Féminicide en Croatie : trois meurtres ont choqué la nation

En trois mois seulement, trois femmes ont été assassinées en Croatie, dont deux en public. Les données de 2021 révèlent 14 meurtres de femmes enregistrés, dont 11 cas impliquant un agresseur proche de la victime…

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Écrit par Petra Klarić - Journaliste croate

Alors qu’elle empilait des étagères dans un supermarché de la ville côtière de Split par un mois de décembre glacial, une vendeuse de 44 ans a été agressée par son ex-partenaire. Selon le rapport de police, il a d’abord agressé verbalement la victime en l’accusant de ne pas lui permettre de voir son enfant. Il l’a ensuite agressée avec une arme tranchante. La femme a été poignardée 15 fois. Bien qu’elle ait été immédiatement transportée à l’hôpital, elle est décédée peu après l'attaque.

Moins d’un mois plus tard et à quelque 300 kilomètres au nord du pays, dans la ville portuaire de Rijeka, une femme de 67 ans prenait un café avec un homme de 36 ans. Soudain, il l’a plaquée au sol et s’est jeté sur elle férocement. La femme a succombé à ces coups sur la tête et sur le corps.

À la mi-février, la petite ville insulaire de Vela Luka a été profondément bouleversée par le meurtre de leur concitoyenne. Dans leur maison familiale, un homme de 34 ans a tué sa mère.

Les 4 millions de citoyen.ne.s croates, selon le dernier recensement, ont été choqué.e.s par ces meurtres, dont deux commis en public. Ce sont des exemples clairs de féminicides, bien que la législation croate ne prenne pas en considération ce terme par une quelconque loi.

L’OMS définit le féminicide comme l’homicide volontaire d’une femme, mais une définition plus large du terme inclut tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes. Selon l’OMS, le féminicide est généralement commis par des hommes, souvent des personnes proches de la victime avec qui elle avait une relation intime. Le féminicide implique généralement des antécédents de violence domestique, d’intimidation, d’abus sexuel et d’autres situations où l’agresseur a plus de pouvoir et de ressources que la femme.

A l’inverse du reste de l’UE, la Croatie ne reconnaît pas le féminicide. Malgré la résolution sur le féminicide adoptée par le Parlement européen en 2015, le code pénal croate ne reconnaît pas le terme féminicide, pas plus que les lois prévues par les autres États membres de l’UE pour combattre ce fléau. Cela rend difficile le bon suivi des données sur les féminicides et les actions de sensibilisation pour prévenir la plus grave des formes de violence sexiste.

Selon le ministère de l’Intérieur, en janvier 2022, trois cas de meurtres de femmes ont été enregistrés en Croatie, dont l’un a été commis par une personne proche de la victime. Les données de 2021 font état de 14 meurtres de femmes enregistrés, dont 11 cas impliquant un agresseur proche de la victime, dont un partenaire hors mariage et un ex-partenaire hors mariage.

Le dernier cas de féminicide médiatisé en Croatie a eu lieu dans la petite ville de Vela Luka sur l'île de Korčula. Dans cette affaire, un homme de 34 ans a poignardé sa mère à mort dans leur maison familiale. Selon les habitants, l’auteur du meurtre était, les jours précédant l’homicide, dans un état mental et physique déplorable. Nous avons appris du département de police de Dubrovnik-Neretva que la mère avait déjà signalé son fils à la police à plusieurs reprises.

Malgré la résolution sur le féminicide adoptée par le Parlement européen en 2015, le code pénal croate ne reconnaît pas le terme féminicide.

Le deuxième cas a eu lieu quelques jours plus tôt dans la ville de Rijeka lorsqu’un homme de 36 ans a attaqué une femme de 67 ans avec qui il était assis dans un café en centre-ville. Un serveur et d’autres clients du café ont été témoins de cet homicide brutal. Un enregistrement vidéo du meurtre a ensuite été publié dans les médias, ce qui viole les codes d’éthique journalistique et expose inutilement la victime.

Un autre cas de féminicide s’est produit en novembre. Un ex-conjoint a attaqué une femme sur son lieu de travail. Elle était vendeuse chez Lidl. L’homme s’est approché de la victime, l’a d'abord agressée verbalement. Il l’a ensuite attaquée avec une arme tranchante. De nombreux clients qui se trouvaient dans le magasin cet après-midi-là ont été témoins de l'événement. L’agresseur n'était pas connu des services de police.

Cependant, que peut-on faire pour prévenir ou au moins minimiser non seulement le féminicide mais aussi d’autres formes de violence sexiste ? Il faudrait sensibiliser davantage le public à ces questions, prévoir en encadrement juridique plus clair, mais aussi améliorer l’application des lois afin de prévenir les violences qui précèdent le plus souvent le féminicide sur le long terme.

Mirjana Kučer

Mirjana Kučer de l’ONG Domine, qui lutte pour les droits des femmes, estime que le public devrait être mieux informé sur le féminicide. 

« Le féminicide en tant que tel nest pas suffisamment reconnu en Croatie. Nous n’avons développé que récemment des programmes de surveillance, au niveau national, pour prévenir les féminicides. Je dirais que depuis le meurtre de cette femme dans un centre commercial à Split, le sujet est devenu plus présent dans les médias », a déclaré Kučer, ajoutant qu’il s’agissait toutefois d’un pas en avant dans la compréhension du problème social posé par la violence masculine à l’égard des femmes. 

Mirjana Kučer de l’ONG Domine, qui lutte pour les droits des femmes, estime que le public devrait être mieux informé sur le féminicide. 

« Le féminicide en tant que tel nest pas suffisamment reconnu en Croatie. Nous n’avons développé que récemment des programmes de surveillance, au niveau national, pour prévenir les féminicides. Je dirais que depuis le meurtre de cette femme dans un centre commercial à Split, le sujet est devenu plus présent dans les médias », a déclaré Kučer, ajoutant qu’il s’agissait toutefois d’un pas en avant dans la compréhension du problème social posé par la violence masculine à l’égard des femmes. 

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