Droits sexuels et reproductifs en Méditerranée, un bilan inquiétant

Alors que le monde s’apprête à célébrer, le 28 septembre, la journée pour l’avortement libre et sécurisé, nous publions un vaste dossier sur les droits sexuels et reproductifs. Pour le réaliser, les journalistes de Medfeminiswiya ont enquêté en Algérie, Egypte, Italie, Palestine, Turquie, au Liban et au Maroc ainsi qu’à Malte, pays où ces droits fondamentaux sont loin d’être acquis ou demeurent, lorsqu’ils le sont, bien fragiles.

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Entre négations, avancées et régressions, la situation des droits sexuels et reproductifs en Méditerranée présente un bilan inquiétant. Côté rive sud tout d’abord : comme le pointe le réseau Rawsa MENA auquel nous consacrons un article, seule la Tunisie autorise l’avortement sans risque, ce qui explique pourquoi au niveau régional, de nombreuses femmes meurent chaque année suite à des complications qui surviennent dans les pays où l’avortement est interdit. Les témoignages des jeunes étudiantes algériennes recueillis par Ghania Khelifi nous rappellent la cruauté, la solitude et les risques qu’encourent les femmes à se débrouiller seules dans l’illégalité pour interrompre leur grossesse non désirée.

Photo myeurop.info

Si l’Interruption Volontaire de Grossesse est largement autorisée en Europe du sud, elle est encore interdite et sévèrement pénalisée dans plusieurs pays dont Malte où, écrit Helena Grech, la loi criminalise à la fois les femmes et les médecins. En revanche, en Italie où l’avortement est légal depuis 1978, de plus en plus de gynécologues font valoir la clause de conscience pour légitimer leur refus de le pratiquer. Ainsi, la moyenne nationale des objecteurs de conscience atteint 70%, signale dans son article Monica Lanfranco. Le scénario est encore pire en Turquie :  bien que l’avortement y soit légal depuis 1983, son accès est semé d’embûches. « En 2015, écrit Övgü Pinar, quand des militantes de Purple Roof, un foyer pour femmes, ont appelé les hôpitaux publics d’Istanbul pour leur demander s’ils pratiquaient des avortements, moins d’un dixième d’entre eux ont répondu positivement. » D’ailleurs le président Recep Tayyip Erdoğan n’a-t-il pas clamé haut et fort qu’il considérait «l'avortement comme un meurtre».

L’application des droits sexuels et reproductifs n’est jamais neutre constate la journaliste libanaise Caline Nasrallah. Dans son article « Contrôle des naissances, droit ou stratégie politique ? », elle s’interroge sur l’usage discriminatoire qu’en fait le gouvernement quand il s’en sert pour limiter les naissances au sein de groupes minoritaires, stigmatisés et indésirables (Palestiniennes, Syriennes, immigrées, etc.). A l’inverse pour les Libanaises, l’avortement sécurisé est absolument interdit.

Plus généralement, Federica Araco démontre comment les logiques patriarcales façonnent les mentalités et les comportements vis à vis des femmes qui choisissent de ne pas procréer. Ne pas avoir d’enfant attire une réprobation largement intériorisée socialement, explique-t-elle, en se référant à plusieurs exemples édifiants.

Le droit des femmes à disposer de leur corps, ce serait donc, pour chacune d’entre nous, avoir une sexualité épanouie, contrôler sa fécondité grâce à un accès facilité aux diverses méthodes contraceptives, et, le moment venu -si l’on en fait le choix-, vivre une grossesse et un accouchement sécurisé et harmonieux en bénéficiant d’un accompagnement et de soins respectueux de la parturiente.

Or, comme nous le raconte Lina Asif dans son reportage sur les sages-femmes en milieu rural au Maroc, l’éloignement des centres urbains exposent encore trop souvent les femmes enceintes à un isolement et à des risques qui pourraient être évités si la profession des sages-femmes y étaient mieux reconnue et valorisée.

UNFPA MAROC

Les violences obstétricales sont également au cœur de ce dossier. En Egypte, Marianne Roux analyse l’augmentation exponentielle et injustifiée des césariennes sur tout le territoire national. Un phénomène qui concerne aussi l’Italie où 1 femmes sur 3 accouche par césarienne. Notre journaliste raconte également comment les Italiennes s’organisent pour dénoncer les mauvais traitements dont elles sont victimes durant le travail.

Enfin nous rappelle Rama Youssef, il ne saurait y avoir de santé génésique en Palestine sans une participation responsable des hommes. Leur méconnaissance des grandes métamorphoses, que connaissent les femmes dans leur corps et leur psychisme tout au long de leur vie, est un fait que seuls de solides programmes d’éducation sexuelle pourront contrecarrer.

Un message qui s’applique sans nul doute au reste du monde où le corps de la femme et son pouvoir reproductif demeure un enjeu de taille.

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