en physique » (propos tenus par un professeur). Panneau exposé à la Sapienza le 8 mars.

Le problème, c’est que ces lieux communs sexistes sont accompagnés dans les faits quotidiens par des « attitudes et des regards inappropriés » de la part de certains professeurs. Ainsi, au cours des dernières semaines, des centaines de témoignages d’étudiantes ont émergé pour dire à quel point elles se sentent peu en sécurité au sein de leur université.

Malheureusement, ce triste tableau reflète la réalité des facultés de STIM (Sciences , Technologie, Ingénierie et Mathématiques) dans les pays occidentaux où la présence féminine est encore nettement sous-représentée. Les membres du corps enseignant masculin, qui discriminent et insultent tout au long de leur parcours universitaire leurs étudiantes à la faculté de physique de la Sapienza au lieu de les soutenir dans leur apprentissage, pensent sans doute que les femmes sont, de manière innée, inaptes aux matières scientifiques.

Cette vision moyenâgeuse, bornée et préconçue est démentie au niveau planétaire pas des données précises. Ainsi dans de nombreux pays tels que l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan, ou encore l’Arabie Saoudite, la Malaisie ou Oman, les femmes sont investies presqu’à égalité que les hommes dans les disciplines scientifiques (1). Plusieurs études ont d’ailleurs démontré qu’il n’y a aucune différence au niveau des compétences logico-computationnelles entre filles et garçons jusqu’à l’âge de 12/13 ans.

Traduction : « Vu tes travaux je m’attendais à ce que tu sois un garçon » (propos tenus par un professeur). Panneau exposé à la Sapienza le 8 mars.

C’est après que les choses se gâtent : « Les filles commencent à perdre confiance en elles parce qu’elles vivent dans des contextes où elles reçoivent, souvent inconsciemment, de la part de leurs parents et de leurs enseignants, des commentaires d’approbation ou de rejet concernant leur compétences », note Camilla Gaiaschi, chercheuse au centre de recherches GENDERS de l’Université de Milan (2). Il en va de même avec les attentes liées au genre qui influencent nos préférences et nos comportements face aux apprentissages.

« On ne nait pas femmes... », nous a appris Simone de Beauvoir. On ne nait pas scientifiques non plus, on peut le devenir quel que soit notre genre et quoi qu’en pensent ces gentils messieurs de la Sapienza.

(1) Lire sur cette question l’article de Federica Araco paru dans Medfeminiswa : « Les femmes et la science : une histoire d’exclusion et de sous-représentation ».
(2) Federica Araco, idem.
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