Qardoun, une ode à la résilience des femmes et à la sororité

Au fil du Qardoun, ruban mystique, se tisse et se transmet la force et la puissance des femmes, de mères à filles, de sœurs à sœurs. Un ruban de la mémoire, tantôt unifiant, tantôt oppressant. Le court-métrage de Sarah El Hamed « Qardoun, la passation » est un conte poétique sur le pouvoir de la sororité et la résilience des femmes.

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Où va la mémoire de nos ancêtres ? Et si chacune de nous continuait à la porter en soi, secrètement ? L’histoire des femmes est-elle condamnée à se répéter ?

C’est dans un nuage de mysticisme, de symbolisme et de magie, ancré dans la culture nord-africaine, que Sarah El Hamed aborde la question de la transmission et de la condition féminine. Tel un cycle, le combat des femmes a traversé le temps et les générations.

Le film s’ouvre sur un espace-temps irréel et atmosphérique au milieu d’un palais, porté par la voix grave et pénétrante de Sarah. Elle incarne une maitresse de cérémonie, réunissant un cercle de femmes pour un rituel, dans un cadre éthéré. Chacune d’elle représente un élément naturel : feu, eau, air, terre et éther : éléments d’alchimie.

Photo du court-métrage « Qardoun, la passation »

La maîtresse de cérémonie apparait ensuite au milieu d’un patio ouvert vers le ciel, enlacée de Qardoun. Le ruban, qui représente d’abord des attaches, se transforme vite en chaîne de détention.  Manipulée, cette femme laisse présager une détresse.

Le rythme du film s’accélère et nous plonge dans un cycle infernal de réminiscences. Des images douloureuses et éprouvantes s’enchaînent : cris d’effroi, femme en cage, femme sous terre, femme brulée. Les images, tout aussi poignantes, évoquent en filigrane la souffrance subie par les femmes dans l’Histoire : les filles enterrées vivantes, les sorcières brulées vif.

« Qardoun, cet objet exclusivement féminin, évoque les moments de complicité féminine partagés entre mère, filles et sœurs. »

Le rituel se poursuit afin de rompre ce cycle de l’Histoire. Libérées, les femmes prennent conscience de leur pouvoir et unissent leur force, en procédant à une alchimie. Les images sombres laissent place à des images plus lumineuses, par contraste. « De l’ombre à la lumière, du néant à la vie, femme d’aujourd’hui. »

Unies et solidaires, elles arrivent alors à transcender leur condition. Le film se referme sur l’image de jeunes femmes rassemblées, formant une déesse à plusieurs têtes, une femme aux multiples visages.

Photo du court-métrage « Qardoun, la passation »

Le court-métrage s’articule autour de l’objet métaphorique du qardoun : ce ruban de tissu berbère utilisé par les filles algériennes pour lisser leurs cheveux et les rendre plus soyeux. Cet objet, exclusivement féminin, évoque les moments de complicité féminine partagés entre mère, filles et sœurs.

D’autre part, on peut y voir également un outil d’injonction, utilisé pour discipliner des cheveux nord-africains bouclés de nature, pour répondre à des standards de beauté occidentaux. Ainsi, il fait écho à la fois à la beauté et à la souffrance de l’existence féminine.

Dans un contexte actuel où la violence et l’injustice à l’égard des femmes est dénoncée partout à travers le monde, l’œuvre de Sarah El Hamed est particulièrement poignante. Le film a d’ailleurs remporté deux prix cette année, celui du Toronto International Women Film Festival au Canada et celui du « White Uncorn » en Inde. Il fait aussi l’objet de sept sélections dans des festivals internationaux, dont le « Arab Women Film Festival ».

Dans ce court-métrage, Sarah El Hamed dévoile tout son talent d’artiste performeuse. Dans sa pratique artistique, elle explore plusieurs mediums tels que la poésie orale, la photographie, l’installation ou encore l’intervention urbaine. Originaire d’Algérie, elle puise beaucoup ses inspirations dans les traditions ancestrales, les symboles et les rituels de son héritage nord-africain.

 

À propos du film :
Née en 2019 dans le cadre d’une résidence artistique à la villa Abdellatif d’Alger, le court métrage « Qardoun, la passation » réunit une dizaine d’artiste algériens : cinéastes, comédiens et artistes visuels, sous les directives de Sarah El Hamed. L’artiste prévoit également de livrer des performances live, pour accompagner les futures diffusions du film.
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