Le féminisme en Turquie: un bref aperçu

Bien qu’il soit souvent loué pour avoir été l’un des premiers pays d’Europe à reconnaître aux femmes le droit de voter et de se présenter aux élections (1934), la Turquie est actuellement l’un des pires pays en termes de représentation des femmes au Parlement national.

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Par Ovgu Pinar

Représentation politique des femmes en Turquie 

Fondée en 1923, la République de Turquie est devenue laïque à travers des amendements constitutionnels au cours des années suivantes, avec la suppression de l’Islam comme religion d’État en 1928 et l’introduction du principe de laïcité en 1937.

Bien qu’il soit souvent loué pour avoir été l’un des premiers pays d’Europe à reconnaître aux femmes le droit de voter et de se présenter aux élections (1934), la Turquie est actuellement l’un des pires pays en termes de représentation des femmes au Parlement national.

Selon le classement « Les femmes en politique : 2020 » établi par l’union interparlementaire et ONU Femmes, la Turquie est 122e sur 189 pays, avec 17,3% de femmes au Parlement.  

En 2020, seulement 2 des 17 ministres étaient des femmes. Parmi les partis politiques siégeant au Parlement, seul le HDP (Parti démocratique des peuples) met en œuvre un système de co-présidence pour garantir l’égalité des sexes.

La Turquie a toutefois eu une première ministre dans son histoire : Tansu Çiller qui a gouverné de 1993 à 1996.

Le mouvement féministe en Turquie 

Le mouvement féministe représente un des ferments les plus dynamiques et les plus diversifiés de la société civile turque. Il commence à s’organiser dans l’Empire ottoman du XIXe siècle, mais ce sera incontestablement la manifestation de 1987, d’environ 3000 femmes, à marquer un tournant décisif.

Les organisations de femmes en Turquie luttent activement contre la violence domestique, contre la réduction des peines invoquant la « provocation » en cas de féminicide, contre le manque de participation des femmes sur le marché du travail et au niveau de la représentation politique, et contre toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe. Des campagnes de sensibilisation pour le droit à l’autodéfense des victimes de violence sont également promues.

Ces dernières années, les rassemblements pour la Journée Internationale des femmes le 8 Mars à Taksim – lieu historique des manifestations à Istanbul – ont été interdits. De ce fait, les femmes résistant à cette interdiction ont dû faire face à l’intervention de la police et aux arrestations. Pourtant, chaque année depuis 2003, des milliers de personnes participent aux marches féministes.

Formes de discrimination contre les femmes 

Selon le Rapport mondial 2020 du Forum économique mondial sur l’écart entre les genres, la Turquie occupe la 130e position sur 153 pays. Elle s’est classée à la 136e position en ce qui concerne la participation et les opportunités économiques, 13e en termes de niveau d’éducation, 106e pour ce qui est des écarts salariaux, 64e pour la santé et l’espérance de vie, et 109e pour l’autonomisation politique.

Les données de l’OCDE montrent que 38% des femmes en Turquie sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur partenaire au moins une fois au cours de leur vie, tandis que la moyenne de l’OCDE est de 23%.

La Turquie a été l’un des premiers signataires de la Convention d’Istanbul, dont elle vient de se retirer, à la grande satisfaction du gouvernement conservateur qui n’avait eu cesse de menacer d’en sortir jusqu’à obtenir gain de cause.  Ceci explique qu’elle n’ait jamais été réellement mise en œuvre pour prévenir et combattre la violence contre les femmes.

Bien que l’avortement soit légal depuis 1983, son accès est limité et de nombreux obstacles empêchent les femmes d’y avoir recours. C’est ainsi que les Turques doivent se battre sans relâche contre les tentatives exercées par le pouvoir de revenir sur les droits qu’elles ont durement acquis.

Faits saillants 

La Turquie a adopté la loi n° 6284 pour « Protéger la Famille et prévenir la violence contre les Femmes » en 2012, une réussite des organisations de défense des droits de la femme, quand bien même des problèmes persistent dans sa mise en œuvre.

Les organisations de femmes poursuivent leurs actions de sensibilisation, solidarité et autres initiatives à travers les manifestations de masse, les campagnes sur les médias sociaux ; elles contribuent à des plaidoyers contre la violence faites aux femmes ; enfin, elles s’efforcent d’exercer une pression publique et sur le parlement turc pour obtenir des condamnations dans les cas de féminicides.

De nombreuses maisons d’édition et de nombreux sites internet féministes contribuent à élargir la couverture d’expériences, idées et discussions, et à mobiliser un public plus large.

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