Gina Amini dénonce « la morale » du régime iranien

La police des « mœurs », la police de la « vertu », la police « sharaïque » ou la police de « guidance » ...Telles sont les déclinaisons servant à désigner d’impressionnantes équipes et patrouilles de sécurité dont les membres surveillent l’habillement de millions de filles et de femmes dans les rues et dans les services publics en Iran.

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La police des « mœurs », la police de la « vertu », la police « sharaïque » ou la police  de « guidance » ...Telles sont les déclinaisons servant à désigner d’impressionnantes équipes et patrouilles de sécurité dont les membres surveillent l’habillement de millions de filles et de femmes dans les rues et dans les services publics en Iran. Leur mission est de s'assurer qu’elles respectent ce que la république décrit comme la tenue légale complète imposée après la « Révolution islamique » de 1979.

En vertu des lois sur le voile obligatoire en vigueur en Iran, les femmes et les filles,  dès l’âge de sept ans, sont obligées de porter le « voile légal » pour couvrir leurs cheveux - qu'elles le veuillent ou pas. Soumises à une surveillance constante de la part de la police des « mœurs », elles sont traitées comme des criminelles au moindre écart par rapport à la tenue règlementaire. Ainsi risquent-elles l'arrestation, la flagellation, le matraquage, les gifles, les coups de pied ou tout cela à la fois.

Gina Amini ou Mahsa Amini, selon le nom persan était une jeune fille kurde de 22 ans, originaire de la ville de Saqez dans l'est du Kurdistan (ouest de l'Iran). Elle a été arrêtée et battue par la police des mœurs lors d’un voyage touristique avec sa famille à Téhéran en septembre 2022. La police lui reproche de porter le voile d’une manière négligente donc « illégale » selon leur conception. 

Quelques heures après son arrestation à Téhéran, elle est emmenée à l'hôpital de Kisra où, suite à des tortures, elle tombe dans le coma et succombe à ses blessures. La police iranienne a tenté de s'absoudre du crime en publiant une déclaration affirmant qu'Amini avait eu une crise cardiaque. Mais les témoignages de la famille et de certaines personnes présentes lors de l'arrestation ont confirmé qu'Amini avait été battue et torturée. 

Gina Amini n'est pas la première femme kurde à subir des violences et des tortures de la part des autorités iraniennes, et elle ne sera pas la dernière. En effet, le même sort a été réservé à des dizaines de femmes lors des manifestations massives condamnant son meurtre et dénonçant le système répressif iranien.

La violence infligée à Gina Amini, celle qui a provoqué son décès, était le résultat de la haine. D’abord parce que c’était une femme dans un État islamique patriarcal régi par un système répressif. Dans ce système, les hommes se considèrent comme les tuteurs des femmes, de leur corps et de leurs choix. Ensuite, parce qu'elle était kurde. On sait qu’en Iran les Kurdes sont victimes d’oppression, violences, exécutions pour des raisons les plus insignifiantes, comme celle du voile dans le cas de Gina Amini. 

Le voile que les femmes portent par « obligation religieuse islamique » n'est pas seulement là pour couvrir leurs cheveux, c’est plutôt une manière de « cacher » le corps que les hommes au pouvoir et ceux de leur famille considèrent «awrah» (partie du corps obscène à cacher), cause de « fitna » (discorde) et de «tentation», ce corps qui les fait tant saliver. Ces hommes sont habitués à voir les femmes de leur pays uniquement dans la tenue qui leur est imposée. Ces femmes, au corps couvert de noir de la tête aux pieds, qui bougent telles des ombres, très prudemment, en pensant sans doute plaire au Créateur, alors qu'en réalité elles ne plaisent qu'à leurs geôliers mâles.

Gina Amini ne pensait pas que le destin la jetterait dans les pièges de la haine, de l'ignorance et de la masculinité vénéneuse. Et que les mèches de ses cheveux deviendraient des rayons de soleil dissipant l'obscurité des turbans...

La police morale, les représentants de l'autorité des mollahs, ceux qui prennent exemple sur les agents de l'État, les gangs et les docteurs de la foi, s’arrogent le droit de contrôler la volonté, le corps, et les choix des femmes. Ils étendent leur contrôle sur toute femme, armés de la « loi sur voile » discriminatoire, coercitive et abusive que l'État a instituée dans le cadre d'une politique de répression, de dissuasion, d'intimidation et de contrôle des corps qu'ils désirent jusqu'à les dissimuler.

Gina Amini n'était ni militante, ni journaliste, ni rebelle, c’était une fille kurde ordinaire qui se comportait normalement. Tout ce qu'elle voulait ce jour-là, c'était passer un bon moment en famille, elle ne pensait pas que le destin la jetterait dans les pièges de la haine, de l'ignorance et de la masculinité vénéneuse, et que les mèches de ses cheveux deviendraient des rayons de soleil dissipant l'obscurité des turbans.

Dans des pays comme l'Iran, l'Afghanistan et l'Arabie saoudite, où le voile est imposé aux femmes, déroger à cette loi leur fait courir le risque d’être intimidées, de subir des peines sévères telles que la torture pouvant entraîner la mort.

Les protestations et les manifestations pour dénoncer cette réalité ne suffiront pas à changer les choses. Pendant des semaines, l'Iran a été le théâtre de manifestations massives condamnant ce qu’a subi Gina Amini. Certaines femmes ont brûlé leur foulard et coupé leurs cheveux en public, devant les caméras, ce qui reflétait leur grand désir de se débarrasser de ce joug, de cet esclavage et de ces lois injustes à leur encontre.

Malgré la présence de mouvements féministes contre les lois rendant le port du voile obligatoire, malgré le grand courage dont ont fait preuve les femmes et les filles pour exprimer leur rejet de ces lois, et malgré le soutien de certains hommes, ces manifestations, comme il est de coutume dans les Etats répressifs similaires à l'Iran, seront rapidement confrontées à la violence, aux arrestations et aux assassinats, conduisant à leur extinction. Depuis le meurtre de Gina Amini, les protestations ont fait un grand nombre de morts, de blessés et de détenus, et le malheur continue. La crainte, aujourd'hui, est que ces personnes fouettées et emprisonnées ne tombent vite dans l’oubli, tandis que le monde se focalisera sur d'autres nouvelles, quelque part ailleurs.

En conclusion, imposer le port du voile aux femmes et aux filles, où qu'elles se trouvent, est une violation flagrante de leurs droits à l'égalité et à la liberté d'expression et d’opinion. Pire, cela entraîne leur chosification et permet aux hommes de se les approprier. Cependant, il est possible que les autorités iraniennes n’acceptent en aucune manière la remise en cause de leurs lois, coutumes et pratiques. Par ailleurs, la communauté internationale étant indifférente aux violations des droits humains en Iran, il est peu probable -malgré les sacrifices- d’assister à un changement de politiques profondément enracinées dans l’islamisme radicale, et reflétant la détermination féroce de l'État à réprimer son peuple…

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