Assassinat de Shirine Abou Akleh, où en sont les enquêtes ?

Un an après le meurtre de la journaliste palestinienne, Shirine Abou Akleh, sa famille, ses collègues, celles et ceux qui ont aimé son travail n’ont pas oublié leur droit à la justice, ni les procédures judiciaires qui méritent d’être suivies et contrôlées. Grâce à un entretien avec le frère de Shirine et le directeur de l’organisation « Al-Haq », cet article éclaire les étapes les plus importantes des enquêtes en cours.

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Dans l’entretien qu’il a accordé à Medfeminiswiya, Anton Abou Akleh, le frère de Shirine Abou Akleh, la journaliste tuée par un sniper israélien le 11 mai 2022, affirme que sa famille va saisir la justice pour poursuivre les assassins de sa sœur et leur demander des comptes, et ce en dépit de la complexité des obstacles pour obtenir la vérité.

Anton Abou akleh évoque le suivi par sa famille de l’enquête pénale sur les circonstances de l’assassinat de Shirine, initiée par le Bureau fédéral américain des investigations (FBI) qui veut éclaircir les circonstances de son assassinat, après que le monde entier a vu son exécution par balles par un sniper israélien lors de l’attaque du camp de réfugiés de Jénine, au nord de la Cisjordanie.

« En tant que famille, nous sommes intéressés par cette investigation que nous souhaitons positive et transparente, explique-t-il. Toutes les enquêtes réalisées jusqu’ici, celles des médias ou des Nations unies et celle de l’organisation B’Tselem, prouvent, de manière catégorique, qu’Israël est derrière l’assassinat de ma sœur Shirine. » Ces investigations, basées sur la vérité des faits et les récits de témoins oculaires qui étaient sur place au moment de l’assassinat, sont unanimes pour dire que le meurtre de Shirine a été commis par un sniper israélien de façon préméditée.

Enquête pénale dirigée par le FBI

A la fin de l’année dernière, le Département d’Etat américain a informé le ministère de la Justice israélien que le FBI avait ouvert une enquête sur les circonstances de l’assassinat de la journaliste Shirine Abou Akleh. Un compte-rendu publié par le site américain Axios a signalé que l’enquête du FBI sur les actions de l’armée d’occupation israélienne en Cisjordanie est « un évènement exceptionnel et inédit ». « L’enquête du FBI peut conduire à une demande américaine d’interrogatoire des soldats impliqués dans l’assassinat d’Abou Akleh », a précisé le Département d’Etat américain, sans qu’il faille nécessairement obtenir l’accord d’Israël.

Par la suite, le ministre de la Défense de l’occupant, Benny Gantz, qui a réagi à l’enquête du FBI sur le meurtre de la journaliste Abou Akleh, a déclaré que la décision de la justice américaine était une « grave erreur ». Il a argué du fait que l’armée israélienne avait procédé à une enquête professionnelle en interne, présentée à des officiels américains. Benny Gantz a ajouté : « j’ai expliqué aux délégués américains que nous soutenons nos soldats. Nous ne coopérons à aucune enquête externe, et nous n’autorisons pas l’immixtion dans les affaires intérieures israéliennes. »

Durant de long mois, les autorités de l’occupation israélienne ont nié toute responsabilité dans le meurtre de Shirine Abou Akleh, rejetant les accusations de préméditation du meurtre de la journaliste palestino-américaine. Elles ont prétendu, juste après l’assassinat, que des balles palestiniennes avaient probablement causé la mort de la journaliste avant de se rétracter.

En septembre 2022, l’armée israélienne a publié les résultats de son enquête interne sur le meurtre de Shirine Abou Akleh. Elle déclarait que la martyre palestinienne avait été « apparemment tuée par une balle perdue tirée par un soldat israélien. »

« Toutes les enquêtes réalisées jusqu’ici, prouvent, de manière catégorique, qu’Israël est derrière l’assassinat de ma sœur Shirine. »

Le dossier est également dans les tiroirs du Tribunal pénal international

Pour obtenir de plus amples informations sur les développements judiciaires de l’affaire Shirine Abou Akleh,  Medfeminiswiya a interrogé, Chaabane Jabbarine, directeur général de la Fondation Al-Haq, activiste spécialiste de droits humains : « nous avons initié une enquête et procédé à la documentation et à la collecte des preuves. Nous avons publié un rapport exhaustif basé sur des techniques scientifiques inédites au Moyen-Orient. Nous avons fait la lumière sur le meurtre de la journaliste Abou Akleh. Nos documents ont été utilisés par la famille de Shirine, la chaine Al-Jazeera et les avocats ayant déposé leurs plaintes au Tribunal pénal international. »

Chaabane Jabbarine a également souligé l’importance de l’ouverture, par les autorités états-unienne, d’une enquête pénale sur le meurtre de Shirine en sa qualité de citoyenne américaine. L’enquête incombe au département d’Etat américain qui l’a confiée au FBI. Toutefois, à ce jour, nous n’avons aucun détail sur le déroulement de l’enquête ni sur l’état de son avancement, encore moins sur ses conclusions. « Nous fondons de grands espoirs sur cette enquête qui est actuellement en cours. La partie américaine a envoyé plusieurs figures professionnelles, qui se sont présentées sur le lieu du crime dans le camp de Jénine. »

La famille de Shirine Abou Akleh, le Syndicat des journalistes palestiniens ainsi que la chaîne Al-Jazeera, pour laquelle Shirine avait travaillé durant 25 ans, ont appelé le Tribunal pénal international à enquêter sur les circonstances de son assassinat. « Les analyses confirment un probable ralentissement de l’enquête du Tribunal pénal international parce que institutions américaines enquêtent déjà sur ce dossier, note Chaabane Jabbarine. L’enquête du TPI sera aussi impactée par le principe de la primauté de la juridiction nationale où a eu lieu le meurtre : c’est-à-dire Israël. Celui-ci a toutefois clôturé le dossier et ne se considère pas responsable de cet assassinat. C’est souvent le cas pour les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité qui ne bénéficient habituellement d’aucune réponse sérieuse, encore moins d’enquêtes indépendantes et professionnelles. Il est évident que l’occupant israélien aurait la possibilité de faire la lumière sur le crime, mais il ne le veut pas car la victime est palestinienne. »

Cette victime palestinienne a dit un jour : « Moi, Shirine Abou Akleh, j’ai choisi le journalisme pour être près de de la souffrance humaine. Changer la réalité n’est pas une chose facile, mais au moins, j’ai pu transmettre la voix de cette souffrance au monde… »

Aujourd’hui, des centaines de journalistes, hommes et femmes, crient à travers le monde : « Nous sommes Shirine Abou Akleh, nous n’oublierons pas la Palestine et nous n’oublierons pas la justice que mérite Shirine et Ghoufran Ouarasna ainsi que tous les autres journalistes, hommes et femmes tué.e.s par l’occupant, ou détenu.e.s. par lui »

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