Des maisons englouties dans les eaux et des enfants mordus par le froid… Les Femmes libanaises exposées aux tempêtes

Le cyclone « Ivan » a confirmé que le Liban est incapable de supporter une simple tempête hivernale et que ce sont les catégories les plus vulnérables comme les pauvres, les femmes et les réfugié.es qui supportent les conséquences de la dégradation des infrastructures et de l’absence d’assistance sociale et économique.

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« Ça, ce sont mes enfants, là, c’est ma maison et l’eau est partout ». C’est ainsi qu’une dame qui vit dans le quartier « al-Tanak », un des plus pauvres de la ville de Tripoli au Nord du Liban, résume sa situation et celle de sa famille après le passage du cyclone « Ivan » qui a frappé le Liban et entraîné des dommages lourds au niveau des infrastructures et des routes. Il s’est également introduit à l’intérieur d’un grand nombre de maisons dans plusieurs régions libanaises, surtout celles de Tripoli et Akkar qui souffrent essentiellement du manque de l’Etat, de la pauvreté, de mauvaises conditions de vie, et de l’absence de services.

Zahra est mère de six enfants et c’est elle qui pourvoit aux dépenses de son foyer en travaillant comme femme de ménage pour assurer à sa progéniture la nourriture et une vie décente dans la mesure du possible. « Nous sommes à l’abri dans cette maison mais chaque fois qu’il y a une tempête, elle nous emporte avec elle » dit-elle, affligée, tout en triant les vêtements de ses enfants et leurs livres mouillés à la suite de l’inondation.

Les eaux ont pénétré dans la maison de cette dame cinquantenaire, une maison qui n’est pas prévue pour l’habitation en principe, avec son toit en tôle et ses murs précaires. L’eau a atteint la chambre à coucher de ses enfants et Zahra dit : « Je ne peux plus en supporter davantage, la pauvreté, les obstacles et les tempêtes ça suffit ! »

Beaucoup de maisons de la région ont été inondées, ce qui a entraîné des dégâts matériels et la noyade de quelques personnes. Le cyclone « Ivan » est apparu comme une nouvelle confirmation de la profonde débâcle qui ronge le pays.

Non loin de Tripoli, nous avons rencontré à Al-Abda-Akkar une autre dame, mère de quatre enfants. Elle vit dans un des camps de réfugiés syriens depuis la mort de son mari. Ahlam travaille dans le secteur agricole pour pourvoir aux besoins de sa famille. Elle explique, accablée, ce qui s’est passé durant les jours de tempête : « On a vu l’inondation des terres agricoles, beaucoup de récoltes ont été perdues et personne ne nous compatissait. » A propos de la situation des camps, elle surenchérit : « C’est devenu une habitude. Quand l’hiver arrive, nous sommes submergés dans nos tentes avec nos enfants qui tombent malades à cause des inondations. En plus, le chauffage est très difficile à avoir et le froid est mordant lorsque vous vivez sous une tente.  Je ramasse des branches, des bouts de bois et des feuilles tombées sur les routes ou devant la poubelle et je fais un feu à l’intérieur de la tente dans un four pour qu’on ne meure pas de froid. C’est très difficile mais je n’ai aucune autre solution. »

Les épreuves que doivent affronter Zahra et Ahlam en raison du cyclone « Ivan » sont innombrables, d’autant que ces mères et soutiens de famille doivent subvenir aux besoins des leurs dans des circonstances très difficiles et en l’absence de toute aide ou assistance sociale officielle. Le problème est que les répercussions des cyclones - comme l’effondrement des infrastructures, l’inondation de des maisons, les canalisations sanitaires bouchées, les routes craquelées - sont permanentes et les gens qui sont touchés par ces sinistres n’obtiennent jamais de quelconque dédommagement. De plus, la plupart d’entre eux sont en fait incapables de faire face eux-mêmes à ces dépenses, à cause de leurs conditions matérielles très difficiles et de la crise économique qui impacte de manière importante les familles les plus pauvres et celles qui ont des revenus limités.

« Je ramasse des branches, des bouts de bois et des feuilles tombées sur les routes ou devant la poubelle et je fais un feu à l’intérieur de la tente dans un four pour qu’on ne meure pas de froid »

Ainsi, certaines familles ont été obligées de quitter leurs tentes ou maisons, à cause des conséquences néfastes de ces inondations sur leur habitat et sur la santé des enfants et des personnes âgées. On peut s’imaginer les épreuves traversées par ces familles, surtout dans les régions pauvres qui souffrent tout particulièrement de ces infrastructures défectueuses, de l’absence de l’Etat et de toute assistance.

Selon le Fonds des Nations unies pour la Population (UNFPA), ce sont les femmes et les jeunes filles qui sont le plus vulnérables et le plus touchées lors des catastrophes parce qu’elles représentent la majorité des pauvres au niveau mondial et que ce sont elles qui supportent principalement la charge de devoir trouver la nourriture, l’eau et toutes les provisions nécessaires à leurs familles.

Selon un recensement effectué en 2022 et présenté par le chercheur Mohammed Chams dans « Informations internationales », la catégorie des riches au Liban a atteint 5%, la classe moyenne 40% après avoir été de 70%. La catégorie située au-dessus du seuil de pauvreté représente 30% de la population, et celle située au-dessous du seuil de pauvreté est de 25%.

Le résultat, c’est que le cyclone « Ivan » et ceux qui l’ont précédé cette année ont confirmé que le Liban est incapable de supporter une banale tempête hivernale. Par conséquent, ce sont les catégories les plus vulnérables comme les pauvres, les femmes et les réfugié.es qui supportent les conséquences de la dégradation des infrastructures et de l’absence d’un cadre d’assistance sociale et économique.

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