Amel Zen « Il est temps de dire les choses sans détours »

La chanteuse algérienne creuse son sillon avec cette nouvelle création « Ya mra » dédiée non seulement au combat des femmes de son pays mais à celui de toutes les femmes. Artiste talentueuse et engagée, elle restera l’une des plus belles voix du Hirak en 2019, le mouvement populaire et pacifique en Algérie.

Dans son style qui mêle la pop et le rock progressif aux musiques traditionnelles algériennes et maghrébines, Amel Zen cloue au pilori de l’Histoire la condition des citoyennes de seconde zone, des Algériennes, et chante l’espoir de la liberté et des libertés.

Pourquoi une jeune chanteuse populaire comme toi choisit-elle de s'engager sur les questions féministes, sur les droits humains et la problématique identitaire ?

Je pense que mon engagement envers ces thématiques s'est manifesté de manière instinctive et intuitive, tel un réflexe de survie motivé par un profond souci de justice et une nécessité de protéger l'intégrité humaine avant toute chose. La question de la justice occupe une place centrale en ce qui concerne ces problématiques. Défendre les droits des femmes, leur liberté, ou encore leur identité revient à revendiquer sa propre existence. Être conscient que ces droits sont fondamentaux est essentiel pour pouvoir vivre et coexister dans un système juste et sain, permettant à chacun de s'épanouir et de contribuer à son tour à l'édifice de l'humanité.

Comment tu as célébré le 8 mars cette année ? 

Je célèbre le 8 mars en me remémorant le combat de mes aînées et de celles qui ont sacrifié leur vie pour faire progresser la situation et le statut des femmes chez moi et dans le monde. Je rends hommage à ces femmes et à leurs luttes, et à mon tour, je continue de défendre la cause des femmes à travers mes œuvres, comme le titre "Ya Mra" (la femme) que j'ai sorti pour ce 8 mars 2024. En cette journée, j'essaie également de rappeler que ce n'est pas une fête de la femme, mais la Journée internationale des droits des femmes... Malheureusement, nous en sommes encore là, avec le fameux Aid El Mara !

Justement cette dernière création "la femme" ne laisse aucun doute sur ton engagement féministe. Quel retour attends-tu de ton public algérien ?

Je ne pense pas nécessairement aux réactions dans mon processus de création : je ressens, je crée et j'agis selon mes propres visions et convictions. Ensuite, je laisse le public interpréter mon travail à sa manière. Cependant, il est évident que j'aborde ici un sujet très délicat et tabou. Soulever les questions liées à la féminité et à la lutte contre le patriarcat de manière aussi directe, comme je le fais dans cette œuvre, n'est pas habituel et peut perturber beaucoup de gens.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est grand temps de dire les choses sans détours ni métaphores, et pourquoi pas à travers la musique. Il est même urgent de dénoncer les féminicides, les viols et toutes les formes de violence physique ou psychologique subies par les femmes au quotidien dans notre société. Et rappeler aussi que les normes sociales, certaines traditions rétrogrades et l'instrumentalisation de la religion en sont parfois la cause principale.

Quel avenir tu voudrais construire en tant que femme algérienne et d'artiste ?

J'aimerais pouvoir m'épanouir en tant que femme et artiste tout en portant haut et fort mon engagement pour plus de justice et d'humanité, que ce soit dans mon pays ou dans le monde entier.

*Aid el mar’a ou fête de la femme est le slogan officiel en Algérie pour le 8 mars (ndrl)
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