Maroc : des femmes en mouvement, un statut et des droits en chantier

Depuis les années 2000, le statut des femmes au Maroc connait des avancées encourageantes. L’ouverture démocratique a favorisé l’émergence du mouvement des femmes, tout comme réciproquement, celui-ci a contribué à la transition démocratique. Cependant si le progrès est indéniable, la parité homme/femme n’est pas acquise et reste encore un défi majeur pour le pays.

Mosa'ab Elshamy AP

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Femmes marocaines en mouvement

Au Maroc, le mouvement des femmes se positionne comme un nouvel acteur politique. Celui-ci a largement contribué à de grandes décisions, au renouvellement du dialogue politique et à l’élargissement de la participation citoyenne et civique. Ainsi, les réformes du code de la famille appelée la Moudawana (2004), vécus comme une grande victoire, ou encore celles du code du travail (2003) et du code pénal (2002), sont basés essentiellement sur des propositions présentées par des collectifs et des réseaux d’associations féministes.

C’est dans les années 80, dans un contexte de lutte démocratique, que s’est structuré le mouvement féministe au Maroc. Durant cette période prolifique, ces féministes pionnières dites historiques ont cumulé les victoires, tels que la réforme de la Moudawana citée ci-dessus (2004), considérée comme historique.

L’année 2011 marquera un tournant pour le mouvement féministe au Maroc. C’est l’année des soulèvements populaires, à l’instar des autres pays arabes. Les contestations notent une grande participation de femmes, issues pour la plupart de milieux populaires, jusque-là considérées comme apolitiques. Pour une fois, une pluralité de féminisme s’affiche : un féminisme diversifié, moins élitiste et prenant en compte les enjeux des classes populaires. C’est aussi l’apogée du féminisme islamique, qui connait un franc succès auprès des femmes marocaines de la classe moyenne, auparavant exclues par le féminisme historique. 

Les victoires du mouvement féministe ne tarderont pas à arriver. Suite à ce soulèvement, le roi annonce en mars 2011 le projet de révision de la constitution, intégrant nombreuses revendications féministes, dont le principe de la parité. La même année, le choix d’une liste nationale mixte aux élections législatives participera à atteindre cet objectif. Les années suivantes, en 2014, l’amendement du paragraphe 2 de l’article 457, abroge la disposition autorisant un violeur à épouser sa victime mineure. En 2015, l’article 453 prévoit l’élargissement des cas de l’autorisation à l’avortement. La même année, les lois organiques relatives aux collectivités territoriales ont réservé un quota minimum de sièges aux femmes : 27% au niveau communal et 30% au niveau régional.

Plus récemment, l’usage du numérique a permis l’émergence de nouvelles formes d’expression pour le mouvement féministe, mettant en avant le rôle de l’individu. Sur les réseaux, on ne s’exprime plus au nom d’un parti politique, d’un syndicat ou d’une association, mais en tant que soi, ce qui a contribué à une libération décomplexée de la parole. Les actions sont plus ponctuelles et visent des questions précises, en créant un véritable évènement médiatique. C’est le cas, à titre d’exemple, de l’affaire Hajar Raissouni, journaliste condamnée en 2019 pour avortement illégal. Grace au réseaux sociaux, s’organisent autour d’elle une mobilisation générale et une vague de soutien, dont celle du collectif 490 « Hors-la-loi du Maroc ». Le collectif qui milite pour la défense des libertés individuelles, remportera d’ailleurs le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes en janvier 2020.

Droits des femmes au Maroc :  l’agenda des féministes

Malgré le progrès, les défis qui se posent aujourd’hui sont de taille pour le mouvement féministe au Maroc.

En dépit des lois adoptées en faveur de la parité, celle-ci est loin d’être acquise. Depuis la constitution de 2011 jusqu’à aujourd’hui, le chantier législatif de l’harmonisation des lois avec la constitution fait preuve de lenteur et de résistances. Il y a une inadéquation entre la constitution et son application, les mutations sociales et les lois en vigueurs. De fait, les engagements du Maroc en faveur de l’égalité sont encore loin d’être concrétisés.

Au niveau politique, les femmes restent sous-représentées (21%), et leur accès aux postes de responsabilité est très faible (15%). Par ailleurs, plusieurs codes régissant les droits civils maintiennent encore une discrimination envers les femmes, notamment au sujet du mariage des mineurs et de la polygamie.

En terme de droits économiques, sociaux et culturels, la réforme éducative intègre l’égalité des chances entre les genres comme un objectif clé. Toutefois, les disparités entre le rural et l’urbain demeurent constantes. La population féminine rurale est fortement touchée par l’analphabétisme et l’abandon scolaire. Par ailleurs, si l’emploi des femmes et leur scolarisation a de manière générale progressé, les femmes restent de plus en plus exposées au chômage. Aujourd’hui, 72.8% des marocaines sont non employées.

Un autre défi majeur concerne la santé sexuelle et reproductive des femmes. Un grand dysfonctionnement menace les femmes dans le milieu rural, où l’accouchement sans surveillance médicale et l’avortement clandestin continuent à avoir lieu. 

Enfin, il y a une absence de législation luttant contre la violence à l’égard des femmes. 54.4% de marocaines sont aujourd’hui victimes de violence, pour la plupart domestique. La loi fait preuve de silence sur certaines formes de violence (conjugale, morale etc.), et l’accès aux institutions de protection pour les femmes reste difficile et limité.

Ainsi, cinq décennies après l’émergence du mouvement féministe au Maroc, la lutte pour le droit des femmes, l’égalité, et la parité reste un combat de longue haleine. Plus que jamais, le combat des femmes au Maroc, a besoin de soutien, de promotion et de mise en lumière.

Photo de:  Mosa'ab Elshamy AP
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