Souad Hdidou, conductrice à roue libre

A Rabat, Souad Hdidou est la seule femme chauffeur de taxi. Malgré les nombreuses difficultés du domaine, Souad a réussi à faire sa place au milieu des hommes. Un métier rare pour une femme qu’elle exerce fervemment, à roue libre.

Au Maroc, conduire un taxi, c’est plonger dans le chaos urbain, dominer la ville et défier le code de la route à coup d’injures balancées par les vitres. C’est aussi arpenter un territoire purement masculin : celui de la rue, des voitures, de la vitesse et de la bousculade.

Dans ce milieu, Souad Hdidou dénote. Son taxi annonce d’emblée la couleur : des tapis roses, un parfum d’oud, des bouteilles d’eau et des mouchoirs à disposition des clients. Dans sa voiture soignée et féminine, Souad jongle avec les codes de la rue et dribble avec son volant.

© Condé Nast Traveler

« Depuis que je suis jeune, j’aime défier les Hommes » affirme Souad.

Au premier abord, son large sourire et sa vivacité trahissent son sens du courage et du combat. Dans le parcours de Souad, conduire un taxi n’est pas un chemin du hasard. Elle a d’abord travaillé dans les pépinières, puis dans la livraison du poisson frais pendant cinq ans où elle a conduit des camions frigorifiques. Elle s’est ensuite dirigée vers les taxis, pour relever un autre défi. « J’ai choisi ce métier par passion et non par nécessité », tient-elle à préciser.

Du haut de ses 34 ans, Souad affirme être épanouie. Elle aime la liberté que lui offre son métier, la possibilité qu’elle a de travailler à l’extérieur, sans pression et de se déplacer. Chaque jour, son métier lui permet de rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux lieux et de nouvelles choses.

Un taxi, c’est aussi un lieu de partage où circule toutes les informations du pays, une fenêtre ouverte sur la société marocaine. « Si tu veux savoir quelque chose, tu demandes à un taxieur : c’est la source ultime d’information. En tant que chauffeur de taxi, j’apprends beaucoup des gens. J’ai de la chance de travailler dans la capitale, où les gens viennent de toutes les villes du Maroc et d’ailleurs de tous les coins du monde. »

« Il y a eu un client qui m’a reproché d’être une femme et de conduire, il m’a insulté puis agressé. On m’a déjà volée, emmenée dans des lieux dangereux... C’est un métier très difficile, de par la proximité avec les clients. Dans un taxi, les personnes t’abordent librement. Contrairement au bus par exemple, plus sécurisé, où il y a une distance avec les passagers. »

Une femme au volant : se faire sa place parmi les hommes

Souad Hdidou fait partie des premières conductrices à Rabat, avec ses amies, dont Faouzia qui est conductrice de grands taxi, Asmaa qui travaille avec les applications et Sanaa qui s’est retirée depuis. Elles ont été les premières femmes à explorer ce métier, leurs premiers pas remontent à 7ans.

Si elle semble aujourd’hui dominer et exercer son métier avec aisance, Souad a affronté des débuts difficiles, d’abord avec ses confrères hommes. « Il y a eu un chauffeur de taxi qui m’a craché dessus et insulté. »  Après avoir persévéré et fait ses preuves, elle a rapidement gagné le respect de ses collègues avec lesquels elle entretient aujourd’hui une relation de confiance et de soutien mutuel.

Toutefois, la plus grande difficulté reste la violence et le harcèlement des clients auxquels elle est exposée en tant que femme. Plusieurs consœurs conductrices de taxi ont d’ailleurs abandonné leur travail après avoir subi des agressions. « Il y a eu un client qui m’a reproché d’être une femme et de conduire, il m’a insulté puis agressé. On m’a déjà volée, emmenée dans des lieux dangereux... C’est un métier très difficile, de par la proximité avec les clients. Dans un taxi, les personnes t’abordent librement. Contrairement au bus par exemple, plus sécurisé, où il y a une distance avec les passagers. » raconte Souad.

Cependant, les cas de harcèlement sont de moins en moins fréquents : Souad est connue dans toute la ville, et compte sur le soutien régulier des gens, de sa clientèle et de ses confrères. Elle compte ainsi parmi ses clients plusieurs personnalités et hauts responsables. « Malgré les embuches et les obstacles, je n’ai jamais envisagé d’abandonner. Encore moins aujourd’hui, après tout ce que j’ai dû endurer. » Souad reçoit beaucoup d’encouragement et de soutien, son parcours a d’ailleurs suscité l’intérêt de plusieurs médias et chaines européennes tels que le CNN et la BBC.

« Aujourd’hui, je porte un flambeau et je rends honneur à la femme. J’ai accompli beaucoup de choses, et j’ai beaucoup d’ambition pour avancer. Je fais ce métier par mérite et par passion, et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. »

Fascinée d’atteindre des lieux lointains et hors de portée, Souad nourrit son ambition et vise à l’avenir de travailler dans le transport international.

Conduire un taxi, un métier d’homme ?

A l’heure où les femmes se sont introduites dans tous les métiers et domaines, il y a lieu de s’interroger si les métiers sont réellement genrés.

« Certes, conduire un taxi est à la base un métier 100% masculin. Mais aujourd’hui, la femme peut tout faire, elle conduit, alors pourquoi ne peut-elle pas conduire un taxi ? A notre époque, il n’y a plus de métier pour homme ou pour femme. » affirme Souad.

En plus de réussir dans un métier considéré masculin, Souad Hdidou répond en tant que femme conductrice à un vrai besoin dans la société marocaine. En tant que femme, elle inspire la confiance et la sécurité à ses clientes, particulièrement pour des trajets à des heures tardives. Ainsi, tous ses clients hommes la recommande pour leurs femmes, leurs filles et leurs enfants.

Souad a réussi à s’approprier une profession « d’homme » et à l’exercer de façon unique en tant que femme. Un exemple qui démontre que la femme a besoin d’investir l’espace public et de se l’approprier, en déconstruisant chaque jour les stéréotypes et les idées reçues. Souad, à l’instar d’autres femmes, ont sont la preuve : les seules barrières sont celles que l’on crée.

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