Femmes remarquables du Monténégro - appel à proposition ouvert aux artistes

Le projet "Femmes remarquables du Monténégro", à l'initiative de l'ambassade du Royaume des Pays-Bas et en coopération avec le Centre pour les droits de la femme, vise à rendre les femmes plus présentes et plus visibles dans l'espace public à travers un ensemble de peintures murales et d’une série d'actions les accompagnant.

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C’est une évidence :  le statut des femmes dans la société est loin d’être enviable. Dans le monde d'aujourd'hui, où la démocratie est remise en question, nous constatons que le droit des femmes à disposer de leur corps ainsi que le droit de prendre des décisions de manière autonome et indépendante sur leur propre vie sont de plus en plus remis en cause, voire refusés.

Afin de lutter contre ces tendances, les Pays-Bas, qui accordent une grande attention à cette question, tant dans leur propre pays que dans ceux où ils ont des ambassades, ont mis en œuvre plusieurs initiatives. Ainsi, ont-ils lancé un projet visant à rendre les femmes importantes pour la société monténégrine plus visibles, grâce à des œuvres d'art de rue accessibles au grand public.

Les femmes choisies pour inspirer les peintures murales sont des révolutionnaires, des activistes, des éducatrices, des ambassadrices, des architectes et des féministes des 19e et 20e siècles. Elles sont toutes caractérisées par la force, la solidarité, un esprit fort et inébranlable dans la lutte pour l'émancipation des femmes et leur égalité. L'objectif de ce projet est de donner à ces Monténégrines exceptionnelles la reconnaissance qu'elles méritent. Les nouvelles générations apprendront à les connaître, et les plus expérimentées se verront rappeler l'importance de ces authentiques héroïnes de leur temps.

Dans cette optique, le Centre pour les droits de la femme a lancé un appel aux artistes, qui doivent envoyer leur CV, accompagné d'un portfolio et d'une esquisse de la peinture murale, à izuzetnezenecg@gmail.com. Le concours est ouvert jusqu'au 10 septembre 2023. Les premières fresques seront réalisées à Podgorica, Cetinje et Bar, villes où les femmes sélectionnées sont nées et ont laissé une empreinte indélébile par leur vie et leur travail.

Jelena Vicković - Cetinje

Jelena est née à Kotor où elle a fait ses études primaires. À l'époque, elle était l'une des rares femmes à savoir lire et écrire. Elle se consacrera à l'enseignement. Elle fut non seulement la première enseignante du Monténégro, mais aussi une révolutionnaire et une réformatrice de l'éducation, prenant sur elle d'éduquer les filles, ce qui était un sujet tabou à l'époque, les femmes se consacrant uniquement aux soins de la famille et de la progéniture.

Après avoir terminé ses études à Kotor en 1867, elle s'installe dans la capitale du Montengro, Cetinje, et fonde la première école de filles non institutionnelle. Dans son appartement, elle rassemble des enfants de familles pauvres et leur enseigne gratuitement la lecture, l'écriture, l'arithmétique, le travail manuel, ainsi que le théâtre. Avec son arrivée à Cetinje, pour la première fois dans l'histoire du pays, l'éducation des enfants de sexe féminin est prise en compte.

La première école privée pour filles est ouverte en 1871 à Cetinje, et deux ans plus tard, elle est transformée en école élémentaire publique pour les filles. Jelena Vicković est à l’origine de l'alphabétisation de centaines de filles et de femmes au Monténégro. Les règlements scolaires de l'époque indiquent qu'il appartenait aux parents d'inscrire ou non leurs filles à l'école. Il faudra attendre 1914 pour que l'éducation obligatoire des enfants de sexe féminin soit réglementée par une loi.

Stana Tomašević Arnesen - Barreau

Stana était officier des partisan.e.s yougoslaves pendant la Seconde Guerre mondiale, mannequin, femme politique yougoslave et première femme diplomate. Elle est née à Bar et a fait des études pour devenir enseignante. Peu avant l'occupation du Monténégro par le Royaume d'Italie en 1941, elle réussit à obtenir un diplôme et rejoint les Partisans. Peu après, elle devient la première femme commissaire en Yougoslavie. Blessée à deux reprises, elle termine la guerre avec moult décoration et le grade de colonel.

Stana Tomašević avec Tito 1963. Auteur inconnu - Musée de la Yougoslavie, CC BY-SA 3.0

Le bataillon de Stana a joué un rôle important dans la défense de Josip Broz Tito. Alors qu'elle se trouvait à Drvar (ville bosniaque), le photographe militaire britannique John Talbot a pris des photos inspirantes d'elle qui ont été diffusées sous forme de tracts au-dessus de l'Europe pour encourager la résistance à l'occupant. Ces photos ont été largement diffusées auprès des résistants européens. Après la guerre, elle a été ministre fédérale du gouvernement yougoslave et a été la première femme ambassadeur du pays, d'abord en Norvège et en Islande (1963-1967), puis au Danemark (1974-1978).

Kana a commencé ses études à Cetinje, les a poursuivies au lycée de Podgorica et a étudié l'architecture à Belgrade. Bien qu'elle ait été formée professionnellement à Paris, Moscou et Tokyo, dans le studio du célèbre architecte japonais Kisho Kurokawa, la vie et l’œuvre de Svetlana Kana sont étroitement liées au Monténégro, en particulier à Podgorica. Elle a laissé derrière elle des œuvres d’une importance majeure : son innovation architecturale, son style caractéristique ont attiré l'attention des experts mondiaux et de toutes celles et ceux passionné.es d'architecture.

Svetlana Kana Radević - Podgorica

Son esthétique se distingue par le choix des matériaux qu'elle utilise, la fusion des structures avec leur environnement extérieur, ainsi que par la taille et la puissance de ses projets.

Monument aux soldats tombés au combat de Lješanska Nahija. Source: internet

Son œuvre la plus connue est l'hôtel Podgorica, pour lequel elle a remporté le prix fédéral Borba d'architecture en 1967, ainsi que le monument aux soldats tombés au combat de Lješanska nahija à Barutana, pour lequel elle a également remporté un concours national en 1975.

En outre, Svetlana Kana est l'une des fondatrices de la DANU (Académie des sciences et des arts), dont elle fut élue membre à part entière. Elle fut également la première vice-présidente de la Matica crnogorska.

Les œuvres de Kana Radević ont été présentées dans le cadre de la célèbre exposition "Toward a Concrete Utopia" Architecture in Yugoslavia, 1948-1980, qui s'est tenue au musée MoMA de New York en 2018-2019. L'une de ses œuvres est devenue partie intégrante de la collection du MoMA. En 2021, un aperçu de l'œuvre de Kana a été présenté à la Biennale de Venise.

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